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FIGARO. - Comment jugez-vous votre première partie de tour du monde?
Alessandro DI BENEDETTO. - Tout va très bien. Je suis déjà très content d'avoir passé le cap de Bonne-Espérance la semaine dernière, j'ai même débouché le champagne. J'ai senti l'odeur de la terre africaine, c'était très agréable. Sinon, le bateau va bien, c'est vraiment l'essentiel. C'est déjà une grande réussite d'arriver à cet endroit de la course avec un bateau en bon état. Bien sûr, il y a toujours quelques bricoles à faire comme réparer des taquets qui se sont arrachés mais ça, c'est la routine. En tout cas, je vois l'océan Indien d'un nouvel oeil. Quand j'étais venu avec mon voilier de 6,50 mètres, j'étais en survie, là, je prends du plaisir.
Certaines personnes disent que vous ne faites pas la même course que les autres...
Ils ont raison, ce ne sont pas les mêmes bateaux. Le mien a quatorze ans, ceux de devant en ont à peine deux. Mais je ne pense pas que ce soit un problème. Il n'y a pas de honte à avoir un bateau moins rapide. Le Vendée Globe, c'est une course d'endurance et ce ne sont pas forcément les meilleurs bateaux qui arrivent au bout. Actuellement je ne me sens pas dernier mais 13e, car nous étions 20 au départ. C'est aussi le charme du Vendée Globe d'avoir des skippers différents avec un palmarès et des voiliers différents. Certains ont des budgets de 3 ou 4 millions d'euros et moi à peine d'un, je suis encore là et j'en suis fier.
Êtes-vous conscient d'attirer particulièrement la sympathie?
Mes sponsors me le disent, les journalistes me le disent aussi, ça me fait très plaisir. Il y a de plus en plus de moyens de communication et je trouve ça génial, ça me permet de partager. J'essaie de transmettre le plus possible au public. Par exemple, j'ai mon potager à bord, j'ai une salade prête pour demain et une pour ce midi, je le montre en faisant des vidéos.
Thomas Coville disait que beaucoup de skippers changeaient de personnalité lorsqu'ils étaient en mer mais que vous, vous restiez le même. Êtes-vous d'accord?
J'essaie de rester moi-même. Il n'y a rien d'artificiel là-dedans. Lorsque je partage des moments, je les donne bruts. Le Vendée Globe est une aventure grandiose. On est tellement peu à pouvoir vivre ces moments-là qu'on n'a pas le droit de mentir. Nous sommes moins à avoir fait ce tour du monde par les trois caps que le nombre de personnes à être allées dans l'espace. Le «Globe», c'est une beauté mais aussi une hostilité extrême, on se doit donc d'être franc avec soi-même mais aussi vis-à-vis du public.
Vous prenez manifestement un intense plaisir...
Sur le Vendée Globe, le paysage change en continu, chaque minute, un décor différent apparaît et je prends beaucoup de photos et de vidéos pour le montrer aux gens à terre. Il faut faire partager parce qu'on a la chance d'être là. Par exemple, il y a dans la mer des planctons appelés Noctiluca miliaris qui s'illuminent au passage du bateau. Lorsque la nuit tombe, avec les étoiles, on a l'impression de naviguer sur la Voie lactée, c'est merveilleux.
Noël approche, qu'allez-vous faire pour ce moment particulier?
Ce sera quelque chose de très simple. J'ai des chocolats, je me ferai un bon repas et j'ouvrirai une autre bouteille de champagne...