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Les deux leaders font route vers la prochaine porte des glaces, Australie Est, alors que le dernier de la flotte s’éloigne de la Porte de Crozet. Nous décryptons les stratégies des skippers avec le navigateur Thierry Dubois (Vendée Globe 1996/1997 et 2000/2001).
L’état de la flotte
Ce lundi midi, François Gabart conserve la tête sur Macif, à un peu moins de 18 NM de son dauphin, Armel Le Cleac’h (Banque Populaire). « Cela doit être super dur pour Armel et François de savoir où placer le curseur, entre vitesse et sécurité », observe Thierry Dubois avec l’expérience de ses deux Vendée Globe. « Comme ils ont le même bateau, ils ne peuvent pas décrocher car si l’un va moins vite que l’autre, il va se dire que ce n’est pas normal. » Thierry Dubois se souvient avoir vécu ça sur la course Around Alone avec Bernard Stamm. Le skipper suisse était finalement arrivé en première position, juste devant Thierry Dubois. « Une fois à terre, je me souviens encore l’entendre me dire : « je savais que je devais davantage ménager mon bateau mais tu étais là à me pousser ». Pour Thierry Dubois, Armel Le Cleac’h est le favori logique de cette édition : « Il a fait un premier très bon Vendée Globe mais il ne l’a pas gagné. Ce qui lui a permis de ne pas être usé par le Vendée Globe et de revenir avec beaucoup de force. » Suivant cette logique, Thierry Dubois assure que François Gabart ne doit pas gagner. « Il ne faut pas que ça aille trop vite ! » s’exclame-t-il en répétant aussitôt qu’il a un très grand respect pour le jeune bizuth. « Mais d’ailleurs, lui-même en est très conscient, il est venu pour voir. »
En troisième position, Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) bataille pour rattraper son retard même s'il risque d'être rattrapé par un nouveau système météo désavantageux. « Depuis le début du Vendée Globe, c’est toujours parti vers l’avant, sauf une fois dans l’Atlantique Sud (ndlr : ce qui avait permis au trio des tontons flingueurs de menacer le groupe de tête). C’est dommage pour Jean-Pierre Dick car cela s’est joué à presque rien. » Le concurrent niçois navigue ce lundi midi à une quinzaine de nœuds, à un peu moins de 400 NM du leader.
Juste derrière, Alex Thomson (Hugo Boss) et Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) ont choisi une route très nord au-dessus de la porte Australie-Ouest. Le trio des tontons flingueurs, Jean Le Cam (Synerciel) en tête, est sur le point de passer cette porte des glaces. Joint ce lundi matin par son équipe, Jean Le Cam témoigne de conditions de navigation corsées: « C’est chaud ! Il y a entre 32 et 36 nœuds de vent ! Ben là, il y a une vague justement, hop je suis dessus. Et c’est parti (ndlr : en surf). Tu entends le bruit ? (ndlr : bruit strident du sifflement de la quille). Pointe à 25 nœuds ! Les vagues te prennent et te font dévaler la pente. C’est vraiment chaud car il faut éviter de partir à l’abattée. J’en ai encore pour 8 à 10h dans ces conditions, jusqu’à la porte en gros. Après cela, je pourrai adapter un peu ma trajectoire et m’écarter de la dépression qui devrait s’évacuer par le Nord. » Le trio est suivi de près par Javier Sanso (Acciona). Arnaud Boissières, de son côté, passe la porte Amsterdam, à une quinzaine de nœuds et à un peu moins de 2530 NM du leader.
Notre analyse météo
La circulation de fortes dépressions entre le 50e sud et 60e sud, parfois aussi entre le 45e et 50e sud, va favoriser de nouveau le trio de tête pour les quatre prochains jours en direction de la prochaine porte de Nouvelle-Zélande. Dans ce système néanmoins, les périodes de vents plus faibles seront propices à des options et pourraient engendrer des changements en tête de la course.
Derrière, le duo Thomson-Stamm bénéficie également de conditions favorables mais moins durables. S’ils rattrapent la dépression qui va se creuser au sud de l’Australie, ils pourront faire de belles vitesses. Mais leur position très nord ne leur permet pas de toucher pleinement le train des dépressions, contrairement au trio des tontons flingueurs. Pour les derniers concurrents, l’évolution de la situation est plus défavorable : la proximité de hautes pressions engendre en effet des baisses de vent parfois importantes.
Ce lundi, en direction de l’Est de la porte « Australie Est », François Gabart et Armel Le Cleac’h vont continuer de progresser à 15-17 nœuds bâbord amure dans un vent de 20-25 nœuds qui va prendre de la droite en tournant vers l’ouest. Peu d’évolution à attendre pour la nuit, avec toujours le bénéfice de ce vent d’ouest soutenu au nord d’une dépression.
Mardi, les conditions changeront avec le passage du front de la perturbation liée à cette dépression. Le vent mollira temporairement (parfois 5 nœuds), avant de se renforcer au secteur nord-ouest. Cette évolution pourrait permettre à Armel Le Cleac’h et Jean-Pierre Dick de revenir devant. Mercredi, les vents deviendront forts, avec coups de vent à forts coups de vent de secteur nord-ouest. S’en suivra jeudi une journée délicate, très stratégique, avec le passage d’une dorsale. Le lendemain, vendredi, les vents de sud-ouest se renforceront.
Nos pronostics
Pour Thomson-Stamm, l’objectif est d’attraper rapidement la dépression qui se forme au sud de l’Australie. Si tel est le cas ils pourront glisser avec le front de la perturbation, sinon ils pourraient être encore un peu plus décrochés. Sans grande surprise, nous tablons sur une stabilité du podium : François Gabart, Armel Le Cleac’h et Jean-Pierre Dick.
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