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Une météo idéale propulse les bateaux de tête à vive allure dans le Pacifique Sud. François Gabart et Armel le Cléac’h ne se quittent toujours pas.
On va finir par banaliser le fait que deux bateaux en tête naviguent pratiquement bord à bord dans le Pacifique Sud après un demi-tour du monde et 12 500 milles parcourus. Pourtant, ce que vivent François Gabart (Macif) et Armel Le Cléac’h (Banque-Populaire) est unique dans les annales du Vendée Globe depuis sa création en 1989. Moins de 4 milles séparent jeudi après-midi les deux leaders qui déboulent entre 18 et 20 noeuds. C’est du reste la vitesse moyenne des cinq premiers de la flotte. Troisième, Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) s’est bien remis de son escalade périlleuse en tête de mât pour remplacer une pièce défectueuse qui l’empêchait d’envoyer ses voiles de capelage (petit spi et petit gennaker) et a retrouvé tout le potentiel de son monocoque 60 pieds. Même rythme soutenu pour Alex Thomson (Hugo Boss) et Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) qui naviguent dans des vents bien établis de nord-ouest. Le suisse ne compte désormais plus que 17 milles de retard sur le britannique.
Se rapprocher de la maison
« On est dans un flux de nord-ouest qui se renforce et les conditions se dégradent un peu » témoigne Armel Le Cléac’h. « On avance vers la Nouvelle-Zélande rapidement. La mer est en train de se former doucement. Ça va être comme ça pendant 36 heures. Content d’avoir fait la moitié du chemin. On va se rapprocher de la maison. Depuis le départ, on est aux avants postes donc c’est plutôt bien avec une bonne navigation et des conditions vraiment sympas. Il y a une belle bagarre sur l’eau avec mes petits camarades. Physiquement ça va. Il y a des moments de fatigue générale. On est souvent un peu fatigué après les manœuvres. Mais depuis le départ, je n’ai pas eu de pépins physiques. Des petits chocs en début de course, c’est tout ».
Rien à faire
En milieu de peloton, Jean Le Cam (SynerCiel), Mike Golding (Gamesa), Dominique Wavre (Mirabaud) et Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) ont beau s’activer, rien à faire, ils concèdent du terrain. Dans les mêmes conditions météo, ils ne pourront jamais rivaliser avec les bateaux de dernière génération qui les précèdent. Excepté peut-être Hugo Boss qui barre une unité mise à l’eau en 2007, mais ce diable de Thomson réalise pour le moment un sans-faute. A l’arrière, d’Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) à Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) la progression dans la traversée de l’océan Indien est satisfaisante pour tous avec des moyennes qui oscillent entre 14 et 15 noeuds.
LES VOIX DU LARGE
François Gabart (Macif) : « Je suis content car Armel aurait pu se sauver un peu plus après la porte mais j’ai finalement bien réussi à faire le tour et récupérer du vent avant lui. Je vais essayer de me concentrer sur la marche du bateau et ne rien casser car le vent est fort.. Ça me fait plaisir d’avoir fait la moitié et d’être sur le chemin du retour. On va essayer de faire aussi bien voire mieux sur la deuxième partie. Je suis super content d’être sur l’eau, de vivre ce que je vis. Ce n’est pas facile tous les jours mais j’essaye d’en profiter car ce sont des moments exceptionnels ».
Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) : « Les 24 dernières heures m’ont été plutôt favorables, avec un vent à la fois fort et stable, ce qui nous a permis d’aller vite. Le bateau est très efficace dans de telles conditions et, évidemment, ça me fait plaisir ! Alex Thomson et moi avons tous les deux eu des problèmes techniques sur nos bateaux respectifs… je ne sais pas s’il a résolu les siens. De mon côté, j’essaie de le rattraper, je travaille dur pour ça. Mon histoire de dent cassée, c’est un petit miracle. J’ai réussi à la soigner alors que je ne voyais quasiment pas ce que je faisais. Je n’ai plus mal du tout et ma dent est come neuve ! ».
Mike Golding (Gamesa) : « Le vent se renforce progressivement et on dirait que c’est une tendance qui va durer donc j’espère que les choses vont aller mieux pour moi. Parce que franchement, jusqu’ici, c’était vraiment l’enfer. Je ne sais pas ce que j’ai bien pu faire aux dieux du vent, mais manifestement ils avaient une dent contre moi…Je naviguais pile dans l’axe du vent et j’ai dû faire quelques empannages dans la nuit, ce qui m’a bien fatigué, évidemment. Mais je ne regrette pas d’avoir empanné. Maintenant, j’espère pouvoir réduire un peu l’écart qui me sépare de Jean. Dehors c’est gris, couvert et il fait frais, mais pas froid. En fait, c’est un jour de grisaille de plus ».
Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) : « Voici un aperçu de ma nuit. Ciel dégagé à couvert avec averses éparses sous grain, vent modéré 22 -28 noeuds avec rafales sous grains à 42 noeuds, mer croisée à forte 5-7 mètres. Bref une nuit bien compliquée. Résultat : vitesse du bateau super instable, entre 11 et 22 noeuds. Une polaire, un bonnet & un gant qui sèchent au dressing (alias cale moteur). Quelques roulages et déroulages de voiles, histoire de s'entretenir ! La récompense : un café bien chaud que l'on va prendre en terrasse de la véranda... enfin si dame Eole et monseigneur Vague le veulent bien ! ».
Tanguy de Lamotte (Initiatives-coeur) : « Hier soir, alors que je venais de renvoyer de la toile (le solent à la place de la trinquette) et que je préparais mon dîner en étant attentif au nouveau comportement du bateau, on a été frappé (c'est le mot!!!) par une grosse vague latérale qui a vraiment secoué le bateau et remplie le cockpit d'eau. J'avoue avoir eu un moment de doute ne sachant pas si l'eau s'évacuerait suffisamment vite ou pas, le niveau était juste en dessous de la porte. Finalement, presque rien n'est rentré dans le bateau et l'eau s'est vidée ».
Jean Le Cam (SynerCiel) : « Il y avait des vents assez forts, 40-45 nœuds avec une mer formée et à un moment, le bateau a planté dans une vague. Moi j’étais à la table à carte et je me suis payé la cloison. C’était assez violent. Je me suis fait la main, le genou, le dos mais au final ça va. Il n’y a rien de cassé. Tu as mal, tu es meurtri. Mais ça se remet tout doucement. Là j’attends la bascule devant car je n’arrête pas d’empanner. Je suis juste derrière la dorsale mais elle ne s’évacue pas rapidement. J’en suis déjà à deux empannages et je vais faire mon troisième ».
Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) : « J’ai du vent solide, entre 25 et 30 nœuds et j’essaie de profiter un maximum de cette dynamique positive. C’est très bien pour moi mais je pense que ça ne durera pas plus de 5 ou 6 heures. Après ça, ça deviendra plus problématique pour atteindre la porte suivante. Je pense que ça va rester compliqué pendant quelques jours à cause du vent. Quand je fais des routages, j’ai l’impression que mon ordinateur devient fou… Ou peut-être que ce sont les conditions météo qui sont folles ! En tout cas, arriver sur la porte par en-dessous, ce n’est tout simplement pas envisageable, il n’y a pas de vent dans cette zone. Je vais plutôt me rapprocher de la Tasmanie. Mais je vais également devoir garder un œil sur la dépression qui est en train de se développer au sud de l’Australie ».
CLASSEMENT
Positions du 19/12 à 16 heures : 1.François Gabart (Macif) à 11 961 milles de la ligne d’arrivée; 2.Armel Le Cléac´h (Banque Populaire) à 3,9 milles du leader; 3.Jean-Pierre Dick (Virbac Paprec) à 510,4 m; 4.Alex Thomson (Hugo Boss) à 823,8 m; 5.Bernard Stamm (Cheminées-Poujoulat) à 840,9 m; 6.Jean Le Cam (SynerCiel) à 1 610,7 m; 7.Mike Golding (Gamesa) à 1 760,9 m; 8.Dominique Wavre (Mirabaud) à 1 877,6 m; 9.Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) à 1 930,5 m; 10.Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) à 2 580,1 m; 11.Bertrand De Broc (Votre Nom Autour du Monde avec EDM Projets) à 2 996,1 m; 12.Tanguy de Lamotte (Initiatives-Coeur) à 3 309,5 m; 13.Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) à 4 093,5 m. Abandons : Marc Guillemot (Safran); Kito de Pavant (Groupe Bel); Samantha Davies (Savéol); Louis Burton (Bureau Vallée); Jérémie Beyou (Maître CoQ); Zbigniew Gutkowski (Energa); Vincent Riou (PRB).