
Figaro nautisme. - Que pensez-vous de votre course?
Bertrand de Broc. - Il faut être clair, je suis parti en sachant que je ne postulerais pas aux premières places. Mon but est de faire au mieux et de réaliser un tour du monde à ma mesure. Je n'ai eu que 30 jours de préparation alors qu'il m'en aurait fallu au moins trois fois plus, donc il ne fallait pas s'attendre à me voir jouer la victoire.
N'est-ce pas frustrant d'être aussi loin avec un bateau pourtant performant?
C'est vrai que le bateau est performant mais c'est aussi un bateau très compliqué à maîtriser et à connaître... Ce n'est pas avec la préparation que j'ai eue que je pouvais en tirer le maximum. Mais je ne vais pas me plaindre, je prends énormément de plaisir et j'ai la chance de participer à la course. Si je suis loin, c'est aussi que je ménage mon bateau pour rallier l'arrivée. J'étais déjà derrière à l'équateur, les autres sont partis, je les ai laissés faire. Accélérer et risquer de tout casser, ça ne sert à rien. J'ai aussi pris du retard dès le début en prenant le départ avec 48h de retard (Retour aux Sables d'Olonne sans passer la ligne de départ à cause d'une voie d'eau à l'avant, suite à un choc avec un semi-rigide de son équipe).
Après 3 semaines de course vous étiez encore en repérage sur votre bateau. Vous sentez-vous plus à l'aise aujourd'hui?
Assurément. Au niveau des choix de voile notamment, surtout au portant. J'ai beaucoup appris depuis le début de la course. Pour les réglages ou le nombre de ris, tout est plus rapide désormais. J'ai aussi bien cerné le pilote automatique. En plus, j'ai pu naviguer dans toutes les conditions, ce qui n'était pas le cas lors de mes entraînements d'avant course. Donc maintenant, je suis vraiment très satisfait du bateau.
Le passage du cap Horn lundi, 16 ans après votre premier, c'était une émotion particulière?
J'attendais beaucoup de ce moment, j'avais vraiment hâte de le voir et finalement je ne l'ai pas vu! (rires) Pourtant, je me suis approché très près mais je n'ai vu qu'un navire russe. J'étais déçu de ne pas le voir, mais c'est comme ça. C'était surtout un moment important pour tout le monde, pour les sponsors, pour mes proches et pour moi bien sûr. Ce n'est pas l'arrivée bien sûr mais c'est déjà une grande victoire, j'étais très ému. Ça permet aussi de voir à quel point les choses ont changé en 16 ans. La dernière fois, j'avais mis 85 jours à arriver au Cap Horn et cette fois-ci seulement 64!
Pensez-vous vivre des moments plus calmes avec votre retour dans l'Atlantique?
Le pire est derrière moi, c'est sûr. Au Cap Horn, il y avait 45 noeuds de vent et 6 mètres de creux. Là, j'ai 15-20 noeuds et une mer plutôt calme. On a plus le temps et pas de grosse houle. Les fichiers météo sont aussi plus fiables. Armel a eu des problèmes avec ses fichiers mais je pense qu'ils ne se trompent pas sur la puissance des vents, seulement sur leur direction qui peut varier jusqu'à 30 degrés. On se sent plus en sécurité désormais car on est proche des côtes. C'est important pour nos proches de nous savoir de retour dans l'Atlantique car ils sont souvent plus stressés que nous dans les Mers du sud.
Qu'en est-il de votre état de forme?
Moi, ça va. J'ai eu des hauts et des bas dans le Pacifique car je n'étais pas satisfait de ma place et de ma course. Ce n'était pas de la frustration, mais je n'étais pas content. Maintenant, ça va beaucoup mieux et j'ai compris que seule la ligne d'arrivée comptait. On est dans une course très différente par rapport à ma dernière participation, en 1996. A l'époque, le rythme du tour du monde était plutôt celui d'une Transat, aujourd'hui c'est autre chose. Les bateaux devant vont vite mais ce qui m'impressionne le plus, c'est qu'ils arrivent à maintenir longtemps un tempo aussi élevé.