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Figaro Nautisme. - Avez-vous des baisses de forme après 70 jours de course?
Tanguy de Lamotte. - Non, je vais très bien. J'ai eu deux nuits presque blanches avec le passage du Cap Horn mais j'ai réussi à me rattraper depuis. Le bateau va bien aussi, tout fonctionne parfaitement, notamment au niveau de la production d'énergie. Je suis vraiment très content d'être de retour dans l'Atlantique. On retrouve le beau temps et la mer n'a pas la même couleur, mentalement, ça fait beaucoup de bien. C'est aussi bon pour le moral de remettre du nord dans la trajectoire car on sent vraiment qu'on est sur le chemin du retour.
Vous avez passé votre premier Cap Horn lundi, qu'avez-vous pensé de cet endroit mythique?
J'avais 35 noeuds de vent, avec 8 mètres de houle, tout comme les trois jours qui ont précédé ce passage. J'ai fait 5 empannages dans la nuit, donc je peux dire que j'ai mérité ce passage. Ça s'est passé comme dans les récits, beaucoup de manoeuvres et énormément de fatigue, c'est vraiment quelque chose de grandiose et on est fier et heureux quand on le double enfin. Je l'ai passé de nuit donc je n'ai pas pu l'admirer mais le lendemain, je le voyais au loin dans la brume, c'était magnifique.
On vous a senti aussi très ému...
Bien sûr, c'était le meilleur moment de ma course. Le Cap Horn, il arrive après un mois de choses très difficiles contrairement aux deux autres caps. C'est bien d'en finir avec les Mers du sud tout en sachant que la ligne d'arrivée n'est pas toute proche non plus et qu'il faut rester concentré. En plus, visualiser la terre est important pour réaliser qu'on tourne bien autour de quelque chose de réel. Ça faisait depuis la pointe de l'Afrique que je n'avais pas vu la terre...
C'est aussi un enfant de plus sauvé grâce à votre parcours...
C'est vrai, c'est incroyable. Chaque point important de ma course coïncide avec la possibilité de soigner un nouvel enfant. Je suis vraiment fier de l'engouement que cette idée suscite. Les gens ont compris que ça ne coûtait rien de faire un clic sur le site et ils sont déjà 88 000 à l'avoir fait. Le but était d'opérer 6 enfants et là, on en est déjà au 7e, c'est fabuleux. Maintenant, il faut remplir l'objectif de ramener le bateau aux Sables et j'espère avoir un maximum d'enfants soignés pour amarrer mon bateau à l'arrivée.
Expliquez-nous un peu le lien entre votre course et les fonds récoltés...
A chaque clic sur la page d'initiatives-coeur, mon sponsor reverse un euro à Mécénat Chirurgie Cardiaque. Il est intéressant de voir qu'il y a eu des pics de clics lors des points de passage importants de la course que ce soit le Cap de Bonne Espérance, le jour de Noël ou le jour de l'An. Le passage du Cap Horn a récolté à lui seul 4000 clics! Lors des moments médiatiques, les gens viennent plus facilement vers nous, c'est normal.
Comment jugez-vous votre course?
J'en suis très fier, et je pense que j'ai raison. Avec le Cap Horn, j'ai pu réaliser la qualité de mes trajectoires depuis le début. Mon bateau aurait pu rivaliser avec la tête lors du Vendée Globe de 2000 et si je prends comme repère l'épreuve de 2000, j'ai un jour et demi d'avance au Cap Horn sur le pointage de Michel Desjoyeaux qui avait gagné cette édition. J'espère rejoindre les Sables d'Olonne dans le temps que j'avais prévu c'est-à-dire entre 92 et 96 jours, ce serait beau pour le bateau que j'ai.
Y-a-t-il tout de même la volonté d'aller chercher Bertrand de Broc, seulement 200 milles devant vous?
L'objectif prioritaire est de terminer. Après, s'il y a une opportunité de finir devant Bertrand, je la saisirai. Mais je ne vais pas non plus tirer sur le bateau et risquer de le casser pour aller gagner une petite place. En plus, il a un bateau beaucoup plus performant que le mien. Si à l'arrivée je suis derrière Bertrand, je serai très heureux d'arriver derrière lui car cela voudra dire qu'on a tous les deux rallié l'arrivée. C'est aussi bien d'avoir quelqu'un devant qui soit à peu près dans le même rythme, ça aide à rester concentré. Entre nous, c'est de la compagnie et de la motivation et pas de l'animosité de compétiteur.
Comment voyez-vous la fin de course?
La semaine à venir est déjà claire. Les deux prochains jours, je serai en bâbord à mûr avec du vent de 20-25 noeuds et ensuite il y aura une petite transition et je passerai en tribord à mûr pendant 3 jours. Dans 8 jours je devrais être à hauteur de Salvador de Bahia et ensuite il faudra passer le Pot-au-noir où je serai très vigilant pour ne pas gâcher l'aventure sur les derniers jours. Je ne me prononce pas dessus mais pour y arriver j'ai vraiment des bonnes conditions pour aller vite et en ligne droite.