
TOUT est possible, à moins de dix jours de l'arrivée. Le passage du pot au noir avec ses grains et ses vents erratiques n'a pas été de tout repos pour François Gabart (Macif) qui a vu fondre comme neige au soleil le confortable matelas d'avance qu'il s'était constitué à la faveur d'une belle option après le cap Horn. En deux jours, son poursuivant Armel Le Cléac'h lui a repris 168 milles et pointe dorénavant à moins de 90 milles de son tableau arrière.
Pas grand-chose à l'échelle de cette traversée de l'Atlantique qui attend encore les marins et leur monture, usés par plus de 20 000 milles de course. «Je suis en position de chasseur, ce qui me permet de m'adapter encore aux évolutions météorologiques à venir, expliquait Armel Le Cléac'h mercredi à la vacation de la mi-journée. On essaie d'avoir la bonne configuration de voiles, de trouver le meilleur chemin possible et de tracer la route parfaite. On ne chôme pas, il y a de quoi faire...» François Gabart ne s'y est pas trompé en lançant le même jour: «Je suis bien placé pour gagner, mais il peut se passer encore plein de choses!»
Les deux marins nous ont habitués à un mano a mano à couper le souffle dans le Grand Sud: ils vont pouvoir reprendre leurs bons réflexes de régatier pour la fin du parcours qui s'annonce très indécise. Un tel écart sur le chemin du retour vers les Sables-d'Olonne n'est pas inédit puisqu'en 2000-2001 Michel Desjoyeaux et Ellen MacArthur s'étaient retrouvés à égale distance de l'arrivée à dix jours de la fin de course.
Armel Le Cléac'h et François Gabart vont devoir maintenant se positionner pour passer l'anticyclone des Açores qui barrera leur route jeudi prochain. «Ce sera probablement la journée la plus difficile avec la négociation de ce phénomène météo qui s'avère mobile, analyse Éric Mas, directeur de l'information météo chez Météo Consult-La Chaîne Météo. Ils devront aussi compter sur Jean-Pierre Dick qui a passé l'équateur ce jeudi et met toutes ses forces dans la bataille pour compléter le podium.» Alors qu'il était freiné par des soucis techniques, le skipper niçois a pu finaliser deux réparations importantes: la consolidation de l'étai sur le pont (endommagé le 7 janvier) et le déblocage et le remplacement de la deuxième drisse en haut du mât (bloquée depuis le 22 décembre).
Au classement de 16 heures ce jeudi, le skipper de Virbac-Paprec 3 était à 390 milles du leader. Pour Jean-Pierre Dick, le challenge est important car il assure courir son dernier Vendée Globe après une sixième place en 2004-2005 et un abandon sur le Vendée Globe 2008-2009. Derrière lui, Alex Thomson (Hugo Boss) mène une course remarquable sur son plan Farr 2007. «Ma traversée du pot au noir devrait être moins problématique pour moi que pour les autres, se réjouissait jeudi le skipper britannique. Mais vu que ce n'est pas la première fois que j'entends ça et que ça ne se vérifie pas, je préfère me méfier.» Tout est donc encore possible pour le podium et les dix derniers jours de course s'annoncent passionnants. Le vainqueur devrait arriver aux Sables-d'Olonne à la fin du week-end prochain du 26-27 janvier.
Classement jeudi à 16 heures: 1. Gabart (Macif)
à 2 727 milles de l'arrivée ; 2. Le Cléac'h (Banque populaire) à 92 m. du premier ; 3. Dick (Virbac-Paprec 3) à 390 m. ; 4. Thomson (Hugo Boss)
à 681 m. ; 5. Le Cam (SynerCiel) à 2 066 m...