
PORTRAIT : Pour cette nouvelle participation, Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) part cette fois-ci avec l’intention d’être aux avant-postes. Avec un bateau plus rapide et la maturité gagnée, son parcours sera à surveiller.
Le Léonard a toujours été qualifié d’orgueilleux austère. Fier-à-bras, il menait debout son chariot rempli de choux ou d’artichauts en ignorant les quolibets d’autres cul-terreux bretons. Armel Le Cléac’h est un produit pur beurre de ce territoire. Avec pour fonts baptismaux les eaux de la baie de Morlaix. Des croisières en Melody sur le bateau des parents, des joutes en Optimist ou autres coquilles de noix, il s’est injecté l’eau de mer en anabolisant. Tête bien faite et cartésienne, l’année 2000 le voit entrer dans la cour des grands, loin du Léon et de Saint-Pol son patron.
Pour sa première participation à la Solitaire du Figaro, le « chacal » décroche la deuxième place. Trois ans plus tard, la timbale est pour lui. D’un poil de moustache car il barbote la victoire pour 13 secondes à un certain Alain Gautier. L’année suivante, il s’offre la Transat AG2R le jour de son anniversaire en compagnie de Nicolas Troussel, vieux complice d’écoute. Les navigations XL s’enchaînent pour cet amoureux du large. « Je suis plutôt fier de mon parcours même si la réussite n’a pas toujours été au rendez-vous. J’ai connu des moments difficiles en terme de résultats. Des échecs. Peut-être que je m’appuyais trop sur mes lauriers, mais acquis, sans voir les difficultés. On tombe rapidement de sa chaise. Il y a eu la période Foncia grâce à Alain Gautier où j’ai connu des galères. Un chavirage avec hélitreuillage en compagnie de Damian Foxall sur la Transat Jacques Vabre 2005. Par la suite, cela n’a pas été facile d’annoncer que je ne voulais pas faire la Route du Rhum 2006 parce que je trouvais que c’était trop dangereux de partir en solitaire sur un trimaran. Une décision mûrement réfléchie sans tenir compte du qu’en-dira-t-on. En tous les cas, cela forge un mental », explique le marin de 35 ans.
Décollage réussi
Changer de circuit est à chaque fois motivant pour Armel Le Cléac’h, papa de deux jeunes enfants. Les challenges toujours différents. Le voici ainsi à la barre d’un 60 pieds tout neuf pour le Vendée Globe 2008. Décollage réussi puisqu’avec Brit Air, il termine deuxième derrière Michel Desjoyeaux. S’ensuivent encore des succès en Figaro Bénéteau. Nouvelle Solitaire et AG2R. Le guidon de Banque Populaire lui est évidemment logiquement proposé : « Lors de la dernière édition, j’avais la double casquette de skipper et de gestionnaire du budget. Là, j’ai la chance d’être prestataire avec comme mission la gestion sportive du bateau. Cela change beaucoup de choses et fait gagner du temps. J’ai bénéficié d’un bateau qui avait déjà navigué avec un retour d’expériences important. Finalement, en un an et demi, nous avons réussi à réaliser un programme étoffé. En finissant toutes les courses ».
Plus vite
Pour bien faire, il faut avant tout un bon bateau. « Il est plus complet que mon précédent en terme de performances. Dans toutes les conditions, il n’a pas de point faible. Il mouille plus, il tape plus, à vivre c’est donc un peu plus dur. Mais il va plus vite. Par rapport aux nouveaux venus du plateau, il est au niveau », décrit le skipper. Encore faudra-t-il le dompter : « Nous sommes je pense une douzaine à prétendre au podium. Par rapport aux péripéties d’il y a quatre ans, avec l’expérience de chacun et les difficultés de la course, il y a une certaine humilité à avoir face au défi. Je ne pense pas que nous allons partir la fleur au fusil. Il faut être sur le bon rythme mais c’est un marathon. Nous avons tous en tête que nous n’avons pas droit au joker. Pour gagner, il faut trouver les bons moments pour prendre des risques ».
Armel Le Cléac’h confesse qu’il est parfois têtu. Cela peut être bon ou non. Pour cette édition, il a travaillé ses limites, sachant que tout peut être remis en cause dans un moment d’égarement. La réponse sera sur l’eau.