
Sauf accident, François Gabart (Macif) remontera le chenal des Sables d'Olonne en vainqueur ce dimanche matin. Que ressent-on après près de 80 jours en solitaire sur son bateau ? Nous vous proposons de marcher dans les traces des plus grands marins pour les premiers pas sur le ponton.
Des premiers pas flageolants
Première conséquence physique d'un tour du monde en solitaire: le manque de tonus de leurs jambes. « Les muscles nécessaires à la manipulation du bateau sont en forme même si je sens un manque de tonus général, nous confiait Tanguy de Lamotte dans les mers du sud. Certains muscles ne sont pas sollicités à bord et mes jambes sont un peu molles. En fait, il me manque un peu de marche et de course à pied pour me sentir vraiment bien ! » Il faut dire qu'un IMOCA mesure moins de 20 mètres de long, difficile de se dégourdir les jambes ! « Les concurrents passent beaucoup de temps assis car ils sont en équilibre précaire à bord ce qui est très usant, précise Jean-Yves Chauve, médecin du Vendée Globe depuis la dernière édition en 1989. Rester assis le plus souvent possible est aussi une mesure de sécurité pour minimiser le risque de chute. »
Des sens hyper-développés
"Ce qui frappe le plus quand on revient au port, ce sont les odeurs !" répond d'emblée Christian Le Pape, directeur du centre d'entraînement de Port-La-Forêt, repaire des plus grands noms de la course au large. A l'intérieur du bateau, il y a bien sûr les mauvaises odeurs des vêtements portés il y a près de 80 jours, des tissus humides qui sèchent mal, mais autrement il y a très peu de senteurs différentes. "Alors, d’un seul coup toutes les odeurs, bonnes ou mauvaises, vous sautent à la gueule », confirme le multiple circumnavigateur Thomas Coville qui ajoute aux sensations du nouvel arrivé une meilleure acuité auditive. « Quand on revient à terre on est beaucoup plus attentif que la normale, observe-t-il. On entend beaucoup mieux car on est encore très attentif. Il faut dire que pendant un tour du monde, les marins se repèrent majoritairement à l’oreille. Alors, une fois arrivé à terre, on entend tous les bruits, toutes les conversations autour de nous. » Puis, petit à petit, l’extrême acuité sensorielle s’estompe. « On n’a ni l’aptitude ni l’envie de la conserver à terre », précise Thomas Coville.
Des virus hivernaux prêts à attaquer
Pendant un tour du monde, le corps des skippers ne cherche plus à se défendre contre les attaques extérieures puisqu'il n'y pas de microbes venus d'un tiers. "Il s'est mis en veille en quelque sorte", analyse Jean-Yves Chauve. Autant dire que lors de l'arrivée, cela change du tout au tout avec le bain de foule des supporters venus accueillir le skipper en masse. Tous les virus hivernaux partent à l'attaque! Interrogé en début de semaine, Jean-Pierre Dick confirme qu'il est souvent malade après une course: "Pendant la navigation, nous usons beaucoup d'adrénaline, nous puisons dans les réserves." Christian Le Pape ajoute toutefois, dans un éclat de rire, qu'une petite grippe n'est rien comparé à ce que les skippers viennent d'endurer.
Un rythme de sommeil à retrouver
La première journée à terre, difficile de dormir car le skipper est encore dans un état sensoriel hyper-développé.Thomas Coville compare un tour du monde en solitaire à une très longue partie d'échecs mais avec, en plus, les sens sollicités en permanence. Puis au bout de quelques heures, les nerfs tombent et les skippers s’endorment d’un sommeil très comateux. « C’est une jouissance incroyable, témoigne Thomas Coville. C’est presque un sommeil d’enfant. » Enfin ! Le navigateur échappe aux sommeils troublés du Vendée Globe, avec l’angoisse de devoir se réveiller d'un moment à l'autre. « En mer, ce n’est pas forcément la nourriture qui manque, c’est plutôt le vrai sommeil », assure le marin.Mais le revers de la médaille n'est jamais très loin. Au bout de quelques jours, les skippers font face aux conséquences du rythme de sommeil très haché de leur Vendée Globe. « On se réveille la nuit parce que, pendant les mois de mer, l’organisme a été habitué à dormir par tranches de 2 à 3 heures. » Cela peut durer des semaines ou des mois. Pour Thomas Coville, la plus longue réadaptation après une navigation en solitaire a été de six mois.
ILS ONT DIT:
Marc Guillemot: "On n'est jamais aussi forme que le Jour J, je vous conseille à tous un tour du monde ! Mais après, j'ai l'habitude de dire: trois mois de course, trois mois pour récupérer."
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