Morgan Lagravière, un talent brut à l'assaut de l'Everest des mers

Course au large
Par Amedeo, Fabrice

Le jeune marin va remplacer Marc Guillemot à la barre de Safran et prendra le départ du Vendée Globe 2016 sur un bateau neuf. L'équipementier aéronautique a fait le pari de la jeunesse et du talent pour son projet de course au large.

SAFRAN SAILING TEAM 2014 - SHOOTING DAY ©La Chaîne Météo

Le jeune marin va remplacer Marc Guillemot à la barre de Safran et prendra le départ du Vendée Globe 2016 sur un bateau neuf. L'équipementier aéronautique a fait le pari de la jeunesse et du talent pour son projet de course au large.

Il a ce détachement et ce recul qui sont en général la marque des grands. Morgan Lagravière va prendre le départ du Vendée Globe 2016 sur un 60 pieds neuf taillé pour la victoire, et à la barre du projet Safran synonyme de projet d'envergure et de premier plan dans l'univers de la course au large. Joint dès vendredi au téléphone, celui qui pourrait être le Gabart du prochain Vendée Globe: un statut de favori dès sa première participation tout en étant le probable benjamin de la course, ne semblait pas désarçonné par ce défi qui va changer sa vie. «Je suis très heureux mais le processus de sélection a été long et je ne suis pas encore sûr de bien imaginer ce que cela représente et ce que ce projet va apporter à ma vie et à ma carrière», explique-t-il. Dort-il la nuit? A-t-il fait la fête? Est-il «comme un dingue»? Il n'y a rien à faire: les réponses sont structurées et ne laissent place à aucune fantaisie. «Je vais découvrir le bateau cette année, m'approprier le projet». Il n'y a pas de secret, pour en être là à 26 ans.

 

«La comparaison avec François Gabart ne me déplait pas»

 

Le jeune marin va en effet découvrir le 60 pieds IMOCA cette année aux côtés de Marc Guillemot qui va terminer sa collaboration avec Safran en participant à la Route du Rhum. Puis c'est Lagravière qui va prendre la barre du projet avec le Vendée Globe en ligne de mire. Le coureur a été choisi à l'issue d'une sélection menée par Safran dans le plus grand secret. Un moment en ballotage face à Charles Caudrelier, récent vainqueur de la Volvo Ocean Race et déjà équipier sur le bateau lors de la Transat Jacques Vabre (2009), c'est finalement le plus jeune des deux marins qui a été retenu.

Tout est allé très vite pour Morgan Lagravière qui emprunte un itinéraire à la François Gabart, passé directement du podium sur la Solitaire du Figaro à la victoire sur le Vendée Globe, sans connaitre les années de galère pour trouver un sponsor et les affres des petits budgets pour partir au large. «La comparaison avec François Gabart ne me déplait pas, j'aimerais bien être sur la même trajectoire, reconnaît Morgan Lagravière. On est sur la même longueur d'onde, en revanche nous n'avons pas le même bagage scientifique».

Son destin, Morgan l'a dessiné sur l'île de la Réunion où il grandi, a vécu au contact permanent de la mer et a fait de la régate à haut niveau dès son plus jeune âge. C'est d'ailleurs sans doute là que le marin s'est construit autour de cette nonchalance apparente et de ce détachement qui dissimulent mal un mental de vainqueur. Morgan navigue alors avec Noé Delpech et collectionne les victoires. «Ca manquait parfois un peu de confrontation», reconnaît-il aujourd'hui. Le binôme fait également parler de lui en dehors de l'île avec deux places de troisième et une première place aux championnats du monde «jeunes». A 17 ans, il quitte la Réunion pour la Métropole avec la ferme attention de participer aux Jeux Olympiques. Trop lourd pour faire du 470, il se lance en 49er.

Une première rencontre déterminante de son parcours le conduit à faire une prépa olympique pour les jeux de Pékin avec Stéphane Christidis. «Cette aventure a commencé le lendemain soir des examens du bac, raconte l'intéressé. J'ai vécu deux très belles années. Ce n'est pas passé loin mais, malheureusement, nous n'avons pas été sélectionnés». Lagravière attaque alors une nouvelle préparation olympique aux côtés de Yann Rocherieux. Mais l'envie n'est plus là. Le marin, qui ne sait pas encore qu'il a le grand large dans les veines, a l'impression de tourner en rond. La routine s'installe. «En 2010, je suis tombé malade sur la dernière épreuve de la saison, explique-t-il. Je me suis remis en question et ai décidé de tenter une autre aventure». Quelle aventure? Il n'en a alors encore aucune idée. «Je me cherchais et n'étais pas sûr de vouloir faire de la voile ma carrière».

 

«Pour gagner, tourne le dos à tes concurrents»

 

Par le plus grand des hasards, la Vendée lance à ce moment là une sélection pour recruter des skippers sur des Figaro Bénéteau. «Je suis arrivé détendu, les mains dans les poches». Toujours cette détente et ce recul dont il a su faire une arme.

«Il a tout de suite été assez impressionnant, explique un marin présent sur la sélection. Le premier jour sur la première régate, il avait un peu d'avance sur l'eau, le lendemain encore un peu plus, et à la fin il tournait autour des autres concurrents. Il m'a donné l'impression d'être une vraie éponge: être capable de prendre les informations, les intégrer, les assimiler instantanément et les mettre en application sur la régate suivante». Le verdict est rapide: Morgan Lagravière part pour deux ans à la barre d'un Figaro «Vendée».

La première apparition sur le circuit est tonitruante. Première course de ralliement sur la Générali en Méditerranée: premier. A mi-Generali, le bizuth est en tête du classement général. Il termine finalement 5è de la course avec deux victoires de plus en parcours banane. Mais surtout, il annonce clairement la couleur: il allait falloir compter sur un nouveau visage dans le milieu de la course au large et il ne ferait pas partie de ces talents qui s'imposent avec l'âge ou la maturité. Non, son itinéraire serait linéaire et explosif. Le nouveau Figariste enchaine les places d'honneur en tête de la flotte et termine même deux fois deuxième de la Solitaire du Figaro avec un titre de champion de France de course au large en Solitaire, en 2012. «Je me suis tout de suite éclaté en Figaro, raconte l'intéressé. J'ai découvert un fonctionnement et un format de course qui m'allait bien. J'ai vécu sur un nuage pendant deux ans: je me doutais que ça me plairait mais pas à ce point là».

Dans le milieu, le jeune prodige fait figure d'empêcheur de tourner en rond: loin de la Vallée des fous et des stages obligés à Port la Forêt, il a progressé en Figaro un peu dans son coin, avec ses coéquipiers du Pôle Vendée. «Pour gagner, tourne le dos à tes concurrents» pourrait être l'adage de Lagravière. Plutôt naviguer à livre ouvert avec quelques partenaires d'entrainement que de garder des informations pour soi face à ses principaux concurrents et naviguer avec eux toute l'année. Et si, tout bonnement, il n'avait pas besoin de se confronter aux meilleurs parce qu'il l'est déjà?

C'est maintenant un tout autre défi qui attend Morgan Lagravière. Le jeune prodige va maintenant devoir faire ses preuves sur l'Everest de la course au large. «Je pars pour gagner, annonce-t-il. Je sais qu'avec Safran je vais en avoir les moyens techniques. Par contre je suis à ce jour incapable de dire si je serai capable de gagner le Vendée Globe en novembre 2016, mais je vais tout faire pour être prêt». La concurrence est prévenue.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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