
Le jour de ses quarante ans, le discret marin a annoncé sa participation à la prochaine Volvo Ocean Race, comme skipper de l’équipage chinois. Il endosse donc ses habits de leader pour mener huit marins internationaux sur une très longue course autour du monde.
Charles Caudrelier, fidèle équipier, excellent technicien, n’est pas habitué aux feux de la rampe. Pourtant, depuis sa victoire sur la Solitaire du Figaro 2004, antichambre de la course au large, cet officier de la marine marchande avance ses pions avec détermination. En dix ans, il a fait ses preuves en solitaire, en double et en équipage, en monocoque comme en trimaran. « C’est quelqu’un de très physique, qui a une vraie hygiène de vie digne d’un vrai sportif, confiait Sébastien Josse au Figaro Nautisme avant leur Transat Jacques Vabre victorieuse de l’automne dernier. Il a passé un nouveau cap avec la Volvo Ocean Race qu’il a gagnée avec une grosse équipe. Ça se ressent. » Alors, pour ses quarante ans, le marin aurait bien aimé décrocher son ticket d’entrée pour le prochain Vendée Globe. Ce bosseur avait analysé les trajectoires des concurrents de la dernière édition en faisant tourner quotidiennement ses logiciels de routage. Il ne faisait pas mystère de ses ambitions et attendait avec impatience la décision de Safran, qui l’avait mis en balance avec le jeune Morgan Lagravière. La réponse fut difficile à encaisser. « C’est à peu près à ce moment-là, en décembre, que Team Dongfeng m’a proposé une première navigation, commente Charles Caudrelier. J’étais encore concentré sur le Vendée Globe avec d’autres pistes de financement et je ne pensais pas à la Volvo Ocean Race. » Mais finalement, un mois plus tard, il commence à sérieusement discuter avec le sponsor chinois et se lance dans l’aventure. « J’ai sauté sur l’occasion car une telle opportunité n’est pas fréquente pour un Français. » La Volvo Ocean Race est une course très anglo-saxonne : avant l’arrivée de Franck Cammas sur Groupama, il fallait remonter à 1986 (Esprit d’Equipe) pour retrouver une victoire française et le dernier participant français était Eric Tabarly en 1993/1994. Charles Caudrelier précise toutefois qu’il n’a pas sorti le Vendée Globe de sa tête et qu’il espère toujours s’aligner sur la ligne de départ en 2016. « Il faudra juste que je m’entoure bien car je serai moins présent pour la préparation. »
Un tour du monde de neuf mois
Le marin a donc soufflé ses quarante bougies tout au sud de la Chine à Sanya, pour le baptême de son nouveau voilier sponsorisé par Dongfeng. Après avoir remporté l’édition 2011/2012 au poste de barreur/régleur sur Groupama 4, Charles Caudrelier remplit une nouvelle case sur son CV : skipper d’un équipage de 8 personnes (plus un reporter embarqué qui ne participe pas aux manœuvres) sur la plus longue course autour du monde. Départ le 4 octobre 2014 d’Alicante, en Espagne, arrivée près d’un an plus tard, en juin 2015, à Göteborg. « Sur la Volvo Ocean Race, on fait en un an l’équivalent de trois ou quatre saisons, rappelle-t-il. Chacune des neuf étapes est une course à part entière ! Je connais le degré de fatigue, aussi bien physique que psychologique, que représente ce type de challenge. » Sans oublier désormais la responsabilité de toute une équipe. Mais le marin semble serein, préparé depuis des années à ce type de défi. « C’est un beau challenge à relever même si nous ne sommes pas favoris, prévient-il. C’est un projet un peu différent. » Le marin va tout faire pour faire fructifier son expérience de barreur régleur sur Groupama 4 mais il sait que l’objectif de son sponsor n’est pas la victoire. « La Chine souhaite utiliser la compétition comme vecteur de communication. Nous devons rendre la voile populaire, détaille-t-il. L’objectif à long terme est également d’affréter un bateau 100% chinois pour l’édition suivante en 2020. Je suis content de participer à cette aventure. » Forte sur la pédagogie, piano sur la compétition ? « Sur la dernière édition, nous n’étions pas les meilleurs au début mais nous l’étions à la fin. J’ai vu des marins craquer en cours de route. Notre objectif c’est de tenir et d’être meilleurs à la fin. »
Une carrure de leader à forger
Depuis une quinzaine de jours, Charles Caudrelier s’attèle donc à la sélection de ses équipiers. « Les candidats chinois ont été présélectionnés, précise-t-il. Ils sont tous issus de la voile olympique et ils ont déjà franchi un barrage éprouvant : des tests psychologiques, des privations de sommeil… Ils ont été mis à rude épreuve. » La dizaine de candidats s’entraîne actuellement en voile légère. « Mais nous embarquerons sur notre nouveau voilier en mars, direction Auckland », annonce Charles Caudrelier. Ces 5.264 premiers milles correspondent à la quatrième étape de la course. « Je cherche des équipiers de moins de trente ans, faciles à vivre, qui comprennent vite et avec de bonnes qualités physiques, énumère-t-il. Pour les quatre équipiers étrangers, je me tourne davantage vers des marins d’expérience pour gagner du temps. » Des Français, des Néo-Zélandais et des Suisses sont en compétition.
Pour diriger cette équipe, Charles Caudrelier explique s’inspirer des méthodes de Franck Cammas – « C’est quelqu’un qui m’a toujours montré l’exemple » - tout en assurant être incapable de fonctionner comme lui. « Il fonctionne très peu à l’affectif et cherche avant tout à s’entourer des meilleurs, analyse-t-il. A bord de Groupama 4, il y avait des personnalités très fortes, des équipiers qui n’avaient pas tous la même vision. Cela fonctionnait car Franck est un leader très fort. » Lui fonctionne davantage à l’affectif. « Je cherche des gens qui m’apprécient et que j’apprécie. Je ne veux pas que mes équipiers me reprochent de mauvaises décisions car il y en aura forcément et il faudra passer au-dessus. On sait que celui qui gagne la course est celui qui fait le moins d’erreurs. » Charles Caudrelier cherche une garde rapprochée solide qui sera là en cas de coup dur. Le cadeau de ses quarante ans ne l'empêche pas de garder la tête sur les épaules et les pieds solidement ancrés sur le pont de son voilier.
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