
Plusieurs duos se sont reformés plusieurs fois au départ de la Transat AG2R La Mondiale depuis 1992. La plupart du temps, pour le meilleur, en témoignent les performances de tandems tels qu’Armel Le Cleac’h – Nicolas Troussel, Jean-Paul Mouren –Laurent Pellecuer, Gildas Morvan - Bertrand de Broc ou encore Jeanne Grégoire – Gérald Veniard. En quoi est-ce avantageux de reformer le même duo ? Est-ce vraiment un atout ? Eléments de réponse.
Les duos fidèles sont nombreux. Les frères Poupon, Philippe et Luc, en 1996 et 1998, Gildas Morvan et Bertrand de Broc en 2000 et 2010, Jean-Paul Mouren et Laurent Pellecuer en 1998, 2000 et 2008, Yannig Livory et Guillaume Farcy en 2012 et 2014, Jeanne Grégoire et Gérald Veniard en 2006, 2010, 2012 et 2014, Nicolas Troussel et Armel Le Cleac’h en 2002, 2004 et 2006 ou encore Gildas Morvan et Charlie Dalin en 2012 et 2014. Si ces derniers, vainqueurs il y a deux ans, n’ont pas été très chanceux cette année puisqu’ils ont été contraints à l’abandon à la suite d’un démâtage survenu moins de 24 heures après le départ de Concarneau, d’autres en revanche ont connu plus de veine en repartant ensemble.
Les copains d’enfance
Il y a d’abord les inséparables, en mer comme à terre. Dans cette catégorie, on pense notamment à la paire Nicolas Troussel – Armel Le Cleac’h. Copains d’enfance, ces deux là se sont très régulièrement associés sur des courses. On les a notamment vus sur le Trophée BPE entre Saint-Nazaire et Dakar ou sur la Transat Jacques Vabre. La Transat AG2R, ils l’ont courue trois fois en tandem. Personne n’a oublié leur éclatante victoire à Gustavia, le 11 mai 2004 (jour de leur anniversaire respectif). L’édition suivante, les deux garçons ont bien failli remettre ça mais le doublé leur a finalement échappé d’un rien, deux jours avant la fin. Pour eux, se connaître parfaitement est un vrai atout pour la performance, comme l’explique le skipper Elite de la filière d’excellence de course au large Bretagne – Crédit Mutuel : « Cela permet de savoir exactement comment fonctionne l’autre et ce qu’il attend de nous. Il n’y a pas de gêne, ni dans la manière de naviguer, ni dans celle de mener son projet. On sait aussi lequel des deux est meilleur à la barre dans telles ou telles conditions. De plus, pas besoin de se parler pour se comprendre. Et ça c’est un vrai plus car souvent, à bord d’un bateau, on ne fait que se croiser et le bilan d’un quart peut être mal fait. Idem dans la préparation. On ne perd pas de temps à régler certains détails. A mon sens, repartir avec le même co-skipper ne présente que des avantages ». Lui et Armel partagent la même approche de la course au large, de l’entraînement et de la prise de risque. Voilà sans doute l’un de leurs secrets. Nicolas Troussel émet toutefois un bémol. « Peut-être que de varier les expériences avec un équipier différent est enrichissant. Possible que c'est un manque pour moi, au final. Je ne sais pas… », s’interroge le Finistérien.
Les vieux couples
Pour Jeanne Grégoire et Gérald Veniard, la question ne se pose pas. 3e en 2006, 2e en 2010, 3e en 2012 et dans le match cette année, la jeune femme tranche : « Pourquoi changer une équipe qui gagne ? ». Bien vu. Mais elle reste vigilante. « Il est important que nous ne nous endormions pas sur le fait, justement, que nous nous connaissons très bien. Ce n’est pas parce que nous avons déjà fait trois podiums que le quatrième va être facile à aller chercher. Nous sommes conscients du fait que nous pouvons faire une contre performance. Autre chose, au début, Gérald était en charge de la vitesse et moi de la stratégie. Aujourd’hui, plus question de rester figé dans un poste. Je crois que la force de notre duo, c’est de réussir à obliger l’autre à aller encore plus loin, dans sa réflexion ou dans son travail » détaille Jeanne Grégoire. Elle admet également que le fait de rempiler avec le même équipier est un gain de temps précieux, comme l’a expliqué Nicolas Troussel. « Pour l’avitaillement, par exemple, nous avons fait un copié-collé de la liste de 2012, qui était déjà un copié-collé de celle de 2010…. » avoue la co-skipper de Scutum.
Les associations par quartier
Dans un autre style, il y a l’association de Laurent Pellecuer et de Jean-Paul Mouren. « Au départ, le fait de partir ensemble était surtout pratique. Il est du sud de la France et moi aussi. Notre binôme a cependant toujours bien fonctionné » lâche celui qui s’alignera au départ de sa 28e Solitaire du Figaro en juin prochain. La preuve, ils ont terminé 3e en 1998 et 1ers en 2008. Leurs résultats communs sur la course entre Saint-Nazaire et Dakar ne sont pas mauvais non plus. « Laurent est un véritable Mac Gyver. Il sait absolument tout faire, tout bricoler. Il faut simplement le forcer à dormir. En transat, on a vite fait de se fatiguer profondément sans s’en apercevoir. C’est dense et intense. Il faut donc le gérer un peu et c’est sûr que c’est mieux de le savoir avant de partir au large » poursuit Jean-Paul Mouren, qui a préféré s’arrêter sur une victoire avec le co-skipper de 30 Corsaires sur l'édition 2014. « Sans doute qu’il aurait été plus confortable de repartir avec lui mais la répétitivité amène forcément à une sorte de routine et je voulais un peu de fraîcheur » avoue le navigateur qui s’est donc ensuite aligné au départ de la course avec des jeunes pousses comme Paul Meilhat. « C’était prendre le risque de faire moins bien. Mais c’est toujours ce qui arrive quand on a gagné une fois ». Pas faux. Mais alors au final, avantage ou pas de repartir avec le même équipier ? Pour Michel Desjoyeaux, c’est tout vu : « Ne pas se connaitre avant de partir, c’est avoir des choses à se raconter pendant la course ». On vous laisse juge.