
Bien sûr, après avoir soutenu moralement et financièrement leur équipe nationale pendant tant d’années, les fans de régate néo-zélandais sont désespérés. Même la populaire première ministre Jacinda Ardern s'est dit " déçue " par cette décision. Il faut dire que la capitale Kiwi vient aussi d’apprendre qu’elle ne verra pas non plus la prochaine Ocean Race, la course autour du monde en équipage, faire escale à Auckland. Pourtant, nul ne sera surpris qu’en matière de coupe l’argent est forcément un critère important, voire prioritaire. Visiblement, les 99 millions de dollars proposés par le gouvernement de madame Ardern et la ville d’Auckland n’ont pas suffi. Barcelone a sans doute proposé plus. Plus que Malaga la concurrente espagnole, plus que Jeddah en Arabie Saoudite et Cork en Irlande, même si le montant reste à ce stade confidentiel. L’aiguillère d’argent va donc se disputer dans les eaux catalanes en septembre et octobre 2024, soit après les Jeux Olympiques de Paris. Il faut avouer que la capitale de la Catalogne a bien des atouts pour accueillir les impressionnants AC75 volants. Ils régateront directement devant les plages où pourra se masser un public venu de toute l’Europe. Les conditions météo habituelles en cette période de fin d’été, début d’automne, promettent un vent moyen entre 8 et 15 nœuds, idéal pour ces Formule 1 des mers. Les habitués du plan d’eau savent cependant que la houle est souvent significative et que de violentes tempêtes peuvent frapper la côte dès octobre.
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Météo idéale, télévision en prime-time
Surtout, le Royal New Zealand Yacht Squadron, club détenteur et donc officiellement décideur, a conclu avec Grant Dalton, PDG d’Emirates Team New Zealand, que ce poumon économique et touristique, avec des capacités hôtelières énormes, au cœur de l’Europe, était le bon endroit pour relancer l’intérêt du monde entier pour la Coupe de l’America. D’un point de vue purement économique, les 10 heures de décalage horaire entre le vieux continent et les îles australes ne favorisaient pas les retransmissions télévisées. D’autant qu’il ne s’agira pas de seulement défendre le trophée, mais aussi de la Youth America’s Cup pour les jeunes, ainsi qu’une version féminine, toutes deux courues sur des AC40 d’une douzaine de mètres. Il fallait impérativement donner un nouveau souffle au plus vieux trophée du monde qui a tant souffert des polémiques et de l’imbroglio judiciaire qui a perduré de 2007 à 2010. Alors qu’il y avait onze challengers à Valence en 2007, ils n’étaient que trois en 2021 à Auckland. Même si pour l’instant on ne parle que de quatre challengers – Ineos (GB), Luna Rossa (Italie), American Magic (USA) et Alinghi (Suisse) - une relocalisation en Europe est un signe positif. Si on y ajoute les changements de support à presque chaque édition, le retour à un peu de stabilité avec une deuxième édition en AC75, apparait de plus en plus nécessaire. La vente de Te Aihe, AC75 de première génération aux Suisses d’Alinghi est en soit une belle preuve de la volonté d’Emirates Team New-Zealand de voir sa concurrence se renforcer afin d’augmenter l’attractivité de la compétition.

Christophe Colomb attend la coupe
Les infrastructures d’ores et déjà en place et leur proximité avec le plan d’eau ont fini de convaincre les tenants du titre. Port Veil est prêt à accueillir, les bases des équipes, les superyachts des sponsors, le village public et une fan zone. Depuis l’impressionnant hôtel W qui domine l’entrée du port, les VIP pourront assister aux régates qui auront lieu à seulement 100 mètres de la plage Sant Sebastià. Les autres concurrents, à commencer par le challenger of record britannique, ont bien sûr accueilli positivement ce choix. Les autres sites non sélectionnés, pourraient accueillir des épreuves préparatoires, dénommées America’s Cup World Series.

Depuis la première édition de Cowes en 1851, qui a vu la victoire du New-York Yacht Club détenteur ensuite du trophée pendant 132 ans, la Coupe n’était venue que deux fois en Europe. Les Suisses avaient alors choisi Valence pour les éditions de 2007 et 2010. Deux superbes éditions dans la troisième ville d’Espagne, mais qui paie encore les investissements consentis à l’époque. Souhaitons que la version Catalane soit aussi réussie sportivement et moins compliquée à assumer économiquement. En attendant, au pied de la Rambla, l’emblématique statue de Christophe Colomb ne semble plus montrer du doigt les Indes, mais la Nouvelle-Zélande. Pas sûr que cela console le peuple kiwi.