
Figaro Nautisme : Sur quoi ont porté les principales modifications ?
Benjamin Dutreux : "Tout d’abord, nous avons changé le moteur pour le remplacer par un Lombardini de 28 CV plus léger que l’ancien Volvo et moins gourmand en énergie. Le règlement de la course nous impose une puissance. Cette dernière est mesurée à l’aide d’un peson. Le bateau étant amarré à quai, le moteur accéléré au maximum, la charge est relevée sur le peson. Ce moteur est équipé de deux alternateurs."
F.N. : Comment avez-vous résolu le problème de l’eau potable à bord ?
B.D. : "L’eau potable est un point important. Il est hors de question d’embarquer de grosses quantités d’eau. La solution que nous avons retenue est un dessalinisateur. On a choisi le modèle Katadine qui fonctionne sous 12 volts et est à même de fournir 5 litres/heure. Bien sûr sa consommation électrique n’est pas négligeable, il faut compter 7 à 8 ampères par heure soit environ 1 ampère consommé pour produire un litre d’eau."

F.N. : Et concernant l’énergie à bord ?
B.D. : "Lorsque l’on a repris le bateau (ancien Hugo Boss), toute la partie électrique a été démontée pour la simplifier, la comprendre, avoir des plans précis pour pouvoir intervenir et gagner du poids. Les batteries traditionnelles ont été remplacées par deux modèles au Lithium de 200 Ah. Sur une batterie standard de 200 Ah, on a au maximum que 150 Ah disponibles, sur une Lithium, on peut disposer de toute sa capacité (200 Ah) et elle accepte un courant de charge important. Suite aux derniers incidents, sans doute liés à ce type de batteries, nous les avons disposées de telle sorte qu’elles ne puissent pas être inondées en cas d’entrée d’eau. Pour la recharge, nous avons un hydro-générateur qui assurera 70% de la charge et les 30% restant le seront avec les alternateurs du moteur (2 heures de moteur par jour). Nous avons des panneaux solaires, mais le manque de temps ne nous a pas permis de les installer. Ils le seront peut-être si le besoin s’en fait sentir, à l’escale technique."
F.N. : Avez-vous changé l’électronique ?
B.D. : "Nous l’avons simplifié et avons gardé les éléments qui nous semblent les plus fiables, par exemple, les afficheurs B&G et, pour les communications, le système Inmarsat imposé par le règlement."

F.N. : Et les aménagements intérieurs ?
B.D. : "Le règlement nous impose un nombre de couchages égal à 50% de l’équipage. Nous avons installé 3 bannettes plus des matelas. Pour la nourriture, l’époque où l’on pouvait embarquer du frais est révolue. Nous embarquerons des produits lyophilisés. Pour les réhydrater, la seule solution est de chauffer de l’eau sur notre petit réchaud et de la verser sur les produits. Une opération délicate surtout sur un Imoca. Pas de toilettes, nous nous conterons d’un sceau, dans ce cas, nos équipières nous envient."
F.N. : Le poids supplémentaire est-il important ?
B.D. : "Entre les équipiers et les équipements nécessaires et imposés, je compte environ un surpoids de 1000 kg, ce qui est loin d’être négligeable."
F.N. : Les équipiers sont-ils polyvalents ?
B.D. : "Tout l’équipage est capable d’occuper tous les postes. Mais, nous avons fait de telle sorte que les compétences (expériences voiles olympiques, hauturière, etc.) de chacun dans son domaine soit respectées pour obtenir un maximum d’efficacité. Le brassage des cultures et des compétences est le plus important."
F.N. : Qu’en est-il l’accastillage de pont ?
B.D. : "L’accastillage inox (manilles, renvois, etc.) a pratiquement disparu, il est remplacé par des équipements textiles beaucoup plus légers et tout aussi efficaces."

En conclusion
Cet entretien que nous avons eu avec Benjamin Dutreux montre bien que chaque détail du bateau doit être pris en considération et adapté à ce type de navigation. A la conférence des skippers, certains reconnaissent qu’ils n’ont pas l’expérience de longue étape en équipage. Celle entre Le Cap et Itajaï avec plus de 12 000 milles sera une première. C’est le cas de Benjamin Dutreux qui n’a jamais navigué plus de 30 jours d’affiler en équipage. Pour les skippers qui ont l’habitude naviguer en solitaire et qui peuvent se permettent de gérer à leur rythme, en équipage, il en est tout autrement car ils doivent gérer pour l’ensemble de l’équipage. Un point est certain, cette course va apporter beaucoup pour la course au large sur ce type de bateaux rapides et de nouvelles technologies.
