Route du Rhum 2022 - Destination Guadeloupe : les Imoca ont plusieurs vies
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Jean Le Cam a utilisé la tribune offerte par son magnifique Vendée Globe sur son bon vieux Hubert, un plan Farr de 2006 (vainqueur du Vendée Globe 2008 avec Michel Desjoyeaux – Foncia), pour dénoncer l’explosion de budgets. Ils sont à ses yeux disproportionnés par rapport au gain de performance, voire indécents. Depuis, il s’est lancé dans une démarche de construction low cost et mutualisée, avec pour premier acteur Eric Bellion, qui courra le Rhum sur l’ancien bateau du Roi Jean. Comme l’affirmait avec son caractère entier Marc lombard il y a quelques mois, le seul vrai bateau écologique, c’est un bateau d’occasion. Un constat fort honnête, puisqu’il ne sert vraiment pas les intérêts de l’architecte naval. Mais l’intérêt sportif n’est pas toujours compatible avec une conscience écologique embryonnaire. La classe Imoca, pour garantir l’homogénéité de la flotte et rendre les courses plus attractives, a inclut une clause d’obsolescence. Théoriquement, selon les règles de classe 2022, « un bateau dont la date de premier Certificat de Jauge est antérieure au 1er janvier 2005 » ne pourra pas courir le Vendée Globe 2024. Heureusement, des cas d’exception son prévus, notamment dans le cadre du « développement durable ».
Une ouverture qui pourrait servir les intérêts de Pierre Lacaze. Il dispose du plus ancien Imoca inscrit à la Route du Rhum 2022. Construit en 2004 par JMV Cherbourg pour Roland Jourdain, le 60 pieds rouge et bleu aux couleurs de Sill a 18 ans et donc tout juste majeur. Deux Vendée Globe et une victoire sous le nom de Veolia dans la Route du Rhum (2006) plus tard, le bateau est cédé à Boris Hermann en 2010, pour la Barcelona World Race. Il terminera en cinquième position avec Neutrogena pour partenaire. Il démâtera malheureusement lors de son troisième Vendée Globe (2012), avec Sam Davies à la barre (Savéol). En 2017, on le retrouve sur la Transat Jacques Vabre aux mains du duo Yoann Richomme et… Pierre Lacaze déjà. S’il réussit à être au départ de St Malo le 6 novembre, le bateau, désormais baptisé Kattan, entamera quelque part une sixième vie. Voilà qui devrait ravir son architecte, un certain Marc Lombard !
Les bateaux de la génération 2006-2008 font presque figure de jeunes premiers à côté. Ils devraient être quatorze au départ de St Malo, et ils ont tous été conçus pour l’édition 2008-2009 du Vendée Globe. Il y a là des plans Farr, Owen Clarke, Finot Conq, Vplp-Verdier… C’est un plan de ces derniers que la Franco-Allemande Isabelle Joschke optimise saison après saison sous la houlette d’un team manager très expérimenté en la personne d’Alain Gautier. Avec son cockpit beaucoup mieux protégé, ses grands foils et ses outriggers, difficile de reconnaître sous les couleurs de MACSF, le Safran originel de Marc Guillemot, également passé entre les mains de Yann Elies. Aventurier avec des ambitions de coureur au large, le rameur Guirec Soudée a lui aussi opté pour un plan de cette génération afin d’effectuer sa mue. Racheté à Benjamin Dutreux, l’ancien Water Family est un plan Farr dont la liste des skippers qui se sont succédé à bord de ce plan Farr né Estrella Damm en 2007, ressemble à un Who’s who de la voile internationale. Avant les deux impétrants français, on peut citer l’équipage hispano-britannique initial composé de Guillermo Altadill et Brian Thompson, qui ont été suivis, entre autres, nous pouvons en oublier, de Sébastien Josse, Roland Jourdain, Alex Thomson, Morgan Lagravière et même le Japonais Kojiro Shiraishi.
Plus récents encore, ils seront six à larguer les amarres direction la Guadeloupe sur des voiliers d’avant dernière génération (2014-2015). Même si la Route du Rhum tient plus du sprint que de la course de fond, le dernier tour du monde en solitaire a prouvé que des bateaux récents, fiabilisé et bien menés pouvaient finit aux avant-postes. Alors il faudra se méfier de Giancarlo Pedote qui a réalisé un gros chantier cet hiver sur son Prysmian Group (plan VPLP Verdier de 2015 construit pour JP. Dick), de Fabrice Amedeo dont le Nexans Art et fenêtres est un quasi-sistership, de l’anglaise Pipe Hare qui a racheté l’ancien Banque Populaire vainqueur du Vendée Globe 2017 avec Armel le Cléac’h. Et que dire de la révélation du dernier tour du monde, Benjamin Dutreux qui hérite de la fusée noire précédemment connue sous les noms de Hugo Boss (en 2016) puis 11th hour racing (2020). Damien Seguin (Groupe Apicil) et Romain Attanasio (Fortinet Best Western) ont eux aussi franchi un cap dans la performance. Le premier a tout simplement racheté le vainqueur du dernier Vendée Globe (Maître Coq de Yannick Bestaven), quand le second hérite du Malizia Sea Explorer de Boris Herrmann qui n’était pas loin de finir sur le podium des Sables d’Olonne il y un an, finalement classé cinquième.
Enfin, et ce sont là des candidats sérieux à la victoire, ils seront six également à skipper des bateaux construits en 2019 et donc à la fois proche de l’optimum en termes de performance et en même temps parfaitement fiabilisés : Charlie Dalin, Kojiro Shiraishi, Alan Roura, Thomas Ruyant, Nicolas Troussel et Louis Burton. Si les conditions sont dures, ou que la nouvelle génération en cours de construction ne fait pas drastiquement la différence, le vainqueur à Pointe à Pitre pourrait bien se trouver parmi ces noms.
Sources : Route du Rhum - Destination Guadeloupe et Histoire des Halfs