Route du Rhum – Destination Guadeloupe : Yoann Richomme – "Au moins être sur le podium"
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Nous l’avons mis à l’eau le 7 juillet à Port Médoc et on a fait une première épreuve le 17 juillet, la Drheam Cup à Cherbourg. On a donc eu un début de projet sur les chapeaux de roue. On a un peu passé notre temps à courir après les réparations, la préparation, c’était hyper-intéressant, vraiment intense. Mais bon, on a rattrapé notre retard on va dire et nous sommes fin prêts.
Nous sommes là où nos voulions être avec un bateau prêt, on a bien bossé depuis janvier avec Corentin Douguet (NDLR : les deux skippers disposent de Class40 identiques, des Lift V2 un plan signé Marc Lombard Design Group) et on bosse ensemble encore jusqu’au départ. C’était très satisfaisant, on a accompli beaucoup de choses et je pense que ça va nous servir dans cette épreuve. Après, l’histoire du doublé, je n’y pense pas trop, on verra ça la deuxième semaine, quand on pourra compter les points. Après, je suis plutôt détendu puisque contrairement à 2018 je connais la suite du programme, donc c’est plutôt rassurant avec l’Imoca qui va à l’eau dans trois mois. Je n’ai donc pas de pression particulière par rapport à ça, contrairement à 2018 où forcément au fond de ma tête j’avais le manque de projet à suivre. Je venais de rater 2 ou 3 possibilités de faire le Vendée Globe, donc c’était une période satisfaisante sportivement mais frustrante au niveau projets. Mais là on est bien, détendu, et prêt à donner tout ce qu’on a pour faire le mieux possible, au moins être sur le podium j’espère !
Jusqu’au départ on fonctionne avec le Pôle Finistère Course au Large. C’est Fabien Delahaye qui est en charge de notre préparation, conseil, stratégie, jusqu’au départ. Evidemment, 4 minutes avant le départ toutes ces informations là s’arrêtent. Après on récupère les fichiers météo GFS et CEP, les deux modèles globaux Américains et Européens, toutes les 12 heures environ, et puis on récupère aussi de plus en plus de fichiers de vagues, pour essayer de diminuer notre prédiction de performance quand la mer est formée. C’est un exercice pas simple dans lequel nous sommes rentrés depuis presque une dizaine d’années maintenant, avec des évolutions permanentes. C’est déjà difficile de prévoir les performances du bateau sur mer plate, alors venir les dégrader sur une mer formée c’est encore plus dur. On fait confiance aux réseaux de 0h et 12h pour la météo, car les réseaux intermédiaires peuvent être moins précis parfois. Il faut bien savoir comment sont faits les fichiers, les différents réseaux des fichiers pour savoir à quelle météo faire confiance. On est souvent à court de temps pour en faire plus, car il faut regarder de près les différents scénarii, pour nous, pour les concurrents selon leur positionnement, ça prend un peu de temps et il faut quand même s’occuper du reste, du bonhomme et du bateau. Il faut être très efficace dans notre prise de météo, savoir exactement où l’on va, avoir des solutions de back-up, des plans B pour récupérer les fichiers ailleurs quand le serveur a planté. Mais ça vaut partout puisqu’on a plan B d’ordinateur, de communication satellite internet, on a tout en double. En fait le gros du boulot, c’est de réunir pendant la saison, des données de performance de qualité, qui vont nous permettre de faire une polaire de vitesse de qualité, et ainsi pouvoir au mieux prédire notre route. Parce que ce qui est important c’est d’avoir les bonnes vitesses, les bons angles, pour avoir le bon timing météo pour passer au bon endroit. C’est ça qui est très difficile et c’est pour ça qu’on cherche à ralentir notre performance dans les vagues de la façon la plus réaliste, pour avoir le meilleur timing possible, ce qui avait été un petit peu la clé il y a quatre ans. L’analyse de la performance c’est Fabien Delahaye qui la fait depuis le début de l’année et comme on a tout enregistré à deux bateaux on est deux fois plus riches en données on va dire. On a en plus beaucoup d’expérience parce que Corentin (Douguet) m’a aidé à préparer la météo il y a quatre ans la Route du Rhum, donc on est tous les trois à fond sur ce sujet-là.
On barre très peu et plus le skipper est apte à bien régler son pilote automatique et moins il va barrer, puisqu’un pilote bien réglé barre au moins aussi bien que les humains, mais il ne fatigue pas. Du coup, si on sait régler son pilote automatique c’est comme si on était deux à bord. Personnellement c’est un sujet que j’apprécie beaucoup et je passe pas mal de temps à bidouiller mes pilotes, surtout qu’avec les nouveaux pilotes il y a beaucoup de réglages. Du coup je suis plus proche de 1% du temps à la barre je pense sur la Route du Rhum, voire de zéro en réalité. Parce que je sais faire barrer le pilote dans toutes les conditions et à part pour me faire plaisir ou avoir un peu de sensations, je ne vais pas beaucoup prendre la barre. C’est pour cela que je travaille beaucoup les positions de veille, pour être confortablement assis. Si tu regardes les autres Class40 je pense qu’il y en a très peu qui ont un aménagement pareil. Là je peux me coucher quasiment à plat, parce que ces bateaux au près c’est 25 ou 30 degrés de gîte, donc il faut pouvoir se pencher fort pour rester dans le siège et ne pas être éjecté. L’avantage c’est que je peux veiller avec l’iPhone qui est là avec la messagerie Telegram si j’ai besoin de quoi que ce soit avec mon équipe à terre, l’ordinateur pour faire la veille, la météo, la stratégie. Et là on va partir au près, donc le réglage principal c’est l’écoute de Grand-Voile ou tu charges et décharge la puissance du bateau. J’ai le winch qui est là, (il tend le bras vers l’extérieur) sans même faire un pas vers l’extérieur, je suis capable de rewincher ma GV ou de choquer d’autres écoutes que je peux ramener sur ces bloqueurs. Donc je peux être à l’intérieur quand ça bombarde sous spi, je peux choquer en deux secondes, sans même m’être levé. Et c’est toute cette économie d’énergie et de réactivité que je recherche pour gagner en performance. L’un de mes dadas, c’est toute cette ergonomie-là, pour être le plus en forme possible, être toujours dans une sorte de veille active, pendant laquelle je fais un petit somme, je me réveille, je vérifie que tout va bien. Je peux regarder la Grand-Voile par les hublots, je remets 20 minutes sur le réveil et c’est reparti.
On fait un gros suivi de la flotte Imoca puisque nous sommes très intéressés par les performances de chaque bateau. Il y a une domination de Charlie Dalin sur le circuit qui, à mon avis, ne va pas s’arrêter sur cette Route du Rhum, sauf catastrophe pour lui, mais je pense qu’il domine très largement le sujet. On a hâte de les rejoindre. On regarde ce qu’ils font en termes de comportement dans la mer pour voir si nous on a fait les bons choix en termes de design bateau et ce qu’il pourrait y avoir à changer ou tester. Le bateau est prévu être mis à l’eau fin janvier.