Romain Attanasio « La préparation, c'est peut-être 60% de la course »

Avez-vous déjà été confronté à une situation critique lors d'une sortie en mer ? Que s'est-il passé ? Pouvez-vous décrire ce que vous avez ressenti ?
"Lors de mon 2ème Vendée, ma grand-voile est restée bloquée en tête de mât. J’arrivais dans le pot au noir, à l’approche d’une grande dépression tropicale. J’ai été obligé de monter en haut du mât pour essayer de descendre la grand-voile. C’était critique car c’est très difficile de monter en pleine mer et plein vent, et c’était urgent d’y monter pour descendre la grand-voile. C’était comme si, sur l’autoroute, mon pied était coincé sur l’accélérateur, et que je ne pouvais plus le décrocher. Je devais le faire, je n’avais pas le choix. Dans ces situations critiques, on trouve des ressources qu’on ne pensait pas avoir. C’est d’aileurs tout l’intérêt de faire de la course au large. C’est dans ces moments-là que la phrase de Nelson Mandela me parle beaucoup : « Le courage ce n’est pas l’absence de peur, mais sa capacité à la vaincre »".
Quel rôle la confiance a-t-elle joué dans cette situation ?
"Ce qui crée de la confiance, c’est d’être préparé à ce genre de situation. Quand on part pour Vendée Globe, il y a tellement de paramètres incontrôlables. On essaye de préparer au moins tout ce qu’on peut. La préparation physique, la préparation technique, la préparation du bateau sont essentiels pour avoir confiance en son matériel pour monter dans le mât par exemple. S’être bien préparé permet de bien gérer ces situations. Tout ce qu’on peut préparer en amont permet de donner un peu de confiance, qui est salutaire dans ces cas-là.
Et le fait d’avoir déjà vécu des situations un peu similaires fait aussi gagner de la confiance. Pendant le Vendée Globe, il y a chaque jour une galère à gérer. Mais on arrive toujours à s’en sortir. Par expérience, quand je crois qu’il n’y a aucune solution, je me dis « Réfléchis, car à chaque fois tu as trouvé une solution ». Je dirais que ce qui joue c’est la préparation, et l’expérience."
Quel rôle l'équipement a-t-il joué dans cette situation ?
"L’équipement est très important pour le Vendée Globe. Il y a des périodes très froides, et d’autres chaudes, d’autres humides. Il faut des vêtements étanches et respirants. Le bateau est très humide. Un vêtement respirant qui permet de ne pas rester mouillé lorsqu’on transpire, c’est la clé. Sur ces foilers, on passe son temps à régler le bateau, et donc on transpire beaucoup. Si on a pas de vêtements suffisamment chauds et étanches, alors on transpire tout de suite. C’est pour ça que je suis content d’avoir Helly Hansen en partenaire, car l’habillement est vraiment une partie importante. Avec Helly Hansen, ce n’est donc pas un souci. Tout ce qu’on peut gérer en amont, il faut le gérer, et ça passe donc par avoir des bons vêtements."
Comment établir la confiance avec vos coéquipiers ?
"En les regardant faire ! S’ils sont biens, je leur donne petit à petit de la confiance. Pour moi, la confiance ne se reçoit pas, mais elle s’acquiert. J’attends que la personne de mon équipe me montre que je peux lui faire confiance. C’est ce qui est particulier avec la confiance : ça prend du temps à gagner et ça se perd très vite !
C’est important dans une équipe de faire confiance car nous sommes peu nombreux et chacun a un rôle très important. Par exemple, lorsqu’Evan fait du matelotage essentiel pour tenir le mât, je dois lui faire confiance pour le laisser faire ! Si ça loupe, c’est dangereux pour le skipper et le bateau ! Dans une équipe, la confiance est primordiale, s’il n’y a pas de confiance, il n’y a pas d’équipe. Je sollicite beaucoup chacun.
On peut faire une erreur mais il ne faut pas que ce soit par négligence. Je n’en voudrais jamais à quelqu’un de se tromper, s’il a voulu bien faire. Mais si c’est par négligence, c’est impardonnable. Se tromper, ça fait partie du boulot dans un projet de haute compétition."
Pouvez-vous décrire un scénario dans lequel vous avez dû faire confiance à vos coéquipiers pour mener à bien une tâche ou relever un défi ?
"C’est le cas pour chaque course en fait. Pour chaque course, c’est l’équipe qui prépare le bateau, et c’est moi qui pars avec. Donc à chaque fois, je dois faire confiance. Dès que je prends le départ d’une course, je dois faire confiance à ce qui a été fait sur le bateau. Ce n’est pas une situation unique, mais c’est tout le temps comme ça. Je suis tout le temps à la merci du travail de l’équipe. Il ne faut pas que je me pose de question sur ce qu’a fait l’équipe. La confiance passe par là."
Que faut-il pour se préparer à une course ? Quelles difficultés rencontrez-vous et comment les avez-vous surmontées ?
"La première victoire sur une course, c’est déjà d’être au départ. Ça n’est pas évident d’être au départ. Il faut réunir le budget. Ensuite, il y a une somme de difficultés à surpasser : préparer le bateau, me préparer, comprendre ce qui va se passer (météo, stratégie, etc). La course, c’est l’inconnu. Mais il y a beaucoup de préparation avant, c’est cette préparation qui donne de la confiance et permet la performance. La préparation, c’est peut-être 60% de la course."
Pouvez-vous décrire ce qu'il faut faire pour instaurer la confiance dans vos connaissances, votre communauté et votre équipement sur l'eau ?
"Ça me rend plus performant. Le fait d’avoir de la confiance en soi et aux autres permet de partir dans de bonnes conditions."
Quelles sont vos pièces d'équipement Helly Hansen préférées, et pourquoi ?
Et j’ai une passion pour les chaussures Helly Hansen : elles sont belles ! Je porte tout le temps ces vêtements, ils sont efficaces."
En tant que professionnel de la voile, vous passez beaucoup de temps sur l'eau. Quand votre relation avec l'océan a-t-elle commencé ? Y a-t-il un souvenir précis que vous pouvez évoquer ?
"J’ai une famille de montagnard. Mais j’avais un grand oncle par alliance breton, je passais mes vacances chez lui en Bretagne. C’est comme ça que j’ai aimé d’abord la mer et ensuite le bateau. Et quand j’étais tout petit entre 0 et 7 ans, j’ai beaucoup vécu à l’étranger : Pakistan, El Salvador, Indonésie, … jamais loin de la mer. Je ne peux pas l’expliquer, mais j’ai toujours eu une attirance particulière pour la mer."
Qu'est-ce qui, dans la voile et l'océan, vous fait vous sentir vivant ? Pouvez-vous décrire ce sentiment ?
"Faire de la course en bateau à voile, c’est être en pleine nature, essayer de la comprendre et anticiper ce qui va se passer. Le boulot c’est d’essayer de comprendre la nature. Donc il faut être complètement en éveil. Il faut mettre en position ON toutes ses capacités physiques et mentales. C’est pour ça qu’on se sent vivant ! Quand on revient à terre, on a le sentiment qu’il nous manque quelque chose. On a envie de repartir. C’est ce qui est bizarre : en course, on a envie d’être arrivé et à terre, on a envie de repartir. Ce qui me fait me sentir vivant c’est la nécessité d’utiliser 100% de mes capacités physiques et mentales."
Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir marin professionnel ? Que faut-il pour poursuivre une carrière comme la vôtre ?
"Je ne sais pas. Quand j’étais enfant, ça me faisait rêver de voir un skipper tout seul sur un grand bateau comme ça. Je trouvais ça super ; les bateaux de course étaient beaux. Cela représente beaucoup de sacrifices toute ma vie car il faut se donner à 100%, ça ne laisse pas beaucoup de place à autre chose. Cela me coûte du temps et du travail mais ça permet aussi d’arriver à faire le Vendée Globe, un truc que je n’aurais même pas cru possible quand j’étais enfant. C’est le temps, le travail et la chance, qui permettent de faire ça."
Comment maintenez-vous l'équilibre entre votre vie personnelle et votre vie de professionnel des activités de plein air ?
"Au début je ne l’équilibrais pas car je faisais que ça. Maintenant : j’équilibre plus en passant plus de temps pour ma vie perso. C’est grâce au fait d’avoir un projet plus construit avec des sponsors fidèles dans le temps, et une équipe en qui j’ai confiance."
De nombreuses personnes sont attirées par l'océan pour différentes raisons. Que représente l'océan pour vous ?
"J’ai une attirance particulière pour l’océan. Quand je quitte le bord de mer pour quelques jours, dès que je reviens, j’ai besoin d’aller voir l’océan. C’est difficilement explicable de dire ce qu’il représente pour moi mais je sais que je ne pourrais pas vivre sans."
Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui commence à faire de la voile ?
"Je dirais d’être à 100%, d’y aller. Dans la vie, on peut faire à peu près ce qu’on veut, à condition de s’en donner les moyens. C’est ce que je dis à mon fils. Si vous voulez faire quelque chose, faîtes le mais faîtes-le à fond, sinon c’est sûr que ça ne marchera pas. Ça va pour la voile comme pour autre chose."
Qu'est-ce qui vous motive ? Qui vous influence ?
"J’ai une qualité (qui est aussi un défaut) : quand je veux quelque chose, je fais tout pour l’avoir. Quand je décide de participer au Vendée Globe, je ne lâche pas l’objectif. Ce qui me motive, c’est vraiment de faire les choses à fond. Parfois, cela peut être négatif. En général, ça m’a plus aidé que porté préjudice. Je n’ai pas d’idoles, mais je m’inspire de gens qui ont fait de grandes choses, comme Nelson Mandela par exemple que je citais. Ou de grands navigateurs. Dans les moments difficiles, j’essaye de me dire qu’l y a des gens qui ont fait de grandes choses, et ça me donne du courage."
Comment votre approche de la voile a-t-elle évolué au cours des deux dernières années ?
"C’est assez contradictoire car j’essaye de plus profiter des moments agréables, par contre ils sont moins nombreux car les bateaux sont plus durs et plus inconfortables. J’essaye de profiter des bons moments, car je sais qu’ils ne sont pas éternels. Tout est plus difficile, inconfortable et dangereux, mais ce sont des bateaux incroyables : un bateau comme Fortinet - BestWestern vole au-dessus de l’eau, me donne des sensations que je n’avais pas connu avant. A chaque navigation, j’essaye de profiter de la chance que j’ai de naviguer sur un tel bateau, qui sont dingues, que M. Toulemonde n’a pas : il y en a que 25 dans le monde ! C’est une chance !"