Transat Jacques Vabre : un « Hazard Button » à bord des IMOCA pour atténuer l'impact des collisions en mer

Par Figaronautisme.com / Imoca Globes Series - Ed Gorman

La Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre 2023 marque un tournant important dans l'engagement des membres de la Classe IMOCA dans l’objectif d'atténuer l'impact des collisions en mer.

Au cours des dix dernières années, alors que les bateaux de toutes sortes sont devenus plus rapides, le nombre et la gravité des collisions avec des mammifères marins - en particulier des baleines – ainsi qu’avec des bouts de bois et toutes sortes de déchets, n'ont cessé d'augmenter.

Dans le cas des baleines, ces collisions, en particulier avec des bateaux naviguant à plus de 10 nœuds (et jusqu'à 35 nœuds), entraînent souvent des blessures graves, voire létales. Elles peuvent également endommager un bateau ou mettre des marins en danger.

Aussi, l’IMOCA supervise un travail visant à atténuer ces événements dans le cadre d'une collaboration dirigée par Claire Vayer, co-responsable du développement durable pour l’IMOCA, et Damian Foxall, responsable du programme de développement durable de l'équipe américaine 11th Hour Racing Team, qui contribue au financement du projet.

D'autres parties prenantes sont impliquées, notamment The Ocean Race et World Sailing (Fédération Internationale de Voile), et forment ensemble le Marine Mammal Advisory Group (MMAG).

L'un des premiers fruits de ce travail porte sur le développement du « Hazard Button » (bouton de signalement). Cet outil est directement intégré dans la dernière version des logiciels de navigation Adrena et Expedition Marine utilisés, entre autres, par tous les skippers IMOCA. Environ un tiers de la flotte de la Transat Jacques Vabre est équipé et peut ainsi enregistrer le lieu, la nature et le moment des collisions.

« Il ne s’agit pas d’une technologie de détection qui nous permettrait d’éviter des mammifères et autres objets dans l’eau, mais bien d’un système permettant d’actionner manuellement ce “Hazard Button”. Ainsi, à chaque observation d’un animal ou d’un objet ou en cas de collision, les skippers peuvent envoyer cette information à la Direction de Course, ainsi qu’aux autres concurrents sur l’eau, » explique Claire Vayer. « Nous avons inauguré ce système, dans sa version test, sur The Ocean Race et nous lançons officiellement le projet sur la Transat Jacques Vabre », ajoute-t-elle.

Pour Damian Foxall, ce système contribuera à l'enregistrement mondial des collisions avec les mammifères marins. L’objectif, à terme, sera bien plus vaste puisque chaque usager de la mer pourra éviter les habitats clés et les flux migratoires des mammifères.

« Il ne s'agit pas seulement de compiler ces données, mais aussi de comprendre où et comment le phénomène de collision se produit », précise le marin Irlandais. « Il n'est pas possible de prendre des mesures d'atténuation tant que l'on ne dispose pas des informations nécessaires. Mais avec les bonnes données, nous pouvons définir où sont les risques et donc où nous pouvons naviguer et où nous ne devrions pas naviguer ». 

Yann Eliès, qui participe à la Route du Café à bord de Paprec Arkéa aux côtés de Yoann Richomme, est un fervent partisan de ce « Hazard Button » qui sera également utilisé dans d'autres classes sur la course.

« Si le système fonctionne correctement et si tout le monde essaie de l'utiliser, je pense que c'est l'avenir parce que nous pouvons partager simultanément toutes ces informations avec l’ensemble des bateaux et avec la Direction de Course », commente celui qui sera adjoint à la Direction de Course du Vendée Globe 2024-25 avec la responsabilité, entre autres, de ce domaine.

« Si nous ne sommes pas prêts à le faire, le public ne comprendra probablement pas pourquoi », confie également Yann Eliès, qui ne cache pas l’attente du public sur le sujet.

Le « Hazard Button » n'est pas la seule piste explorée par le MMAG. Parallèlement, des innovations sont en cours sur la technologie utilisée à bord pour détecter des risques de collisions en surface. Actuellement, environ 25 IMOCA sont équipés d'une caméra infrarouge en haut du mât qui détecte les objets flottants, mais il est difficile pour elle de "voir" une baleine, en particulier par gros temps.

À l’occasion du Retour à La Base, qui partira de la Martinique pour rejoindre Lorient fin novembre, deux IMOCA - For The Planet de Sam Goodchild et Charal de Jérémie Beyou - seront équipés de la version test d’un système automatique d'évitement des collisions. Baptisé EXOS 2024, ce système utilise la vision artificielle, la fusion multi-capteurs et l'utilisation du pilote automatique.

Développé par Pixel sur Mer, en collaboration avec Sea.Ai et l’ENSTA Bretagne, suite à l’Appel à Manifestation d’Intérêt lancé par l’IMOCA et le Pôle Mer Atlantique en 2021, ce système vise à améliorer la détection des objets et à assurer l'évitement automatique des obstacles.

« Le système complet fusionnera les données des différents capteurs de détection et sera capable d'envoyer une instruction au pilote automatique pour aider le bateau à éviter la collision », explique Claire Vayer. « Sur le Retour à La Base, seul le système de fusion de données avec une information envoyée au marin sera opérationnel. Mais l'objectif final est bien que le système agisse automatiquement sur le pilote automatique ».

Claire Vayer précise que la première version d’EXOS 2024 devrait être disponible pour les participants au Vendée Globe 2024-25. Puis, l’objectif est de rendre le système obligatoire à bord de tous les bateaux pour l’édition 2028-29.

Damian Foxall, quant à lui, estime que cette Transat Jacques Vabre marque une étape importante dans le changement d'approche des marins et des Directions de Course sur la question des collisions en mer. « L'objectif du MMAG est de sensibiliser les gens, changer la donne et faire en sorte que le protocole de ce bouton de signalement soit adopté par le plus grand nombre », affirme-t-il.

« Ainsi, si vous heurtez quelque chose, il ne s'agit pas de vous taire, mais de le signaler d'une manière simple et de le faire de manière anonyme si vous le souhaitez. En créant ce filet de sécurité, nous naviguerons tous plus sereinement. » 

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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