Transat Jacques Vabre 2023 : dompter sa machine

Par Figaronautisme.com

La Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre est la transatlantique la plus exigeante de la course au large. Elle est donc le terrain idéal pour confronter la résistance et la performance des bateaux, qui, pour certains, ont été mis à l’eau il y a moins de deux ans. L’occasion aussi pour les skippers d’apprivoiser ces oiseaux des mers. Retour sur expérience des navigateurs ayant terminé dans le top 10 de la Route du café dans la catégorie IMOCA.

Au petit matin, une silhouette filiforme est apparue dans la baie de Fort-de-France. Une coque et des voiles noires, soulignées par une touche de jaune. L’Occitane en Provence de Clarisse Crémer et Alan Roberts vient de franchir la ligne d’arrivée en 9ème position, après 13 jours 1 heure et 50 minutes de course. C’est la première fois que la protégée d’Alex Thomson prenait les commandes de son engin, ex-Apivia, sur une transatlantique. "J’ai encore la sensation de ne pas tout connaître sur les réglages, la performance", confie Clarisse Crémer, à peine débarquée sur le ponton d’honneur. "Il y a des moments où il va tellement vite sans rien faire, on a l’impression de tricher. C’est un bel oiseau."

"Ils sont plus sauvages"

Ces machines volantes, de plus en plus développées, demandent aussi une sacrée maîtrise. Et pour cela, il faut pouvoir les jauger sur l’eau. "On a déjà fait beaucoup de milles sur le bateau mais jamais contre les autres plus récents. C’est très encourageant", explique Boris Herrmann (Malizia - Seaexplorer) lors de son arrivée hier (7ème position). Mais l’allemand reconnaît aussi que ces bateaux neufs, comme son plan VPLP mis à l’eau en juillet 2022, sont un peu plus farouches. "Quand le bateau va plus vite ou que le vent est à 19-20 nœuds, les foilers dernière génération sautent. Ils sont un peu plus sauvages que celui que j’avais en 2019, qui avait des petits foils et était un peu plus sage et plus lent. Là c’est plus engagé à bord, les mouvements, les bruits, les réactions du bateau."

Sentiment partagé par Clarisse Crémer et Alan Roberts. "C’est pas facile de se reposer sur ce bateau, même quand il ne va pas vite les mouvements sont assez violents, il est usant !"

Et j’entends siffler le foil…

"Le dragon nous a tué les oreilles !", s’exclame Maxime Sorel (V & B - Monbana - Mayenne), cette nuit à son arrivée (8ème position). "Ça allait tellement vite, c’était insupportable, je pense qu’on a perdu de l’audition. Il hurlait beaucoup, on a fait de belles vitesses moyennes. Mais il me plaît toujours autant ce bateau."

On a beau vouer une admiration pour son compagnon de route, il a aussi ses petits défauts. Et le bruit assourdissant, provoqué par ces multicoques, semble bien être le point commun dans cette flotte. "On a eu des soucis de sifflements des foils dans le bateau et c’était vraiment pénible en terme d’audition", confesse Morgan Lagravière, vainqueur avec Thomas Ruyant chez les IMOCA (For People)

"On revient avec un cahier plein de notes"

Qui dit nouveauté, dit apprentissage ! Pour ceux qui découvrent leur bateau, cette transatlantique avait un peu la saveur d’un nouveau jouet qu’on déballe mais avec une notice en langue étrangère. "Il y a eu pas mal de petits moments où on s’est dit "oh la la, y a un truc qu’on n’a pas pigé, on va pas vite" ou on cherchait les manettes", raconte Clarisse Crémer enthousiaste. "Et c’est là l’avantage de faire du portant pendant 8 jours, tous les jours tu te dis "oh ce petit truc", "ce petit machin" et tu découvres au fur et à mesure."

Pour Yoann Richomme, arrivé deuxième de la course, son tout nouveau Paprec Arkéa, un plan Koch-Finot-Conq mis à l’eau en février dernier, ne cesse de le surprendre. A son arrivée en Martinique, il reconnaît que gagner la course était prématuré "Il y avait trop de choses qu’on ne connaissait pas sur ces bateaux-là, moi le premier. On revient avec un cahier plein de notes sur comment fonctionnent ces machines qui sont un peu dingos."

Mais on a beau parler de plans Koch, VLPL, Manuard ou autres, ces bateaux sont avant tout l’alter-ego de chaque marin. D’une base, les skippers les façonnent à leur image. "Aujourd’hui faire un bateau IMOCA, ce n’est pas passer commande à un architecte en lui disant "Fais moi un beau bateau", affirme Thomas Ruyant, vainqueur avec Morgan Lagravière chez les IMOCA (For People). "Avec Antoine (Koch) on a beaucoup navigué ensemble, on a beaucoup échangé après le dernier Vendée Globe, avec l’équipe aussi. C’est tout ça qui fait qu’à la fin on sort une belle machine."

Le TOP 10 en IMOCA

1- Thomas RUYANT / Morgan LAGRAVIERE (FOR PEOPLE) : 11j 21h 32mn 31sec

2- Yoann RICHOMME / Yann ELIES (PAPREC ARKEA) : 12j 1h 41mn 16sec

3- Sam GOODCHILD / Antoine KOCH (FOR THE PLANET) : 12j 1h 50mn 32sec

4- Jeremie BEYOU / Franck CAMMAS (CHARAL) : 12j 8h 26mn 34sec

5- Sam DAVIES / Jack BOUTTELL (INITIATIVES CŒUR) : 12j 8h 43mn 39sec

6- Justine METTRAUX / Julien VILLION (TEAMWORK.NET ) : 12j 8h 59mn 58sec

7- Boris HERRMANN / William HARRIS (MALIZIA - SEAEXPLORER) : 12j 9h 1mn 3sec

8- Maxime SOREL / Christopher PRATT (V AND B - MONBANA - MAYENNE ) : 12j 21h 23mn 1sec

9- Clarisse CREMER / Alan ROBERTS (L’OCCITANE EN PROVENCE) : 13j 1h 50mn 0sec

10- Benjamin DUTREUX / Corentin HOREAU (GUYOT ENVIRONNEMENT) : Arrivée prévue à 18h (HF)

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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