La tête de flotte converge

Par Figaronautisme.com

À 1 500 milles de l’arrivée, dans le Sud-Ouest des Açores, la tête de flotte converge vers la même île de l’archipel : Santa Maria ! Mais dans ce vent portant plus ou moins stable qui passe de 15 à 22 nœuds, il y a pas mal de réglages et de manœuvres à faire et les neuf solitaires qui contournent l’anticyclone ont du maille dans le même sens : actions !

Sens giratoire, sens unique, sens interdit, contre-sens, sens dessus-dessous : au sens propre comme au figuré, il va falloir garder son sang froid et son sens critique ! Car des Açores au cap Horn, les décisions à prendre sont lourdes de sens. A 1 500 comme à 8 000 milles, il faut revoir son sens commun… Le sens du vent a lui-même changé ! Les brises des dépressions tournent désormais dans le sens contraire des aiguilles d’une montre quand les anticyclones tournent dans le « bon » sens…

Du moins au Nord de l’équateur, car pour les douze solitaires encore au Sud (auxquels il faut ajouter deux navigatrices hors course, Isabelle Joschke en route vers Salvador de Bahia et Sam Davies en approche du cap Horn), c’est tout l’inverse ! Ainsi sur la fin de parcours, toutes les habitudes prises dans l’hémisphère Sud ne tombent plus sous le sens. À des centaines de milles de l’arrivée comme à des milliers. Le bon sens est loin de chez nous…

Contre-sens

Or c’est probablement dans les heures qui viennent que l’issue de cette neuvième édition du Vendée Globe va se jouer ! Au carrefour de São Miguel, il ne faut pas se tromper de voie. Le vent de Sud-Ouest s’est installé car les hautes pressions continuent de sévir du côté de Madère, et au moins la progression a… progressé ! En tous cas pour les sept « mercenaires » qui ont pu s’immiscer sur le dos de l’anticyclone car pour Jean Le Cam (Yes We Cam!) et pour Benjamin Dutreux (OMIA-Water Family), l’arrivée d’une nouvelle bulle sur le tropique du Cancer ne leur est pas très favorable… Ils pourraient être décrochés ces prochaines heures.

Mais du côté de la tête de flotte, le doute plane encore : qui de Louis Burton (Bureau Vallée 2) à l’extérieur du « virage » ou de Charlie Dalin (Apivia) avec sa trajectoire plus tendue, va atteindre les Açores en pole position ?Surtout que derrière la pression est forte avec Boris Herrmann (SeaExplorer-Yacht Clun de Monaco) sur leurs basques, avec Thomas Ruyant (LinkedOut) plutôt rapide ces dernières heures, avec Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) et Giancarlo Pedote (Prysmian Group) à l’affût, sans oublier Damien Seguin (Groupe APICIL) le plus à « l’intérieur », donc le plus direct vers le but : qui va jouer les trouble-fêtes ?

Logiquement, ces sept « samouraïs » du Vendée Globe vont suivre approximativement la même route, sous les Açores pour éviter les perturbations des îles, avant d’enclencher leur empannage. Mais ce type de manœuvre, il va y en avoir jusqu’à l’entrée du golfe de Gascogne et même après ! Car le vent de Sud-Ouest ne va réellement se mettre en place qu’en tout début de semaine… Alors faut-il raser le cap Finisterre qui cumule trafic maritime, effets de côtes (renforcement du vent sur la péninsule ibérique, mais aussi molles à suivre) et DST, ou viser le milieu du golfe pour anticiper le passage d’un front sur la Vendée avant une belle dépression qui bénéficiera surtout aux poursuivants ? Les solitaires ont du maille, mais surtout un sens à donner à leur choix : c’est demain dimanche qu’il faudra savoir par où atterrir et donc impulser le ‘timing’ des empannages…

Sens unique

La problématique est bien différente pour ceux qui sont aussi passés dans l’hémisphère Nord, car Maxime Sorel (V and B-Mayenne) va forcément buter sur la zone de calmes qui a freiné ses prédécesseurs. Une bonne opportunité pour Armel Tripon (L’Occitane en Provence) de revenir à portée de lance-pierres puisqu’il profite encore des alizés canariens : il faut donc s’attendre à un « contact » avant même la fin du week-end entre ces deux bateaux. Ce qui ne sera pas le cas pour Clarisse Crémer qui s’est débarrassée du pot au noir et va pouvoir se « reposer » dans des alizés modérés d’une quinzaine de nœuds. Enfin, « repos » est un bien grand mot quand le monocoque va se faire chahuter par une succession ininterrompue de vagues par le travers avant…

Quant à Romain Attanasio (Pure-Best Western), il a enfin pu passer l’équateur la nuit dernière mais il faut souligner que le pot au noir est « descendu » sous la ligne de démarcation des hémisphères, ce qui n’a pas facilité la tâche du solitaire, empêtré depuis hier après-midi dans les affres de cet axopode dépressionnaire (axopode : expansion cytoplasmique longue, fine et pointue). Après 75 jours 12 heures 43 minutes, le skipper a vu la masse nuageuse dans son Nord se décaler vers lui en se recroquevillant sur lui-même comme une coquille d’escargot… Imposant un rythme de tortue ! Bref, le navigateur déjà perturbé par ses côtes cassées doit désormais s’adapter à une brise très volage, et ce, pendant tout le week-end !

Il verra ainsi Jérémie Beyou (Charal), revenir très fort dans son axe puisque le marin de la baie de Morlaix exploite toujours des alizés de Sud-Est au large de Recife. C’est donc un « tout droit » qui s’impose tout comme à ses poursuivants, désormais alignés sur le tropique du Capricorne : Le Diraison et Hare le long des côtes brésiliennes, Boissières et Roura très au large, Shiraishi et Costa entre les deux ! Il y a donc aussi un beau final en perspective pour le « groupe des Six » qui ne devrait pas trop se séparer d’ici le pot au noir au moins, puisque la circulation est à sens unique jusqu’aux Açores, au minimum…

Sens giratoire

Ce n’est pas le cas pour le trio Cousin-Merron-Giraud : s’il est parti très au large depuis les Malouines, vers le Nord-Est, il lui faut désormais « tourner » à gauche. Cap au Nord vers le centre anticyclonique qui devrait rassembler les trois solitaires en fin de week-end. Là encore, un beau final s’annonce jusqu’à l’arrivée aux Sables d’Olonne car les alizés devraient reprendre un peu de coffre en début de semaine.

Quant aux deux derniers skippers qui vont se faire terriblement secouer dès ce samedi après-midi, le « bout du tunnel » est programmé dimanche matin pour Alexis Barrier (TSE-4myplanet) et dimanche soir pour Ari Huusela (STARK). Mais il leur faudra d’abord déborder l’archipel des Falkland avant de prendre le « giratoire » à gauche vers des températures plus clémentes et des horizons plus radieux ! Tous deux savent qu’ils peuvent compter sur Sam Davies, qui ouvre le chemin dans un mauvais coup de vent : normalement, le cap Horn est prévu ce samedi soir pour la navigatrice hors course.

Alors oui, mille sabords ! (dixit le capitaine Haddock qui a fêté ses 80 ans le 2 janvier dernier) : il y a un sens pour en finir avec ce neuvième Vendée Globe, mais il y a aussi de l’action pour avancer encore et encore vers Les Sables d’Olonne. Cela fait déjà 75 jours et plus d’un demi que ces 27 solitaires (dont deux hors course) animent les mers et il y a encore quatre à cinq jours de course pour les premiers et un bon mois pour les derniers avant de retrouver un lit qui ne ballotte pas en permanence et une table pour manger autre chose qu’une pâtée insipide ! Sans parler d’un milieu humide où la condensation est un acquis saturé… Vivement la Nouch.

La rédaction du Vendée Globe / DBo

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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