Du chaos à l'accalmie : les marins du Vendée Globe face aux caprices des océans

Par Figaronautisme.com

Après plusieurs jours piégés dans une zone aussi perfide qu’un embouteillage sur le périphérique parisien un vendredi soir, Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) et Yoann Richomme (PAPREC ARKÉA), les deux leaders du Vendée Globe, ont enfin réussi à se dégager du front froid du cap Frio.

Cette région, véritable casse-tête météorologique, leur a donné bien du fil à retordre. Entre des vents capricieux soufflant avec la vigueur d’un souffle asthmatique et des grains surgissant à l’improviste comme des invités non désirés, leur avancée relevait davantage d’une lutte stratégique que d’une navigation paisible. Mais la sortie de ce calvaire est enfin en vue. "Adieu Frio, bonjour les alizés !", pourraient-ils presque s’exclamer… si ce n’était qu’il leur faudra patienter encore un peu. Demain, peut-être, ils pourront accueillir ces vents réguliers tant attendus, annonçant la remontée vers l’hémisphère Nord. En attendant, ils s’emploient à progresser dans une zone où les nuages s’amusent à distribuer les risées de façon aussi imprévisible qu’un jeu de cartes mal battu. Si la progression reste parfois heurtée, les vitesses à deux chiffres qu’ils atteignent tranchent nettement avec celles de leurs poursuivants, notamment ceux encore situés au large du cap Horn ou dans le premier tiers du Pacifique.

Les mots de Charlie Dalin

« C’est un chapitre assez compliqué qui se termine et ce n’est pas plus mal comme ça. Hier, ça a été une journée complexe avec des vents qui ne correspondaient pas du tout aux fichiers. On parle beaucoup du Pot-au-Noir mais le front froid semi-permanent du cap Frio peut être un sacré casse-tête. Il est peu documenté et, à mon sens, sous-coté ! », a relaté Charlie Dalin. C’est un fait, cette zone de transition au large de Rio de Janeiro où une masse d'air froid dense et lourde avance et remplace une masse d'air chaud plus léger, aussi accueillante qu’un comité de guêpes, leur en a fait voir de toutes les couleurs, à lui et à Yoann Richomme ces derniers jours.

Et d'ajouter: « Dans ce type d’endroit, on navigue à vue et, finalement, de manière assez différente de ce à quoi on est habitué. Il faut être un peu opportuniste, s’adapter à ce qui se passe mais aussi savoir se détacher un peu des fichiers, ce qui n’est pas forcément facile.»

« J’ai rencontré les vagues les plus violentes depuis le début de mon Vendée Globe. J’ai fait quelques sauts assez dingues. Tout a volé dans le bateau ! », a précisé le Havrais, toujours engagé dans un jeu de chat et de souris avec son rival. S’il a réussi à se ménager une avance de 80 milles depuis hier, il sait bien que dans cette course, c’est à peine de quoi respirer entre deux grains. Autrement dit, que ce n’est toujours pas le moment de baisser la garde, surtout avec une météo qui adore jouer les trouble-fête à la moindre occasion. « A présent, je suis en train de progresser en bâbord amures pour aller chercher mon point de virement de bord vers le Nord avant d’entamer ensuite un très long bord en tribord jusqu’au Pot-au-Noir. C’est un point qui promet d’être assez important parce qu’il va définir une ligne qu’il sera ensuite difficile de changer », a souligné Charlie qui devrait manœuvrer la nuit prochaine avant de traverser encore quelques zones de calmes – parce que visiblement, l’Atlantique Sud n’a pas encore fini de tester sa patience. Mais il reste optimiste : dans 24 heures, des vents enfin en phase avec les fichiers (ou presque, on ne va pas trop rêver) et les premiers frissons des fameux alizés viendront lui donner de l’élan pour rallier l’équateur.

Quant au fameux Cap Horn...

Alors que l’horizon semble enfin s’éclaircir pour lui, la situation demeure bien plus complexe pour une grande partie de ses concurrents. Pour ses poursuivants immédiats, c’est un véritable parcours semé d’embûches : progresser au près tout en composant avec des masses orageuses imprévisibles le long des côtes argentines constitue déjà un sacré défi. Mais lorsque l’on y ajoute une concentration de bateaux de pêche en pleine activité, cela revient à tenter un slalom dans un parking bondé. Plus au sud, pour ceux qui approchent de la pointe australe de l’Amérique, comme Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence), Benjamin Dutreux (GUYOT environnement – Water Family) et Sam Davies (Initiatives-Cœur), les enjeux sont différents, mais tout aussi ardus. Ici, ce ne sont pas des éléments en furie qui posent problème, mais bien leur absence : un calme plat exaspérant où des vents timorés obligent à une navigation d’une précision extrême pour progresser. Et pour couronner le tout, le cap Horn, ce mythe que tout marin aspire à contempler, reste désespérément hors de vue. La brume dense et une trajectoire éloignée transforment ce passage légendaire en une expérience où l’imagination doit se substituer à la réalité.

Rêve du Pacifique

Mais passer sans le voir, c’est un peu comme aller au Louvre et trouver la Joconde en congé. « C’est une petite frustration. Il n’empêche que c’est trop chouette de démarrer 2025 de cette manière. C’est surréaliste d’être à l’autre bout du monde, de franchir le Horn. C’est un jalon qui n’est pas anodin ! », a expliqué Clarisse pour qui ce coin de roche mythique semble définitivement tout droit sorti d’un livre d’aventures. Et pour cause, ce n’est pas juste un bout de terre isolé au bout du monde, c’est un monument à la gloire de la navigation, un musée naturel où chaque vague raconte une histoire. « Magellan, Drake, Shackleton… À chaque nom qui vient en tête, on a presque l’impression de croiser des fantômes légendaires ! », a ajouté la navigatrice qui sait par expérience que cette admiration doit rester fugace car le cap Horn, aussi emblématique soit-il, est un peu comme une case bonus dans cette immense partie de jeu : on la franchit avec fierté, mais on garde un œil sur la suite. Tout n’est pas si différent pour Denis Van Weynbergh (D’Ierteren Group) qui lui, de l’autre côté de la planète, a fait son entrée dans le Pacifique à 18h42 hier soir. « La prochaine grosse étape pour moi, c’est la mi-parcours. Ensuite, viendront les passages de l’antiméridien, du point Némo… et du cap Horn. Ça laisse rêveur ! », a formulé de son côté le navigateur belge, ravi qu’un nouvel océan s’ouvre devant lui, immense et chargé de promesses. Et pour cause, la perspective des prochaines grandes étapes à venir agit comme un carburant supplémentaire. Chaque « Milestone », n’est pas seulement un repère géographique, mais un moment pour mesurer le chemin parcouru et se projeter dans ce qui reste à accomplir.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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