Du chaos à l'accalmie : les marins du Vendée Globe face aux caprices des océans

Cette région, véritable casse-tête météorologique, leur a donné bien du fil à retordre. Entre des vents capricieux soufflant avec la vigueur d’un souffle asthmatique et des grains surgissant à l’improviste comme des invités non désirés, leur avancée relevait davantage d’une lutte stratégique que d’une navigation paisible. Mais la sortie de ce calvaire est enfin en vue. "Adieu Frio, bonjour les alizés !", pourraient-ils presque s’exclamer… si ce n’était qu’il leur faudra patienter encore un peu. Demain, peut-être, ils pourront accueillir ces vents réguliers tant attendus, annonçant la remontée vers l’hémisphère Nord. En attendant, ils s’emploient à progresser dans une zone où les nuages s’amusent à distribuer les risées de façon aussi imprévisible qu’un jeu de cartes mal battu. Si la progression reste parfois heurtée, les vitesses à deux chiffres qu’ils atteignent tranchent nettement avec celles de leurs poursuivants, notamment ceux encore situés au large du cap Horn ou dans le premier tiers du Pacifique.
Les mots de Charlie Dalin
« C’est un chapitre assez compliqué qui se termine et ce n’est pas plus mal comme ça. Hier, ça a été une journée complexe avec des vents qui ne correspondaient pas du tout aux fichiers. On parle beaucoup du Pot-au-Noir mais le front froid semi-permanent du cap Frio peut être un sacré casse-tête. Il est peu documenté et, à mon sens, sous-coté ! », a relaté Charlie Dalin. C’est un fait, cette zone de transition au large de Rio de Janeiro où une masse d'air froid dense et lourde avance et remplace une masse d'air chaud plus léger, aussi accueillante qu’un comité de guêpes, leur en a fait voir de toutes les couleurs, à lui et à Yoann Richomme ces derniers jours.
Et d'ajouter: « Dans ce type d’endroit, on navigue à vue et, finalement, de manière assez différente de ce à quoi on est habitué. Il faut être un peu opportuniste, s’adapter à ce qui se passe mais aussi savoir se détacher un peu des fichiers, ce qui n’est pas forcément facile.»
« J’ai rencontré les vagues les plus violentes depuis le début de mon Vendée Globe. J’ai fait quelques sauts assez dingues. Tout a volé dans le bateau ! », a précisé le Havrais, toujours engagé dans un jeu de chat et de souris avec son rival. S’il a réussi à se ménager une avance de 80 milles depuis hier, il sait bien que dans cette course, c’est à peine de quoi respirer entre deux grains. Autrement dit, que ce n’est toujours pas le moment de baisser la garde, surtout avec une météo qui adore jouer les trouble-fête à la moindre occasion. « A présent, je suis en train de progresser en bâbord amures pour aller chercher mon point de virement de bord vers le Nord avant d’entamer ensuite un très long bord en tribord jusqu’au Pot-au-Noir. C’est un point qui promet d’être assez important parce qu’il va définir une ligne qu’il sera ensuite difficile de changer », a souligné Charlie qui devrait manœuvrer la nuit prochaine avant de traverser encore quelques zones de calmes – parce que visiblement, l’Atlantique Sud n’a pas encore fini de tester sa patience. Mais il reste optimiste : dans 24 heures, des vents enfin en phase avec les fichiers (ou presque, on ne va pas trop rêver) et les premiers frissons des fameux alizés viendront lui donner de l’élan pour rallier l’équateur.
Quant au fameux Cap Horn...
Alors que l’horizon semble enfin s’éclaircir pour lui, la situation demeure bien plus complexe pour une grande partie de ses concurrents. Pour ses poursuivants immédiats, c’est un véritable parcours semé d’embûches : progresser au près tout en composant avec des masses orageuses imprévisibles le long des côtes argentines constitue déjà un sacré défi. Mais lorsque l’on y ajoute une concentration de bateaux de pêche en pleine activité, cela revient à tenter un slalom dans un parking bondé. Plus au sud, pour ceux qui approchent de la pointe australe de l’Amérique, comme Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence), Benjamin Dutreux (GUYOT environnement – Water Family) et Sam Davies (Initiatives-Cœur), les enjeux sont différents, mais tout aussi ardus. Ici, ce ne sont pas des éléments en furie qui posent problème, mais bien leur absence : un calme plat exaspérant où des vents timorés obligent à une navigation d’une précision extrême pour progresser. Et pour couronner le tout, le cap Horn, ce mythe que tout marin aspire à contempler, reste désespérément hors de vue. La brume dense et une trajectoire éloignée transforment ce passage légendaire en une expérience où l’imagination doit se substituer à la réalité.
Rêve du Pacifique
Mais passer sans le voir, c’est un peu comme aller au Louvre et trouver la Joconde en congé. « C’est une petite frustration. Il n’empêche que c’est trop chouette de démarrer 2025 de cette manière. C’est surréaliste d’être à l’autre bout du monde, de franchir le Horn. C’est un jalon qui n’est pas anodin ! », a expliqué Clarisse pour qui ce coin de roche mythique semble définitivement tout droit sorti d’un livre d’aventures. Et pour cause, ce n’est pas juste un bout de terre isolé au bout du monde, c’est un monument à la gloire de la navigation, un musée naturel où chaque vague raconte une histoire. « Magellan, Drake, Shackleton… À chaque nom qui vient en tête, on a presque l’impression de croiser des fantômes légendaires ! », a ajouté la navigatrice qui sait par expérience que cette admiration doit rester fugace car le cap Horn, aussi emblématique soit-il, est un peu comme une case bonus dans cette immense partie de jeu : on la franchit avec fierté, mais on garde un œil sur la suite. Tout n’est pas si différent pour Denis Van Weynbergh (D’Ierteren Group) qui lui, de l’autre côté de la planète, a fait son entrée dans le Pacifique à 18h42 hier soir. « La prochaine grosse étape pour moi, c’est la mi-parcours. Ensuite, viendront les passages de l’antiméridien, du point Némo… et du cap Horn. Ça laisse rêveur ! », a formulé de son côté le navigateur belge, ravi qu’un nouvel océan s’ouvre devant lui, immense et chargé de promesses. Et pour cause, la perspective des prochaines grandes étapes à venir agit comme un carburant supplémentaire. Chaque « Milestone », n’est pas seulement un repère géographique, mais un moment pour mesurer le chemin parcouru et se projeter dans ce qui reste à accomplir.
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