Le retour, cet autre défi des marins du Vendée Globe

Par Figaronautisme.com

« Quand on est parti trop longtemps, de l'autre côté du printemps, c'est le meilleur moment du voyage, le Retour », chantait Gilbert Bécaud. Pour nos marins du Vendée Globe, le véritable retour, celui qui compte, sera au port des Sables d’Olonne. Mais d’ici là, les retours se multiplient déjà : sur le concurrent de devant, sur leur sillage en mer, ou même, par la pensée, vers la maison…

Le retour, en voilà un mot qu’ils aiment bien nos marins qui semblent pourtant passer leur vie à vouloir partir. Sauf que certains retours sont plus douloureux que d’autres. Ce n’est pas à Romain Attanasio (Fortinet-Best Western, 15e) qu’on va l’apprendre, lui qui grimace depuis plusieurs jours en voyant se dessiner l’implacable mais irréfutable… retour du roi !

Contraint par un vent de Nord, le skipper de Fortinet-Best Western a en effet dû emprunter ces derniers jours une route qui l’a fait passer par le détroit de Le Maire, ces seize petits milles qui séparent l'île des États de la pointe orientale de la Terre de Feu argentine (on ne lâche rien côté Trivial Pursuit, c’est la dernière ligne droite), puis l’intérieur des Malouines. Un passage qui a d’ailleurs davantage souri à son acolyte Damien Seguin (Groupe Apicil, 14e), qui en a profité pour prendre l’avantage dans leur duel à foils tirés !

«C’était un peu chiant météorologiquement, parce que je suis arrivé dans le détroit de Le Maire sur la portière au taquet, et après il y a un énorme grain qui est rentré, et après pétole derrière, et Damien est revenu… Bref, j’ai pas trop de chance météorologiquement depuis ce Cap Horn, mais comme depuis un petit moment déjà ! J’ai eu une très bonne descente de l’Atlantique, et après ça a merdé !» Romain Attanasio de FORTINET - BEST WESTERN.

« Jean, il est gentil dans la vie »
Et ça va continuer un peu, puisque rien ne semble pouvoir arrêter la « remontada » de Jean Le Cam (Tout Commence en Finistère – Armor Lux, 16e), qui bénéficie lui, depuis son passage à l’Est des Malouines, d’un flux bien établi de Nord-Ouest… c’est le pompon sur le marin, pour Romain !
«C’est n’importe quoi la météo ! Je rends mon tablier ! Après c’est le roi Jean, il a le bon karma, qu’est-ce que tu veux… Je ne le connais pas bien, mais je pense que Jean, il est gentil dans la vie, il est travailleur, il est toujours à son chantier… il a tout pour avoir les dieux avec lui en mer ! On n’a qu’à être meilleurs nous, mais quand même, c’est incroyable la météo qu’il a ! Nous, c’est même pas du près, c’est du louvoyage : face au vent à tirer des bords ! Pour l’instant, c’est un peu le scénario terrible, alors que Jean arrive avec du vent de travers… Normalement on devrait se retrouver dans deux jours pour passer une bulle anticyclonique. Là il a un meilleur angle depuis un mois, on peut rien faire contre ça !» Romain Attanasio de FORTINET - BEST WESTERN.

Heureusement, Romain Attanasio n’est pas du genre à ruminer, et se sent déjà bien heureux d’être dans l’Atlantique où, malgré le près qui devrait l’accompagner les 1000 prochains milles, la température s’adoucit et les conditions avec. Un micro repos du guerrier après ce grand Sud sauvage, qui a pu faire le constat qu'il n'est pas la seule créature à apprécier un peu de répit :
«Ce qui est rigolo, c’est que les albatros qu’on voit dans le Grand Sud derrière le bateau sans jamais battre une fois des ailes, là ils sont comme des canards en train de flotter dans l’eau, ça perd un peu de son charme !» Romain Attanasio de FORTINET - BEST WESTERN.

Nautisme Article
Photo envoyée depuis le bateau Monnoyeur - DUO for a JOB lors de la course à la voile du Vendée Globe le 05 janvier 2024© Photo du skipper Benjamin Ferré / Vendée Globe



« C’est pas parce qu’on est à l’arrière de la flotte qu’on se donne pas autant ! »
Un constat que partage complètement Manuel Cousin (Coup de Pouce, 34e), qui barbote dans la pétole en plein milieu du Pacifique, et aimerait bien pouvoir compter sur le retour… du vent !
«Contrairement à l’Indien qui a été furieux pour moi, le Pacifique l’est beaucoup plus, pacifique. Même peut-être un peu trop depuis 2-3 jours ! On a eu des zones de molle importantes, et pour rejoindre la ZEA, je suis obligé de passer dans des zones très très molles, ça ne m’amuse pas, mais on n’a pas le choix ! Et en plus c’est au près, dans une mer formée, ça n’aide pas pour avancer !» Manuel Cousin, Coup de Pouce.

Il a pourtant de l’appétit le skipper de Coup de Pouce, qui se verrait bien croquer son voisin Fabrice Amédéo (Nexans – Wewise, 33e), même s’il reconnaît que sa présence à ses côtés est plus du genre motivante qu’usante, surtout pour continuer de rêver à un retour sur les camarades de devant :
«Ça met un coup de pied aux fesses ! On est en course, même si malheureusement on est loin. On sait que dans les Mers du Sud, 500 milles ça peut être vite repris ou vite perdu. Des fois c’est long, mentalement c’est dur, je ne pensais vraiment pas faire un Vendée Globe comme celui-ci. Si je peux gratter devant je le ferai, on a tous le même état d’esprit, on reste positif, on fait au mieux, on donne tout ce qu’on a… C’est pas parce qu’on est à l’arrière de la flotte qu’on se donne pas autant !» Manuel Cousin, Coup de Pouce.

Retour aux manivelles
A tous les étages de la fusée, c’est en effet la même furieuse envie de remonter. Plein pot (de colle) pour Yoann Richomme (PAPREC-ARKÉA, 2e) qui a essayé toute la nuit de mettre le turbo pour revenir sur Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance, 1er), ralenti par un début de Pot-au-Noir toujours un peu aléatoire. L’occasion peut-être pour le leader de fredonner le couplet de Gilberd Bécaud « Où es-tu? Que fais-tu? / La nuit je pense à nous / Compte les jours / Compte à rebours », alors que leur distance au but fond désormais aussi vite qu’une motte de beurre à l’équateur.

Avec la niaque aussi côté Jérémie Beyou (Charal, 4e), qui a repris dans la nuit bien du terrain sur Thomas Ruyant (VULNERABLE, 6e) et Paul Meilhat (Biotherm, 8e), partis dans une option plus à l’Est avec Nicolas Lunven (Holcim-PRB, 10e). Qui l’emportera en termes de stratégie pour faire le retour en tête dans l’Atlantique Nord ?

Enfin, deux autres retours font aussi chauds au cœur aujourd’hui. Celui de l’IMOCA de Louis Burton (Bureau Vallée), arrivé cette nuit à son port d’attache de Saint-Malo après un long voyage depuis l’Afrique du Sud, où son marin avait dû se résigner à abandonner. Et puis le retour en mer de Yannick Bestaven (Maître CoQ V), après son abandon le 30 décembre dernier. Grâce à un travail acharné de son équipe technique, le tenant du titre va en effet pouvoir reprendre ce matin sa boucle, hors course, certes, mais tout de même en bonne compagnie, puisqu’il devrait en profiter pour se recaler dans le groupe mené par Benjamin Ferré (Monnoyeur, Duo For a Job, 20e). Car au fond, ce qui compte, c’est bien le retour, mais autant que le chemin qui y mène soit le plus agréable possible !

Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe et suivez les skippers en direct grâce à la cartographie.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…