Isolée dans l'archipel des Tuamotu : « notre confinement grand large reflète exactement ce qu'est le luxe pour moi »
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Comment vous êtes-vous retrouvés à Toau pendant le confinement ?
« En partant de la Guadeloupe en 2019, nous ne nous étions pas encore décidé sur la trajectoire de notre voyage. Cependant, nous avions la forte envie de retourner en Polynésie que nous avions beaucoup aimée et que nous connaissons bien. Après une escale en République Dominicaine puis, en Jamaïque, nous passons par Panama et arrivons aux Marquises avant de rejoindre les Îles de la Société en Polynésie Française. En février 2020, deux de nos enfants nous rejoignent et nous partons naviguer vers les Iles Sous Le Vent. Quelque temps après, nous apprenions que certains pays d’Europe avaient fermé leurs frontières. À ce moment-là, nous sommes à Fakarava où les voiliers ne sont pas les bienvenus à cause du coronavirus. Le seul cas de covid-19 enregistré aux Tuamotu est celui d’un touriste suisse venu pour plonger dans la mythique passe sud. Une pancarte sauvage posée près des poubelles indique même : « alerte coronavirus, voilier interdit ». Le 20 mars 2020, nous nous rendons donc à Toau située à environ 15 milles nautiques au nord de Fakarava où nous sommes un peu plus tranquilles. »
Quel est votre quotidien en confinement sur l’atoll Toau ?
« Les journées se répètent et se ressemblent. Le matin mon mari part chasser avec mon fils, le début est un peu laborieux, mais ils sont ravis de découvrir cette activité à deux et de partager leur butin. Je les accompagne très rarement et m’occupe de l’entretien du bateau, je fais un peu de yoga et je m’attelle à la préparation du repas. L’après-midi, nous allons nous dégourdir les jambes sur la plage, côté océan, sur les motus à l’ombre des cocotiers. Nous profitons également des fonds turquoise pour nager et faire de la plongée. Les fonds sont incroyables, poissons multicolores et coraux sont au rendez-vous magnifiés par la lumière si particulière de la Polynésie. La nuit tombe vite, à 18h le soleil se couche nous gratifiant parfois de « rayon vert » »
Comment faites-vous pour vous avitailler ?
« Mes « chasseurs » sont devenus très efficaces et le poisson fait partie du menu quotidien, de temps en temps nous ramassons quelques crabes de cocotier et des « maoas » , une sorte de bulots délicieux. Cependant, ce n’est pas suffisant et nous attendons avec impatience la venue du Cobia, le bateau d’approvisionnement qui achemine des fruits et légumes des Marquises, des Australes ou de Nouvelle-Zélande. Avocats, pamplemousses, mangues, bananes, nous faisons le plein de produits frais. Après plusieurs années sur l’eau, j’ai l’habitude des navigations hauturières et j’ai donc toujours un stock de riz, pâtes, quinoa, ou de chocolat en poudre pour les desserts. Avec beaucoup de créativité, on s’en sort très bien ! »
Que retenez-vous de ce confinement hors du commun ?
« Sur l’atoll, il n’y a pas de bruits parasites, seulement celui des vagues sur le récif. Nous profitons, le nez dans le ciel et la tête dans les étoiles de ce moment où le temps s’est arrêté pour le monde et pour nous aussi. Nous pouvons nous balader sur la plage, plonger, chasser sans contrainte, nous n’avons jamais eu besoin d’autorisation de déplacement, jamais porté de masque, notre confinement « grand large » reflète exactement ce qu’est le luxe pour moi : du temps et de l’espace. »
Avez-vous une anecdote à nous partager ?
« Nous mouillons près d’une ferme perlière abandonnée où l’on y devine une petite maison à proximité. Cachée parmi les cocotiers, nous avons remarqué une silhouette qui se déplace régulièrement. Nous voulions saluer l’occupant et nous avons donc mis l’annexe à l’eau pour nous approcher tout en respectant les distances réglementaires bien évidemment. L’accueil est poli mais distant. Nous nous méfions car nous savons qu’en tant que « voilier » nous sommes réputés pour avoir apporté les virus et la maladie sur l’archipel. De plus, nous ne savons pas depuis combien de temps ils sont là, la prudence était donc palpable des deux côtés…»