Passage du Nord-Ouest : le défi maritime ultime au cœur de l’Arctique canadien

Entre glaces millénaires, météo incertaine, immensité sauvage et héritage inuit, traverser le passage du Nord-Ouest reste l’une des épreuves maritimes les plus exigeantes au monde. Une route mythique où la navigation s’écrit encore aujourd’hui au rythme de la glace, de la patience et des rencontres subarctiques.

Un défi historique et géographique hors norme

Les routes glacées du Cap Horn ont été franchies il y a quatre siècles, mais le passage du Nord-Ouest, lui, est longtemps resté impraticable. Il faudra attendre 1906 pour que l’explorateur norvégien Roald Amundsen parvienne à relier l’Atlantique et le Pacifique, après plusieurs étés de navigation prudente au milieu des 36 000 îles de l’archipel arctique canadien.
Encore aujourd’hui, plus de personnes ont atteint le sommet de l’Everest que navigué l’intégralité du passage. Les glaces se retirent, mais les transits restent dictés par une météo instable, une topographie capricieuse et des détroits qui se ferment ou se libèrent du jour au lendemain.

En 2018, seuls deux bateaux de plaisance ont réussi la traversée complète par l’une des sept routes existantes. Le passage demeure une « mer lente », un territoire où l’on avance au rythme de la nature, où la navigation se confond avec la contemplation : bélugas, ours polaires, falaises silencieuses et villages inuits baignés de lumière de minuit.

Les idées reçues à éviter avant de se lancer
« Il y a des services, des ports et des ressources en route »

C’est faux. Le passage du Nord-Ouest traverse une zone quasi inhabitée, sans boutiques, sans stations-service, sans autres voiliers pour solliciter de l’aide. La glace modifie l’itinéraire chaque semaine, et seuls 10 % de l’Arctique sont cartographiés selon les standards nautiques modernes.

« Il n’y a plus ni ours ni glace »

Si la couverture de glace diminue, elle reste massive et redoutable dans de nombreux détroits. Et la faune arctique est omniprésente : ours polaires, bœufs musqués, morses, baleines boréales...

« Il faut traverser tout le passage pour vivre quelque chose »

Entrer dans le passage est déjà une aventure en soi. Chaque baie, chaque canal offre un condensé de vie sauvage et d’histoire polaire.

Le passage du Nord-Ouest et l'archipel canadien
Le passage du Nord-Ouest et l'archipel canadien© Wiki Media

Quel itinéraire emprunter ?

La majorité des navigateurs tentent un passage complet d’est en ouest, en suivant la route d’Amundsen, via le détroit de Lancaster, puis en descendant au sud de l’île du Roi Guillaume.
Cet itinéraire combine paysages grandioses, lieux historiques, zones de navigation complexes et opportunités d’observation de la faune.

Le caractère isolé de la région impose une navigation totalement autonome. En 2016, le voilier Rosehearty (56 m) a remonté le détroit de Bellot avant de contourner l’île Somerset. Des centaines de kilomètres sans autre bateau en vue : chaque décision compte, et toute assistance est à plusieurs jours de navigation.

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Le calendrier : une fenêtre minuscule

La zone n’est praticable que de juillet à septembre. Les températures oscillent alors entre 5 °C et -5 °C, même en plein été.

- Juillet : explosion de la flore et de l’activité animale.

- Août : migration active des bélugas et des narvals.

- Fin août - septembre : nuits qui reviennent, apparition possible des aurores boréales.

La fenêtre pour un transit complet ne dure que 4 à 6 semaines, généralement à partir de la deuxième semaine d’août - et seulement les années favorables.

Culture et politique : un voyage qui se prépare un an à l’avance

Naviguer dans le passage du Nord-Ouest nécessite une préparation administrative considérable. Chaque bateau doit obtenir entre 30 et 40 autorisations auprès des autorités locales, régionales et fédérales. Les propriétaires prévoyant le voyage à Noël pour l’été suivant sont souvent déjà en retard.
La relation avec les communautés inuites est centrale. Historiquement marquées par la méfiance et l’incompréhension, elles reposent aujourd’hui sur un respect mutuel.
Les Inuits, trappeurs, pêcheurs et mushers experts, sont les meilleurs guides du passage : ils connaissent les glaces, les zones de chasse, les mouvements de la faune et les spécificités de chaque village. Leur aide est précieuse, autant pour naviguer que pour comprendre le territoire.

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Une faune unique au monde

Le passage du Nord-Ouest est un sanctuaire pour la mégafaune arctique :

- Morses, étendus sur les plaques de glace flottante ;

- Caribous et bœufs musqués, reconnaissables à leur silhouette massive et à leurs sabots larges ;

- Baleines boréales, narvals et bélugas en migration ;

- Ours polaires, souvent aperçus près des zones de dérive glaciaire.

Lors des escales à terre, les zones humides attirent huards, échassiers et oiseaux aquatiques. Plus à l’est, autour de Pond Inlet (île de Baffin), on observe phoques annelés, baleines et ours polaires, et c’est l’un des rares points où il est possible de se réapprovisionner légèrement avant de poursuivre la route.

Un voyage qui ne se maîtrise jamais totalement

Dans le passage du Nord-Ouest, le capitaine n’a jamais le dernier mot. La glace ferme un accès, ouvre un autre, déplace les routes, transforme en quelques heures un chenal tranquille en piège glacé. Le navigateur doit accepter l’imprévisibilité comme une composante fondamentale du voyage.

Le passage du Nord-Ouest n’est pas une route maritime comme les autres : c’est un territoire d’exploration, où chaque mile parcouru met en jeu patience, humilité, science de la glace et respect des peuples inuit.
Ce canal mythique reste l’un des derniers espaces où la navigation dépend encore complètement de la nature. Traverser le passage du Nord-Ouest, ou simplement y pénétrer, c’est goûter à la dimension la plus pure de l’aventure : lente, silencieuse, imprévisible, et profondément grandiose.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
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Irwin Sonigo
Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.