
Un héritage des marins d’antan : le loch à bateau
Pour comprendre pourquoi la vitesse d’un navire est mesurée en noeuds, il faut remonter à l’époque des grands voiliers du XVIe siècle, quand les instruments de mesure étaient rudimentaires et que les marins s’orientaient avec le soleil et les étoiles.
À cette époque, la navigation reposait sur des calculs manuels, notamment pour estimer la vitesse du navire et anticiper la distance parcourue. Mais comment mesurer la vitesse d’un bateau en pleine mer, sans repères fixes ni technologies avancées ?
Les marins ont trouvé une solution ingénieuse : le loch à bateau. Cet instrument consistait en une planchette de bois lestée, attachée à une longue corde elle-même divisée en segments marqués par des noeuds espacés d’environ 1,85 mètre.
Le fonctionnement était simple :
1. La planchette était jetée à l’eau depuis l’arrière du navire.
2. Elle restait immobile à la surface tandis que le bateau continuait d’avancer.
3. Un sablier d’environ 30 secondes permettait de mesurer le temps écoulé.
4. Une fois le sablier vidé, on comptait combien de noeuds avaient défilé dans les mains du marin.
Si, par exemple, six noeuds avaient été déroulés en 30 secondes, cela signifiait que le bateau avançait à six milles nautiques par heure. C’est ainsi que le terme "noeud" est devenu une unité de mesure officielle de la vitesse en mer.
Le mille nautique : une unité taillée pour la navigation
Si le noeud est resté l’unité de référence, c’est aussi parce qu’il est lié à une autre mesure essentielle en mer : le mille nautique. Contrairement au kilomètre, qui est une unité arbitraire de distance, le mille nautique est directement lié aux dimensions de la Terre.
Un mille nautique correspond à une minute d’arc de latitude sur un méridien terrestre. Autrement dit, si vous parcourez 60 milles nautiques, vous avez parcouru exactement un degré de latitude.
Cette relation avec la géographie de la planète simplifie énormément la navigation. Les cartes marines sont conçues en milles nautiques, les distances entre ports s’expriment en milles nautiques, et donc la vitesse des navires est naturellement calculée en noeuds (1 noeud = 1 mille nautique par heure).
Un mille nautique vaut précisément 1 852 mètres, ce qui signifie que :
o 1 noeud = 1 852 mètres par heure (1,852 km/h)
o 10 noeuds = 18,52 km/h
o 20 noeuds = 37,04 km/h
Un voilier filant à 12 noeuds avance donc à environ 22 km/h, soit l’équivalent de la vitesse d’un vélo en pleine randonnée.
Une unité toujours incontournable dans la navigation moderne
On pourrait se demander pourquoi, à l’ère des GPS et des capteurs électroniques, les marins continuent d’utiliser le noeud plutôt que le kilomètre par heure. La réponse est simple : c’est l’unité la plus pratique et cohérente pour la navigation maritime et aérienne.
1. Une correspondance directe avec les cartes marines
Les cartes nautiques sont établies en milles nautiques. Si on utilisait le kilomètre, il faudrait sans cesse convertir les distances, ce qui introduirait des risques d’erreur dans les calculs de navigation.
2. Une unité utilisée dans les prévisions météo
Les bulletins de Météo Consult Marine et d’autres services météorologiques spécialisés expriment les vitesses du vent en noeuds. Un vent de 20 noeuds signifie qu’une embarcation subira une brise soufflant à environ 37 km/h. Pour un skipper, il est plus simple d’analyser les prévisions si elles sont exprimées dans la même unité que la vitesse de son bateau.
3. Une unité partagée avec l’aviation
L’aviation utilise aussi le noeud comme unité de mesure de vitesse. Les avions, comme les navires, évoluent dans des espaces où les distances sont basées sur les coordonnées géographiques, et non sur des repères fixes au sol.
4. Une standardisation internationale
Le noeud est reconnu par toutes les nations et utilisé sur toutes les mers du globe. Un cargo, un voilier de course ou un paquebot de croisière affiche sa vitesse en noeuds, qu’il navigue en Méditerranée, dans l’Atlantique ou dans l’océan Indien.
De la tradition à la technologie : le noeud toujours d’actualité
Aujourd’hui, la navigation s’appuie sur des outils ultra-modernes comme les GPS, les anémomètres et les centrales de navigation. Les marins n’utilisent plus de loch à bateau en bois, mais la vitesse d’un navire est toujours indiquée en noeuds sur les instruments de bord.
Les régatiers suivent leur vitesse sur l’eau (SOG - Speed Over Ground) et leur vitesse par rapport au vent (VMG - Velocity Made Good) en noeuds. Même les bateaux de plaisance affichent leur vitesse en noeuds sur leurs écrans électroniques.
Le noeud est bien plus qu’une simple unité de vitesse. Il est un héritage direct des marins du passé, qui ont su développer une méthode pragmatique pour mesurer leur progression en mer. Grâce à son lien avec le mille nautique et les coordonnées géographiques, il s’est imposé comme la référence absolue en navigation, aussi bien maritime qu’aérienne.
Si aujourd’hui la technologie a remplacé les cordes à noeuds et les sabliers, l’unité, elle, est restée intacte. La prochaine fois que vous entendrez parler d’un bateau avançant à 15 noeuds, vous saurez que cela signifie 27,78 km/h, et surtout, que cette mesure provient d’une tradition vieille de plusieurs siècles.
Alors, prêt à hisser les voiles et à filer à 6 noeuds vers l’horizon ?