
Paradoxal Surfboards : une planche de surf écolo
Jérémy Lucas, originaire de Douarnenez dans le Finistère, a développé une passion pour l'océan dès son plus jeune âge. Après avoir découvert le surf en Australie, il y a une quinzaine d'années, il est retourné en France avec une sensibilité particulière pour les matériaux écoresponsables. Son expérience dans la conception d'objets en utilisant l’impression 3D l'a conduit à réfléchir sur l'impact environnemental des matériaux traditionnels, notamment le plastique dérivé du pétrole et même le plastique végétal à base d'amidon de maïs : "Les principaux producteurs sont les États-Unis, avec un bilan carbone important, le maïs est très gourmand en eau, il y a des OGM et il provoque une destruction de zone de biodiversité énorme pour être produit."
C'est en se confrontant aux algues vertes sur la plage du Ris à Douarnenez qu'il a eu le déclic pour créer des planches de surf à base d'algues. Ces algues, collectées et transformées en poudre, servent de matériau thermoformable pour la fabrication des planches.
Jérémy insiste sur l'approche locale de son projet, s'approvisionnant autant que possible localement en ressources, jusqu'aux îles françaises des Caraïbes pour la sargasse. "Tous les acteurs qui gravitent de près ou de loin autour du projet sont bretons. Beaucoup vont chercher à se fournir à l’étranger, mais pour moi cela ne rentre pas dans l’ADN du projet."
Le projet, lauréat de plusieurs concours dont l'Ocean Pitch Challenge en 2023, vise à proposer sur le marché des planches de surf durables et novatrices.

Avec un design translucide et une solidité accrue grâce à l'impression 3D, ces planches seront disponibles pour environ 1 200 euros, offrant ainsi une alternative écoresponsable aux surfeurs :
"Les algues vertes viennent de la société Olmix basée à Bréhan en Bretagne. Ils se chargent de ramasser des millions de kilos chaque année. Ils vont les nettoyer : enlever l’eau de mer, le sable et les éventuels coquillages. Ensuite, elles sont transformées en une poudre aussi fine que la farine. C’est à base de cette poudre qu’est réalisé un matériau thermoformable dans un laboratoire breton qui pourra être utilisé à la suite pour l’imprimante 3D.
L'intérêt de l’impression 3D est de pouvoir déposer la juste quantité de matière aux zones de fragilité habituellement remarquées, cette impression 3D va donc permettre de consolider davantage la planche. La planche pourra ainsi être plus solide et donc plus durable. À l’usage, cela reste un objet fragile, il faut y faire attention comme tout autre objet.”
La première planche devrait être mise sur le marché dans l’année avec des pré-ventes prévues pour le mois de mai. Leur objectif est de devenir la marque de référence en équipement sportif nautique à partir de déchets marins. Au programme à la suite du surf : du paddle et du kayak !
Fil and Fab : recycler pour innover
Yann Louboutin, co-fondateur de Fil and Fab, partage une vision similaire quant à la valorisation des déchets marins. Initialement un projet étudiant axé sur la création d'objets à partir de filets de pêche recyclés, l'entreprise a évolué vers une approche industrielle centrée sur le recyclage des filets.

"Si aujourd’hui, on est capable de faire une matière première et des objets à base de ces filets de pêche, c’est parce que les pêcheurs ramènent leurs filets usagés au port. Les filets qu’on capte et qu’on recycle sont en lien avec le premier geste écologique venant des pêcheurs. Dans ce domaine, les pêcheurs sont les premiers acteurs dans cette chaîne de valorisation."
L'objectif principal est de collecter, trier et transformer les filets de pêche usagés en granulés plastiques, prêts à être utilisés dans la fabrication d'une variété de produits. En récupérant ces déchets dès leur retour au port, Fil and Fab contribue à leur transformation en matière première, évitant ainsi l'enfouissement, l'incinération ou encore l'envoi à l'étranger avec une traçabilité souvent opaque.

50 % du gisement de filets de pêche usagés provient de la région Bretagne, c'est-à-dire, qu'après évaluation, elle représente à elle-seule la moitié des filets déposés par les pêcheurs sur le littoral français.
Ces filets de pêche sont soumis à ce que l'on appelle un recyclage mécanique dont une partie est réalisée à la main :
"Il y a trois étapes clés : tout d'abord le tri. Ce n’est pas un tri entre des filets et des déchets, mais une séparation des différents plastiques, avec différentes propriétés, que l’on peut avoir au sein d’un filet. On sépare l’ensemble de ces plastiques pour avoir un seul type de plastique. Ce tri est réalisé à la main. Ensuite, il y a le broyage pour réduire le filet en petites fibres de quelques centimètres de long. Enfin, l'extrudeuse va fondre cette matière broyée qui va donner des sortes de spaghettis qui vont ensuite devenir les fameux granulés."
Aujourd'hui, ces granulés ont permis de réaliser divers objets du quotidien. En 2020, à l’occasion du Vendée Globe, la marque Ulysse Nardin a proposé une montre à base de filet de pêche. Le filet de pêche usagé est alors devenu une montre de luxe. Armor Luxe a également proposé des montures de lunettes à base de ces granulés en filets de pêche. On retrouve aussi des dériveurs de planche de surf avec la marque Tahe Outdoor.

Ces deux initiatives bretonnes illustrent l'importance de l'innovation et de l'engagement communautaire pour l'écologie maritime. Mais ils ne sont pas les seuls acteurs de la région à travailler des "déchets marins". Vous pouvez trouver des carreaux pour application murale colorée, à base de sédiments marins et de pigments naturels réalisés par l'entreprise Gwilen ou encore du mobilier à base de coquillages qu'a mis en plus l'entreprise Malakio. En transformant les défis environnementaux en opportunités économiques, ces acteurs démontrent qu'une approche durable peut être bénéfique à la fois pour l'écosystème marin et pour l'économie régionale.