
C’est en 1900 que des pêcheurs d’éponges repèrent, par hasard, les vestiges d’un navire englouti à environ 55 mètres de profondeur, non loin de l’île d’Anticythère, entre le Péloponnèse et la Crète. Malgré la richesse de leur trouvaille - statues, céramiques, pièces de monnaie, leur mission est interrompue en raison des risques liés à la plongée profonde, avec un bilan humain lourd : un mort et deux paralysés.
Parmi les objets remontés figure une pièce hors du commun : la machine d’Anticythère, un mécanisme en bronze composé de 37 roues dentées, aujourd’hui reconnu comme une calculatrice astronomique sophistiquée. Elle est considérée comme l’un des tout premiers ordinateurs mécaniques de l’Histoire.
Des fouilles renouvelées au fil du siècle
Le site suscite rapidement l’intérêt des archéologues. Jacques-Yves Cousteau y mène deux campagnes en 1953 puis en 1976, à bord de la Calypso. Les pièces de monnaie retrouvées lors de ces missions permettent de dater le naufrage entre 70 et 60 avant J.-C.. Le navire aurait sombré alors qu’il transportait une cargaison de trésors grecs depuis l’Asie Mineure à destination de Rome. L’hypothèse d’une tempête ayant projeté le navire contre les falaises abruptes de l’île est la plus probable.
Le retour sur site avec des moyens technologiques inédits
En 2014, l’archéologue américain Brendan Foley (Woods Hole Oceanographic Institution) et Theotokis Theodoulou (ministère grec de la Culture) relancent l’exploration avec une nouvelle équipe et des technologies de pointe. Durant trois semaines de fouilles, ils cartographient le site en 3D grâce à des caméras embarquées sur un véhicule autonome sous-marin, et utilisent des recycleurs permettant de prolonger les immersions.
Un autre outil marque cette campagne : l’Exosuit, une combinaison rigide futuriste équipée de caméras HD, de propulseurs et de pinces articulées. Elle permet à un plongeur de rester jusqu’à 50 heures sous l’eau à 300 mètres de profondeur, sans nécessiter de décompression.
Un navire plus imposant que prévu
Les nouvelles découvertes modifient la perception du navire. La récupération d’ancres de plomb longues d’un mètre suggère une taille bien supérieure aux estimations initiales. Le navire pourrait mesurer jusqu’à 50 mètres de long, bien au-delà des 37 mètres des épaves antiques connues à ce jour. « Il s’agit probablement du plus grand naufrage antique jamais documenté », estime Brendan Foley, qualifiant l’épave de « Titanic de l’ancien monde ».
Parmi les objets remontés, les archéologues trouvent des bijoux, de la vaisselle, mais aussi une lance en bronze de près de deux mètres. Trop lourde pour être maniée, elle aurait fait partie d’une statue monumentale, peut-être un guerrier, ou la déesse Athéna.
Le 31 août (année non précisée, probablement 2016), une autre découverte vient relancer l’intérêt pour l’épave : des ossements humains, enfouis sous 50 cm de sable et de débris. Il pourrait s’agir d’un membre d’équipage, d’un passager ou d’un esclave. L’analyse de l’ADN pourrait apporter des éléments de réponse, une première pour une épave de cette époque.
Une énigme toujours en cours
Depuis plus d’un siècle, 378 pièces de valeur ont été extraites du site. Mais la zone à explorer reste vaste : les vestiges s’étendent aujourd’hui sur près de 300 mètres de fond marin. Cette dispersion alimente les hypothèses d’une deuxième épave ou d’une cargaison disloquée par la violence du naufrage.
Objet de fascination pour les chercheurs comme pour le grand public, l’épave d’Anticythère reste l’un des témoignages les plus précieux des échanges méditerranéens à la fin de l’époque hellénistique. Et chaque retour sur site semble confirmer que le navire n’a pas encore livré tous ses secrets.