
Un moratoire international et ses limites
En 1986, la Commission baleinière internationale (CBI) a instauré un moratoire sur la chasse commerciale à la baleine, dans le but de freiner le déclin alarmant des populations de cétacés, gravement affectées par des décennies de surexploitation. Ce moratoire, bien qu’ambitieux, n’interdit pas totalement la chasse. Il comporte en effet des mécanismes d’objection et des dérogations, permettant à certains États de contourner les restrictions imposées.
Certains pays, comme la Norvège et l’Islande, ont émis dès l’origine une objection formelle à la décision de la CBI. Cette démarche leur donne le droit légal de poursuivre leurs activités de chasse commerciale, qu’ils encadrent selon leurs propres quotas nationaux. La Norvège continue ainsi de chasser le petit rorqual en Atlantique Nord, tandis que l’Islande a maintenu la capture du rorqual commun et du petit rorqual. De son côté, le Japon a quitté la CBI en 2019, à la suite de longues controverses autour de ses campagnes de « chasse scientifique », jugées par beaucoup comme une couverture pour la chasse commerciale. Depuis son retrait, le pays a officiellement repris la chasse dans ses eaux territoriales et sa zone économique exclusive.
Dans tous ces cas, les autorités invoquent des motifs culturels, économiques et de souveraineté pour justifier la poursuite de la chasse à la baleine, malgré les nombreuses critiques émanant de la communauté internationale et des organisations de défense de la biodiversité.
Les principaux pays chasseurs en 2025
Japon
Depuis son retrait de la CBI, le Japon a intensifié ses activités de chasse à la baleine dans ses eaux nationales. En 2024, le pays a mis en service un nouveau navire-usine, le Kangei Maru. Ce navire de 9 300 tonnes est équipé pour transformer sur place jusqu’à 600 tonnes de viande de baleine, ce qui témoigne d’un investissement significatif dans cette filière. Le Kangei Maru cible notamment le rorqual commun (Balaenoptera physalus), une espèce classée vulnérable par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Malgré un déclin marqué de la consommation intérieure - la viande de baleine est passée d’environ 200 000 tonnes par an dans les années 1960 à moins de 2 000 tonnes aujourd’hui -, le gouvernement japonais soutient la filière. Il avance que la chasse est menée de manière durable, sous des quotas stricts, et qu’elle répond à une demande culturelle spécifique, notamment dans certaines régions où la consommation de viande de baleine fait partie du patrimoine culinaire.
Norvège
En Norvège, la chasse au petit rorqual (Balaenoptera acutorostrata) reste autorisée et pratiquée. Les quotas sont fixés de manière unilatérale par les autorités norvégiennes. En 2024, le quota s’élevait à 1 278 individus, bien que les prises réelles restent généralement en deçà. Ce décalage s’explique par une demande limitée sur le marché, des difficultés logistiques et des conditions de mer parfois défavorables.
La Norvège met en avant des arguments économiques (maintien de l’emploi dans certaines communautés côtières) et culturels (valorisation des traditions maritimes) pour justifier la poursuite de cette activité. Le pays soutient que les populations de petit rorqual dans l’Atlantique Nord sont suffisamment stables pour permettre une chasse durable.
Islande
L’Islande a autorisé la chasse à la baleine jusqu’en 2029, dans le cadre d’un plan de gestion encadré par des quotas annuels. Ces quotas concernent à la fois le rorqual commun et le petit rorqual. Toutefois, en 2025, pour la deuxième année consécutive, la chasse commerciale est suspendue. Cette décision repose sur plusieurs facteurs : une rentabilité de plus en plus incertaine, une demande faible tant sur le marché intérieur qu’à l’export, et une opposition croissante de la population islandaise, particulièrement sensible aux enjeux environnementaux et à l’image internationale du pays.
Le gouvernement islandais a indiqué qu’une réévaluation de la pertinence de cette pratique serait engagée à moyen terme, ce qui pourrait conduire à son abandon définitif.
Chasse de subsistance et traditions autochtones
Le moratoire de la CBI autorise des exceptions spécifiques pour la chasse dite de subsistance par les populations autochtones. Cette chasse vise à répondre à des besoins nutritionnels, culturels et spirituels dans des communautés pour lesquelles la baleine occupe une place centrale dans la vie quotidienne.
Parmi les pays concernés figurent le Groenland (territoire danois), les États-Unis, le Canada, la Russie et Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Ces chasses sont strictement encadrées, tant en termes de quotas que de méthodes, pour éviter toute pression excessive sur les populations de cétacés.
Aux États-Unis, la tribu Makah, située dans l’État de Washington, a obtenu en 2024 l’autorisation de chasser jusqu’à 25 baleines grises (Eschrichtius robustus) sur une période de dix ans. Cette décision repose sur la reconnaissance de droits ancestraux, validés au niveau fédéral et accompagnés d’un suivi scientifique rigoureux pour en assurer la durabilité.

Pressions internationales et conservation
La chasse à la baleine continue de susciter une vive opposition à l’échelle mondiale. De nombreuses ONG environnementales dénoncent sa persistance, considérant qu’elle n’a plus sa place dans un contexte de crise écologique mondiale. Des militants, tels que Paul Watson, fondateur de l’ONG Sea Shepherd, mènent depuis des décennies des campagnes directes contre les navires baleiniers.
En juillet 2024, Paul Watson a été arrêté au Groenland à la demande du Japon, en lien avec des actions menées en 2010 contre des baleiniers japonais. Cette arrestation a suscité une mobilisation internationale. Après cinq mois de détention, les autorités danoises ont refusé son extradition vers le Japon, invoquant des considérations juridiques et humanitaires. Cette affaire a relancé le débat sur les limites de la criminalisation du militantisme écologique, et sur la manière dont la justice internationale traite les conflits liés à l’environnement.
Le président français Emmanuel Macron s’est exprimé publiquement pour apporter son soutien à Watson, soulignant l’importance de défendre ceux qui s’engagent pour la protection de la biodiversité. Ce soutien symbolique a été relayé par d’autres dirigeants et ONG, contribuant à replacer la question de la chasse à la baleine dans le débat public mondial.
En 2025, la chasse à la baleine demeure une pratique résiduelle, limitée à quelques pays qui revendiquent le droit de la perpétuer. Elle se trouve à la croisée de plusieurs enjeux : souveraineté, traditions, économie locale, mais aussi protection de la biodiversité et évolutions des sensibilités sociétales.
Tandis que la majorité des nations ont renoncé à cette activité, le débat reste vif. Les efforts de conservation, les pressions diplomatiques et la mobilisation des citoyens jouent un rôle déterminant dans l’évolution de cette pratique. À long terme, la viabilité économique et l’acceptabilité sociale de la chasse à la baleine pourraient finir par peser plus lourd que les arguments culturels avancés par ses derniers défenseurs.
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