
Une attraction irrésistible
Difficile de nier l’attrait. Les cochons de Big Major Cay ont ce côté décalé qui fascine : les voir surgir dans l’eau, s’approcher des bateaux ou quémander de la nourriture amuse autant qu’il surprend. L’image est photogénique, presque absurde, et c’est précisément ce qui en fait sa force.
Pour beaucoup de visiteurs, l’expérience paraît unique : jouer avec eux dans l’eau, les approcher de près, rapporter un cliché "hors du temps". Mais cette proximité, loin d’être naturelle, résulte d’un entraînement progressif : les animaux associent désormais les humains à la nourriture, ce qui bouleverse complètement leurs comportements.
Une scène idyllique... mais artificielle
Contrairement à l’illusion donnée, ces cochons ne sont pas une espèce tropicale vivant en bord de mer. Ils ont été introduits par l’homme, l’origine varie selon les versions, et se sont adaptés car nourris quotidiennement par les visiteurs et les opérateurs d’excursion. Résultat : leur régime alimentaire est fortement modifié, reposant en partie sur des aliments touristiques parfois inadaptés.
Cette dépendance pose problème. Le nourrissage intensif favorise des désordres digestifs, attire les animaux trop près des bateaux, et renforce les comportements insistants voire agressifs lorsque la nourriture tarde. Plusieurs vétérinaires locaux ont déjà alerté sur la hausse des incidents liés à une alimentation mal contrôlée.

Quand la carte postale tourne à la dérive
Le succès de l’activité a entraîné des excès bien réels. Les cochons, en quête constante de nourriture, se regroupent près des lieux d’arrivée des bateaux. Certains ingèrent du sable en voulant attraper la nourriture à la hâte, d’autres tombent malades à cause d’aliments jetés à l’eau. L’augmentation du nombre de visiteurs entraîne également du stress, du bruit, des interactions maladroites et un risque de morsures.
Plusieurs décès de cochons ont déjà été signalés par le passé, obligeant les autorités bahaméennes à prendre des mesures : délimitation des zones d’accès, construction d’abris, recommandations sur le type de nourriture autorisée, surveillance vétérinaire renforcée. Mais malgré ces efforts, le tourisme intensif continue de peser sur leur bien-être.
Observer sans perturber
Rencontrer ces animaux attire la curiosité, mais leur présence ici n’a rien de sauvage. Pour profiter de l’expérience sans l’aggraver, certains opérateurs appliquent aujourd’hui des règles strictes : nourriture réglementée, distances à respecter, interdiction de forcer les interactions et rappel constant des risques.
L’approche la plus respectueuse reste d’observer les cochons depuis la plage ou le bateau, sans tenter de les toucher, de les attirer ou de les pousser à entrer dans l’eau. Ce sont eux qui décident du contact, ou non. Et paradoxalement, c’est souvent dans ces moments sans contrainte que la rencontre devient la plus juste.

Entre plaisir et responsabilité
Nager avec les cochons peut sembler anecdotique et ludique, mais l’activité soulève des questions essentielles sur notre rapport au vivant. Ce qui ressemble à une expérience "fun" masque un dérèglement créé par l’homme : des animaux dépendants de la nourriture, un écosystème modifié, et un tourisme qui doit être mieux encadré.
Avant de céder à la tentation du cliché parfait, mieux vaut privilégier les excursions responsables, suivre les règles établies et accepter de ne pas avoir la photo que tout le monde veut. Parce qu’au fond, la vraie bonne idée n’est pas de les faire nager, mais de s’assurer qu’ils vivent dans de bonnes conditions, loin des excès.
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