
Il était une fois Zodiac Nautic, dont les origines remontent à 1896 et à la « Société française de ballons dirigeables et d’aviation Zodiac », spécialisée donc dans la fabrication de ballons dirigeables à destination du gouvernement français mais aussi de l’étranger, pour un usage civil ou militaire, réservés soit à l’observation, à la protection ou à la météorologie. C’est dans les années 30 que s’écrit le premier chapitre des bateaux pneumatiques de Zodiac avec le développement de prototypes innovants, pour un usage militaire.
En 1934, l’ingénieur Pierre Debroutelle conçoit un canot pliable, motorisé, d’une maniabilité inédite pour l’époque. Sa forme en U, sa portabilité et sa capacité à supporter un moteur hors-bord deviennent rapidement des atouts décisifs. Ce modèle préfigure ce que sera le Zodiac : un bateau léger, démontable, stable et résistant, conçu pour répondre aux exigences opérationnelles les plus strictes.
Mais c’est au début des années 1950 que la marque accède à la notoriété mondiale, avec un épisode qui marquera l’histoire maritime : la traversée de l’Atlantique par Alain Bombard. En 1952, ce médecin-biologiste entreprend de relier les Canaries à la Martinique sur L’Hérétique, un Zodiac de série, sans vivres ni assistance. 113 jours de navigation expérimentale plus tard, il prouve non seulement la fiabilité du bateau, mais aussi son potentiel en matière de survie. L’impact médiatique est immense. Zodiac passe du statut de constructeur confidentiel à celui d’inventeur d’un nouveau type d’embarcation.


Du mythe familial à la conquête mondiale

Dans les années 60, les Français se passionnent pour un nouveau loisir : la navigation de plaisance. C’est alors que Zodiac fait son entrée dans l’univers civil. La conception de ses pneumatiques - compacts, faciles à transporter, insubmersibles - séduit les familles, adeptes du cabotage, ainsi que les plaisanciers les plus aguerris. Les campagnes publicitaires de l’époque insistent sur cette polyvalence : « Zodiac, le bateau qui sait nager » résume avec justesse sa nature amphibie et rassurante.

Le fabricant structure alors sa gamme autour de plusieurs modèles pensés pour les usages récréatifs : navigation côtière, plongée loisir, pêche, balades en famille. Chaque modèle conserve l’ADN technique de la marque - sécurité, stabilité, performance - tout en intégrant des équipements plus orientés vers le confort : banquettes, bains de soleil, consoles de pilotage, rangements intégrés. Le Zodiac devient un produit accessible sans compromis technique et s’impose dans l’imaginaire collectif comme un bateau sûr, innovant, et en avance sur son temps. Le succès commercial est immédiat. Des modèles comme le Medline ou le Futura, conçus dès cette période, rencontrent un succès durable et marquent une génération de navigateurs.

Zodiac devient également un vecteur de communication fort pour les expéditions, les tournages et les projets scientifiques. Il est utilisé sur les fleuves d’Amazonie, sur les rivières africaines, ou encore dans les missions polaires. Certains visuels d’archives rappellent l’étonnante polyvalence du bateau : un crocodile à l’ombre d’un Zodiac, un pachyderme à bord d’un modèle gonflable, ou encore un véhicule complet posé sur deux flotteurs. Ces scènes, à la frontière de l’insolite et de la démonstration technique, illustrent avec force la capacité du produit à s’adapter à toutes les situations.

Ce positionnement hybride - entre outil professionnel et compagnon de loisirs - permet à Zodiac de conquérir un marché international. Dès les années 70, l’entreprise exporte massivement, notamment vers l’Amérique du Nord, l’Afrique, l’Australie et l’Asie. Elle structure un réseau d’agents et de distributeurs, et développe une communication ambitieuse, tout en conservant un ancrage industriel fort en France.

Résistance et fiabilité, le savoir-faire Zodiac
Le succès de Zodiac ne repose pas uniquement sur la notoriété de la marque, mais sur une exigence constante en matière de qualité, de matériaux et de conception. Chaque modèle est pensé pour durer, évoluer dans des conditions difficiles et répondre à un cahier des charges précis, qu’il soit militaire, scientifique ou privé. La culture de l’ingénierie demeure au cœur du développement produit. Au fil des décennies, le constructeur continue d’innover, en intégrant des matériaux plus techniques (comme le Strongan™ ou le néoprène-hypalon), des planchers rigides démontables et des systèmes de flotteurs multichambres. Le concept reste inchangé : proposer une plateforme fiable, stable, simple à manœuvrer, capable d’évoluer sur toutes les mers du globe. Et si Zodiac est un incontournable dans la navigation de plaisance, c’est également le cas dans les milieux professionnels. Zodiac devient ainsi le bateau de référence des opérations de sauvetage côtières, mais également des expéditions en zones difficiles.

Zodiac aujourd’hui : entre puissance et modularité
Portée par son histoire et sa légitimité technique, Zodiac n’a jamais cessé de se réinventer. Aujourd’hui la stratégie est claire : conjuguer performance, confort et modularité, sans jamais renier l’ADN qui a fait sa réputation.
Au cœur de cette montée en gamme, la ligne Medline incarne parfaitement l’évolution du constructeur vers un univers plus sophistiqué. Pensés pour la croisière côtière, les Medline privilégient l’ergonomie, le design et l’expérience à bord. Le plan de pont est optimisé pour la détente : bains de soleil spacieux, sellerie haut de gamme, poste de pilotage complet, zones de vie distinctes. Le confort rivalise désormais avec celui des day-cruisers traditionnels, tout en conservant les atouts fondamentaux du semi-rigide : maniabilité, sécurité, consommation maîtrisée.
En parallèle, la gamme Open affirme son orientation sportive et polyvalente. Ces unités à la silhouette racée sont conçues pour une navigation dynamique, qu’il s’agisse de sorties à la journée, de plongée ou de ski nautique. Leur plan de pont dégagé, leur comportement marin et leurs équipements robustes en font des bateaux à la fois performants et évolutifs. La modularité reste au centre du cahier des charges : chaque utilisateur peut adapter sa configuration à son usage - de la console au leaning post, des assises aux coffres techniques.
L’approche industrielle a également évolué. La production intègre désormais des process plus durables, avec une attention particulière portée aux matériaux et aux consommations énergétiques. Zodiac travaille notamment sur des gammes hybrides et des motorisations électriques, en réponse aux contraintes environnementales croissantes et aux évolutions réglementaires. La recherche de légèreté et de résistance se poursuit avec l’exploration de nouveaux composites et de tissus techniques à haute longévité.
Zodiac a également renforcé sa présence sur les marchés extérieurs et s’adresse aujourd’hui à une clientèle internationale, experte, en quête d’embarcations performantes mais distinctives. Le design, plus soigné, s’accompagne de finitions personnalisables, de selleries sur mesure et de coloris contemporains. Le semi-rigide n’est plus un choix par défaut, mais une alternative haut de gamme assumée.


Quelques questions à... Florent Battistella, PDG de Zodiac
Figaro Nautisme : Vous avez repris la direction de l’entreprise il y a maintenant deux ans. Quelles ont été vos priorités dès votre arrivée ?
Florent Battistella : « Ma priorité a été de me reconnecter au terrain : aller à la rencontre de nos clients, passer du temps dans nos usines, comprendre le fonctionnement du marché, et surtout, saisir de l’intérieur ce qui fait la force de Zodiac, une marque aussi emblématique de cette industrie passionnante. Tout cela aux côtés de la nouvelle équipe de direction. Très rapidement, nous avons identifié nos axes d’action : replacer le client au cœur de toutes nos décisions, viser l’excellence en matière de qualité, et surtout, raviver l’esprit pionnier qui fait l’ADN de Zodiac. Nous avons défini une vision claire, avec les process nécessaires pour y parvenir.
Et bien sûr, l’innovation reste un pilier central. Zodiac est une marque avant-gardiste, forte d’un héritage exceptionnel. À nous de faire en sorte qu’elle conserve la place qui lui revient, celle d’un acteur de référence et d’un leader sur son marché. »
F. N. : Comment conjuguez-vous l’héritage technique de la marque avec la nécessaire modernisation de votre gamme ?
F. B. : « La technique est par essence en constante évolution. Ce qui importe, c’est de rester fidèle à nos racines tout en regardant vers l’avenir - voire en l’anticipant. À l’origine, Zodiac, c’est un ballon dirigeable. Et surtout, c’est l’histoire d’un homme visionnaire : Pierre Debroutelle, ingénieur aéronautique de génie, originaire de la Somme. Formé chez Zodiac, il fut l’un des rares Français à détenir les trois brevets de pilote d’aéronef - avion, sphérique et dirigeable - avec plus de 1 000 heures de vol et autant d’ascensions. En s’inspirant de la structure interne des dirigeables - une grande enveloppe contenant plusieurs compartiments secondaires - il eut l’idée révolutionnaire de transposer ce principe au monde maritime. Il crée alors un bateau doté de deux fuseaux gonflables de chaque côté, reliés par une toile centrale : le premier pneumatique est né. C’est cette vision audacieuse, cet esprit d’innovation et de rupture, qui continue aujourd’hui de nourrir l’ADN de Zodiac. Préserver cet héritage tout en l’adaptant aux exigences contemporaines, c’est précisément ce qui guide notre modernisation. »
F. N. : La durabilité est devenue un enjeu central. Comment Zodiac intègre-t-il l’éco-conception et les motorisations alternatives ?
F. B. : « Zodiac a été pionnier dans ce domaine. Dès 2018, nous avons lancé l’eJet, notre premier bateau électrique. Cela montre à quel point cette réflexion est ancrée chez nous depuis longtemps. Mais c’est un sujet complexe. Trois atouts fondamentaux du semi-rigide - son poids contenu, la densité d’énergie disponible à bord, et la simplicité du ravitaillement - sont directement impactés par le passage à l’électrique. Cela modifie en profondeur la nature même du concept de plaisance que nous défendons depuis des décennies. Mais nous sommes prêts, nos équipes y travaillent activement. En parallèle, nous poursuivons nos efforts sur l’amélioration de l’efficacité énergétique des motorisations thermiques, car le progrès ne peut être univoque. Il s’agit de faire évoluer l’ensemble de l’écosystème de manière cohérente, sans renier les fondamentaux qui font le succès du semi-rigide. »
F. N. : Vos gammes actuelles montrent une nette montée en gamme. Est-ce une stratégie assumée ?
F. B. : « Absolument. C’est une volonté claire. Le niveau d’exigence des utilisateurs a beaucoup évolué, comme dans l’automobile, où une voiture d’il y a 15 ans n’a rien à voir avec les standards actuels. Nos bateaux suivent cette même logique : confort, performance, équipements... Nous voulons offrir le meilleur de notre savoir-faire. »
F. N. : Quel est votre regard sur l’avenir du semi-rigide ? Quelles innovations peut-on attendre dans les années à venir ?
F. B. : « Le semi-rigide est aujourd’hui un produit très européen, mais son potentiel à l’export est immense, notamment en Amérique du Nord, où l’intérêt croît rapidement. D’autres marchés émergents, comme l’Amérique latine, l’Asie du Sud-Est ou encore certains pays d’Afrique, montrent également un fort attrait, ce qui ouvre des perspectives passionnantes pour la marque. Côté innovation, nos équipes fourmillent d’idées ! Nous travaillons sur des modèles toujours plus légers, plus accessibles, et pensés dès leur conception pour accueillir les nouvelles motorisations. Ce sont désormais des standards indispensables. Pour le reste... je préfère garder un peu de mystère. Mais les prochaines années seront passionnantes. »

Plus qu’un objet technique, le Zodiac incarne une vision de la mer : accessible, exigeante, moderne. Dès ses origines, il s’est imposé non pas comme un dérivé, mais comme une invention à part entière, donnant naissance à un nouveau segment du nautisme, celui des semi-rigides, aujourd’hui incontournables.
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