
Le Figaro Nautisme : Cette édition 2025 de la Rolex Fastnet Race marque-t-elle un tournant particulier dans l’histoire de la course ?
Manuela Mahier : Oui, cette édition 2025 marque un tournant important dans l’histoire de la Rolex Fastnet Race.
C’est d’abord une édition symbolique, celle du centenaire : peu de courses dans le monde peuvent se prévaloir d’une telle longévité. En 100 ans, elle a su conserver son exigence, son esprit et attirer toujours plus de participants.
Ensuite, c’est un tournant dans sa dimension : jamais la participation n’a été aussi forte, et la présence des classes professionnelles ne cesse d’augmenter. La Fastnet est aujourd’hui un véritable « Cap Horn européen » : une référence pour tous les marins, qu’ils soient amateurs passionnés ou skippers de haut niveau.
Enfin, cette troisième arrivée consécutive à Cherbourg-en-Cotentin ancre définitivement la course dans une nouvelle dynamique. C’est la confirmation que le Cotentin a su se hisser parmi les grands territoires de la voile en Europe.
Le Figaro Nautisme : La Rolex a 100 ans : que reste-t-il, selon vous, de l’esprit des pionniers ?
Manuela Mahier : La Rolex Fastnet Race a 100 ans, et pourtant, l’esprit des pionniers est toujours bien là.
Tout y est : le goût du large, le défi face aux éléments, la confrontation à une mer parfois rude, et cette envie de repousser ses limites. Certes, les bateaux sont plus rapides, plus technologiques, mais l’essence reste la même.
Chaque équipage, qu’il soit amateur ou professionnel, se rattache à cette histoire, à cette tradition.
Prendre le départ de la Fastnet, c’est marcher dans les pas de ceux qui, en 1925, ont imaginé cette course un peu folle à travers la Manche, la mer Celtique et l’Atlantique.
C’est une aventure humaine avant tout, avec ce même mélange d’humilité, d’engagement, et de passion.

Le Figaro Nautisme : Cette année, la dernière étape de l’Admiral’s Cup prend part à la Rolex. Est-ce pour vous un nouveau vecteur ? Une passerelle entre deux épreuves mythiques ?
Manuela Mahier : Oui, c’est clairement un gage de qualité pour la Rolex Fastnet Race.
Le fait que la dernière étape de l’Admiral’s Cup s’y intègre montre à quel point cette course est devenue incontournable.
Ce lien entre deux épreuves mythiques - la Fastnet et l’Admiral’s Cup - crée une passerelle naturelle, presque évidente.
C’est aussi une reconnaissance : la Rolex attire, rassemble, fédère.
Et cela confirme que la Fastnet est aujourd’hui bien plus qu’une course centenaire, c’est un véritable rendez-vous du haut niveau, un pilier du calendrier de la course au large.
Le Figaro Nautisme : L’internationalisation croissante de la flotte change-t-elle l’ADN ou renforce-t-elle l’aura de la course ?
Manuela Mahier : L’internationalisation ne change pas l’ADN de la Fastnet, elle le renforce.
Aujourd’hui, tout le monde veut participer à la Fastnet. Et ça se mérite.
C’est une course exigeante, emblématique, avec un parcours qui a tout d’un mythe : le Fastnet Rock, les conditions souvent engagées...
Plus la flotte se diversifie, plus la renommée de la course grandit.
C’est une reconnaissance à l’échelle mondiale. Venir courir ici, c’est cocher une case essentielle dans la vie d’un marin.
L’esprit des pionniers reste là, mais il rayonne plus loin que jamais.
Le Figaro Nautisme : Comment voyez-vous la Rolex dans dix ans ? Et plus largement, quel avenir imaginez-vous pour la course au large ?
Manuela Mahier : Dans dix ans, la Rolex Fastnet Race sera plus que jamais une course de référence.
Elle continuera d’attirer les meilleurs marins du monde, tout en restant ouverte à ceux qui, amateurs éclairés, veulent vivre une aventure unique.
On le voit déjà : la course en double s’est développée, les formats évoluent, et cela permet d’élargir la pratique.
Mais pour aller plus loin, il faudra continuer à attirer les jeunes, à leur donner les moyens de naviguer, notamment en équipage, pour qu’ils puissent apprendre, progresser, et s’inscrire dans la durée.
On le voit déjà il y a beaucoup de transmission du savoir-faire intergénérationnel.
L’avenir de la course au large passera par là :
o Rendre ces grandes épreuves accessibles,
o Valoriser le collectif autant que les performances individuelles,
o Et continuer à faire rêver, avec des épreuves spectaculaires, populaires, et responsables.

Le Figaro Nautisme : En tant que présidente, qu’est-ce qui vous rend le plus fière en 2025 ?
Manuela Mahier : En 2025, ce qui me rend le plus fière, c’est d’avoir réussi à embarquer tout un territoire autour de cette Rolex Fastnet Race.
C’est une vraie fierté, en tant que présidente, de voir aboutir un projet aussi ambitieux, porté collectivement. Derrière cette réussite, il y a un travail d’équipe remarquable, une énergie partagée entre les élus, les techniciens, les bénévoles, les entreprises, les associations... tous unis pour faire de cet événement un moment exceptionnel.
Voir le public revenir en nombre, sentir la reconnaissance des équipages, entendre que l’accueil à Cherbourg est devenu une référence : ce sont des marqueurs forts d’une édition réussie.
Et pour moi, c’est une immense satisfaction personnelle d’avoir pu fédérer, impulser, et contribuer à hisser notre territoire dans le cercle des grands rendez-vous de la voile internationale.
Le Figaro Nautisme : Si vous deviez résumer cette course en un mot, aujourd’hui, lequel choisiriez-vous ?
Manuela Mahier : Passionnante.
Avec passion et lucidité, Manuela Mahier dessine une vision de la course au large où l’esprit des pionniers reste vivant, mais ouvert sur le monde. L’édition du centenaire aura confirmé la capacité de la Rolex Fastnet Race à rassembler, innover et faire rêver, tout en ancrant Cherbourg comme un nouveau bastion de la voile internationale. Le sillage est tracé.