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La crise a durement secoué le yachting italien, traditionnellement leader sur le marché. Alors, pour se relancer, les chantiers Azimut tablent sur leur identité avec une campagne au slogan très simple : être italien.
Impossible de manquer les affiches colorées de vert, de blanc et de rouge hissées sur la façade du Palais des Festivals. Pour le lancement de leur nouvelle campagne marketing, au salon nautique de Cannes, les chantiers Azimut ont fait les choses en grand. « Au plus fort de la crise, nous nous sommes réunis pour nous demander ce que nous allions faire dans les trois ans à venir, se souvient Francesco Ansalone, directeur marketing. Nous savons bien que les Italiens n’ont pas une image très positive à travers le monde mais nous sommes aussi certains d’être les plus forts quand il s’agit de créativité et d’adaptation. Nous sommes passionnés par la beauté ! Nous avons donc décidé de défendre notre ADN. » La nouvelle orientation, 100% italienne, était lancée.
L’orthodoxie de l’italianité, c’est fini
Mais avant d’imprimer les affiches tricolores, l’équipe d’Azimut s’est lancée dans une réorganisation en fermant sa joint-venture en Turquie. Il ne reste à l’étranger que l’usine brésilienne qui permet de s’imposer sur un marché prometteur mais doté d’une barrière fiscale importante. Puis les équipes se sont penchées sur les finances en débloquant 29 millions d’euros pour des investissements répartis sur trois ans, à partir de janvier 2013. « Notre clientèle a changé, développe le directeur marketing. Avant, 65% de nos clients venaient d’Espagne, France, Italie, Croatie, c’était parfait. Le marché américain commençait à se développer mais avec des clients adeptes de ce que j’appellerais l’orthodoxie italienne. Désormais, les clients sont plus dispersés dans le monde – l’Europe ne représente que 25 à 30% des ventes - et ils souhaitent des bateaux adaptés à leurs exigences. » De façon simplifiée, les Brésiliens veulent plus d’espaces extérieurs, des frigos bars partout et des énormes barbecues. Le marché chinois a besoin d’une stricte séparation entre l’équipage et les passagers, et des salles de majong ou de karaoké à la place des cabines invités. L’entreprise a donc décidé d’adapter son entreprise. « L’idée était qu’avant de couper les coûts, pour traverser la crise, il fallait s’engager à être plus efficace, explique le directeur marketing. Il fallait gagner en productivité. » Aussi, le patron d’Azimut, Paolo Vitelli, a tenu à conserver intacte son équipe de recherche et développement - composée de 16 personnes depuis 2008 - malgré les plans de départs qui ont secoué l’entreprise. « Nous leur avons juste demandé de laisser la R&D au plus fort de la crise pour donner un coup de main à la production », concède le PDG.
La beauté ne fait pas tout
Mais comment légitimer une campagne uniquement basée sur l’identité italienne quand nombre de concurrents viennent également du pays en forme de botte ? Paolo Vitelli marque un temps d’arrêt. « Comment faire la différence avec les autres chantiers ? Je dois dire avec beaucoup de tristesse que la crise a coupé les jambes à beaucoup de nos concurrents. » Le discours, rôdé, s’illustre à quelques mètres de là seulement : les chantiers Ferretti sont en grande forme créatrice, avec deux nouveautés pour cette rentrée, mais leurs finances sont détenues à 75% par un géant industriel chinois. « Pour continuer à se développer, il faut trouver le juste équilibre entre beauté, technique et finances, poursuit Paolo Vitelli. Un client ne va pas vers les Italiens pour avoir le meilleur de la technique, il se dirigera plutôt vers les Allemands. Et la finance n'est pas essentielle pour le client... Mais elle nous permet de présenter nos modèles aux quatre coins du monde. Nous avons donc besoin des trois.» Sur le plan financier, le patron refuse fermement de coter son entreprise en bourse. « Cela nous gênerait pour nos visions à long terme, assure-t-il. Nous pourrions l’envisager uniquement pour récompenser nos dirigeants. » Et sa fille, destinée à lui succéder, est sur la même longueur d’onde. « Mais je crois que ce qui fait vraiment la différence aujourd’hui, répond le PDG. C’est le service. » La marque a ouvert 7 centres - Fort-Lauderdale, Hong-Kong, Shanghai, un au Brésil et trois en Italie, mais aussi bientôt un huitième à New-York – destinés à épauler et former les concessionnaires. Et pour laisser la fameuse empreinte italienne dans le service client, les commerciaux d’Azimut n’oublient pas de déposer un théâtral baisemain aux potentielles clientes.
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