
3) COMFORT
3.1 Du soleil et de la pluie protégeons-nous
Voici un sujet conflictuel avec le Chef de la cuisine. En effet dans la flotte du WARC nous n’étions que deux bateaux à ne pas avoir de bimini. L’autre était un XP 50. Comment ça, pas de bimini pour un tel programme tropical ? Vous êtes fou ! Voici les arguments contre le bimini à bord de PretAixte :
C’est laid.
C’est lourd.
Ça fait de la prise au vent aussi bien replié que déployé.
Ça peut être dangereux dans la forte mer.
Ça ne permet pas d’avoir une vue immédiate sur le ciel et les voiles.
Ça gêne la vue lors des manœuvres et à la barre.
Qui plus est, la capote du XC42 recouvre le cockpit très loin en arrière et protège ainsi deux personnes de la pluie comme du soleil, au mouillage comme en mer.
Pas de bimini donc mais un taud amovible.
Ce taud a suscité la curiosité et l’intérêt de nombreux navigateurs, certains sont même venus recopier les plans… Si cela vous intéresse, voici la description de cette toile étanche.
Le toit : est pris en avant sur l’armature postérieure de la capote, une latte jonc sur le bord d’attaque permet de déborder de la capote et rigidifie le tout ; en arrière une latte jonc là aussi rigidifie la chute, elle vient s’accrocher à deux tubes en aluminium de deux mètres de hauteur supportés par des portes cannes à pêche pris sur le balcon arrière. Quelques tendeurs en bout de 6, des crochets bien placés et le tour est joué.
Latéralement, sur les bordures on peut venir installer, par des fermetures éclair, des bavettes qui protègent la cabane sur les côtés.
Il est important que rien ne soit solidaire du gréement et du pataras en particulier.
En mer le tout est roulé et remisé sur une couchette inutilisée. A l’exception de la mer d’Araffura où nous l’avons déployé : cinquante heures de moteur sur une mer d’huile…
De plus comme cela a été évoqué dans le chapitre sur l’eau, ce taud peut être rapidement gréé en récupérateur de pluie, lui aussi indépendant du gréement.

3.2 Ventilons, ventilons... et démoustiquons
3 2.1 Ventilation extérieure
La ventilation extérieure des X-Yacht est en général bien conçue : tous les hublots de roof sont ouvrants, il y a des panneaux de pont généreux qui ouvrent soit vers l’avant, soit vers l’arrière, et, dans la version XC, deux manches à air en inox en arrière du mât. Tout pour être heureux dans le carré !
Dans les cabines arrières des hublots ouvrent dans le cockpit à l’abri de la capote. Là aussi c’est parfait.
Par contre en avant du mât c’est la désolation et l’humidité garantie dans le cabinet de toilette et la cabine avant, cela nécessite au mouillage en permanence d’avoir les capots entrouverts. Sous les pluies tropicales l’annexe, retournée sur la plage avant, permettait de ventiler sans être mouillé.
De retour à La Rochelle, pour améliorer définitivement le système, j’ai installé des aérateurs de pont Lewmar sur les panneaux de pont, ils remplissent parfaitement leur office et dispensent de réaliser des montages complexes de boites dorades. C’est parfaitement étanche à la mer même en position ouvert, sauf à voir la plage avant submergée. Même si vous pensez votre bateau bien ventilé, n’hésitez pas à percer vos plexiglass pour installer cet équipement avant que de partir pour les pays chauds !

Faire rentre l’air d’accord, mais pas les moustiques ! Là aussi il est bien de s’y prendre avant de partir que de lutter contre les bestioles à coup de bombe aérosol ou de ne pas avoir à créer des moustiquaires extérieures pour faire face à l’invasion. Une solution connue et efficace : les cassettes occultantes et moustiquaires Oceanair.

3 2.2 Ventilation intérieure
Remy nous avait prévenu de la nécessité d’installer des ventilateurs intérieurs. Il avait l’expérience des côtes brésiliennes au retour du Cap Horn Remy. Il a fallu se rendre à l’évidence et céder aux assauts du Chef, après tout elle n’avait pas de bimini !
LES VENTILATEURS DEVIENNENT VITE UNE NECESSITE. Aussi en Australie nous en avons installé un par cabine et deux dans le carré. La consommation électrique est faible et le confort, pour ne pas dire la santé, y gagnent vraiment.
N’achetez pas n’importe quoi. Dans l’Océan Indien un bidule chinois a commencé à prendre feu dans une cabine… Une marque fiable est le ventilateur Sirocco II distribué par Caframo, entreprise canadienne d’origine allemande. C’est du sérieux !

3 2.3 Ventilation « souterraine »
Les Galapágos ce n’est pas ce que l’on croit, et Tahiti non plus, l’air est tellement chargé d’humidité que les moisissures poussaient même dans le local informatique sous la table à carte. Ce placard chargé d’électronique est pourtant construit avec une louve pour l’aérer. Je devais cependant en laisser la porte entre-ouverte au repos pour chasser les filaments mycéliens...
En fait les bateaux de séries sont insuffisamment ventilés. Cette constatation vaut aussi pour les bateaux séjournant dans des zones tempérées… et humides, la façade océanique de la France par exemple.
TOUT LOCAL CLOS, AU CONTACT DIRECT OU COMMUNIQUANT AVEC LA COQUE OU LE PONT, EST CANDIDAT A LAISSER SE DEVELOPPER LA MOISISSURE.
Après le tour du monde ce ne sont pas moins de quatorze systèmes de ventilation « souterraine » que j’ai mis en œuvre : des cabines arrière à la cabine avant. Par systèmes je n’entends pas un simple trou mais parfois jusque cinq orifices à la scie cloche de 50mm pour faire circuler l’air dans un compartiment. Les trous à la scie cloche on peut s’en contenter quand c’est sous les planchers ou caché dans les équipets. Par contre quand cela est visible il faut avoir recours aux grilles de ventilation en inox (jusque 6 dans les vaigrages qui cachent les câbles) et aux louves en bois beaucoup plus esthétiques sur les menuiseries.
Il y va de notre santé mais aussi de celle du bateau. On a déjà évoqué les ventilations passives des réfrigérateurs ; mais aérer les câbles, les connexions, les systèmes électriques, l’électronique est une bonne sécurité contre la corrosion et les pannes. J’ai passé beaucoup de temps à étudier la circulation de l’air et les méthodes les plus adaptées avant de saisir la scie sauteuse et la scie cloche. Mais une fois le plan mis en œuvre : LÂCHEZ-VOUS, PERCEZ, PERCEZ, PERCEZ. Le résultat sera à la hauteur de votre détermination !

Enfin sujet récurrent de causeries avec le Chef : ce n’est pas tout de ventiler un local de rangement ou une cabine, encore faut-il laisser l’air circuler librement à l’intérieur. En d’autres termes ne pas « bourrer » les equipets et les coffres sous peine de voir tous les efforts de ventilation réduits à néant.
3.3 Déshumidification
Si vous déshumidifiez, les problèmes de moisissure se réduisent considérablement. Plusieurs bateaux du WARC avaient des climatiseurs. Interrogé sur l’utilité d’un appareillage somme toute coûteux et gourmand en énergie, Davide de Mieschief, le justifiait à son bord uniquement pour déshumidifier son Sun Odyssey 479. Explication recevable.
Moins coûteux, moins lourd, et très efficace les déshumidificateurs électriques portables peuvent remplir la même fonction. C’est ce que nous avons embarqué à notre retour à bord de PretAixte et le résultat rend maintenant cet appareillage indispensable.

3.4 Toujours propre
Avec la quête du gaz et du fuel, celle de la laverie est une des priorités en arrivant à l’escale. C’est donc un sujet qu’il ne faut pas minimiser ou négliger.
Laverie automatique, où vous faites la queue en lisant ou en papotant, laverie professionnelle où vous n’êtes pas sûr de retrouver votre linge dans son intégralité voire propre. Laverie à bord : le luxe.
Disposer à bord d’une machine à laver le linge est donc très utile et suscite de nombreuses jalousies.

D’accord il faut de l’eau et du 220 volts. Mais avec un groupe électrogène et un dessalinisateur, trente minutes et vingt litres d’eau suffisent au mouillage. Et à quai c’est comme à la maison ! Le Bonheur de la mère Denis !

3.5 Encore un peu de plomberie ?
Régler des problèmes de fuite de tank à eaux grises, de tubulure bouchée, de pompe à main inefficace, fait partie du lot commun du circumnavigateur. Rares sont les bateaux de notre flotte qui n’ont pas eu à faire face à ce genre de situation. Alors si vous préférez vous baigner dans l’eau turquoise plutôt que de patauger dans l’eau fécale voici quelques conseils avisés.
3.5.1 Contournez la législation, sans vannes trois voies
Niki à bord d’Aranui devait bien être le seul à avoir respecté l’interdiction de X-Yacht de ne pas avoir de rejet direct à la mer des toilettes de son XC45. Niki est respectueux de la loi, il est suisse ! Donc les toilettes d’Aranui se vident dans le tank à eau grise qui peut se vider secondairement à la mer. Il en a eu des soucis Niki avec son tank, et bien étonné qu’aucun de nous n’avait ce système. Nous avions tous fait installer une dérivation qui permettait d’extraire directement à la mer, ; la plupart du temps par le biais d’une vanne trois voies qui permet de choisir l’évacuation vers le tank ou la mer. Notre vanne trois voies d’origine chinoise bien que labelisée US a rendu l’âme après la traversée de l’Atlantique Nord. C’est peu.

Depuis le retour nous avons installé un système avec deux vannes synthétiques, sans métal, en lieu et place de ces fragiles trois voies. Voici le schéma qui nécessite un raccord en T et deux vannes en lieu et place du trois voies.

3.5.2 Des pompes à main
Adieu les mythiques toilettes « Black » qui duraient au-delà de la vie du bateau.
Terminé les increvables « Lavac » actionnés par une pompe de cale résistante et solide.
Il faut faire avec la « Jabsco » nouvelle série dont la longévité est largement inférieure à celle des séries antérieures.
Plutôt que de vous encombrer de couteux kits de remplacement, mieux vaut emporter deux blocs pompes de rechange, ce n’est guère plus cher et encore plus facile à remplacer !

3.5.3 De la tuyauterie
Là aussi le matériel moderne est bien moins fiable que l’ancien et les canalisations s’entartrent très rapidement. Si vous voulez éviter de faire comme Mark à bord de Mad Monkey, à savoir déposer toutes les canalisations, et les frapper avec un marteau pour faire tomber le calcaire, alors partez avec des tuyaux neufs ou ayant peu d’usage !
3.6 Dormir, enfin !
3.6.1 Du matériel
Comme il s’agit d’une activité essentielle à bord, il ne faut pas lésiner sur l’installation. Ce qui commence par la qualité et l’épaisseur de la mousse, et surtout de l’aération sous le matelas. D’une part la face inférieure du matelas ou du coussin de carré qui est utilisé comme couchette doit être perméable à la vapeur d’eau, et d’autre part la surface sur lequel il repose doit être aussi ventilée. Soit par des sommiers à latte, c’est le cas à bord de PretAixte dans la cabine avant, soit en interposant un dessous de matelas, plus il est épais, mieux c’est.

Toutes les couchettes à bord de PretAixte sont munies de toiles anti roulis, au portant c’est aussi Indispensable que le réchaud sur cardan. Les banquettes du carré aussi : cela fait deux très belles couchettes de quart.
La toile est en « mesh », le tissu des trampolines de cata, choisit là aussi pour son pouvoir de laisser passer l’air. Le bord inférieur de la toile est vissé le plus loin possible sous le matelas, le bord libre est rigidifié par une latte plate, les sangles s’accrochent avec du velcro sur les mains courantes : pas de trou, pas de métal. Grand confort hors quart.

3.6.2 Comment dormir ?
Puisque l’on parle de quart, parlons-en ! Et voici quelques vérités prouvées par les physiologistes, éprouvées par la pratique.
Les études récentes sur le sommeil ont démontré l’inanité des quarts glissants ou tournants, une fois les quarts fixés il faut s’y tenir, il n’y a pas d’égalité dans le sommeil ! On cale l’heure du bord sur l’heure solaire et, tous les 15° de longitude, vers midi et en faisant de l’ouest on retarde la pendule du bord d’une heure. On reste ainsi calé sur notre horloge biologique naturelle qui est la luminosité. Et chacun à bord suit son rythme propre.

Un cycle de sommeil varie de 60 à 110 minutes. Les quarts trop longs sont à éviter. D’autant plus qu’en équipage réduit, il faut absolument éviter d’être « cuit » à la fin de son quart si on doit être rappelé une heure après pour manœuvrer.
Dans la journée quand on entend le train arriver, il faut monter dedans et s’allonger.
Lire, jouer avec une tablette, taper sur un PC, écouter de la musique fatigue ! Lors de la traversée de l’Océan Indien nos deux jeunes équipiers Danois se plaignaient de fatigue après quatre jours de mer. J’ai dû avec beaucoup d’insistance les inviter à limiter drastiquement l’emploi de leur tablette pendant les quarts et en dehors. Efficacité garantie. Pour ma part lors de mes quarts, hormis la navigation à la table à carte qui prend plus d’une heure, je ne lis pas, je n’écoute pas de musique, et quand je sens le sommeil venir je me tiens debout dans le cockpit agrippé à la capote. On prend le temps d’observer la nature, sans prothèse.

Le sommeil « commando » est un don de la nature, mais peut aussi se travailler. Cela consiste à s’endormir profondément durant un quart d’heure à 20 minutes, c’est très réparateur.
Dans les coups durs les quarts d’une heure sont particulièrement efficaces. Le temps a forci, les conditions de visibilité ne sont pas bonnes, on traverse une zone fréquentée, il faut barrer : quel que soit la situation, nous passons au quart solitaire d’une heure. Quand nous ne sommes que deux à tenir le quart, le début est un peu éprouvant mais après deux cycles vous vous endormez comme une masse en botte et ciré dans le cockpit ou en bas de la descente ! J’ai adopté cette technique depuis 1998, j’avais lu qu’elle était pratiquée lors de la « Withbread round the world race » précédente. Dans le gros temps le barreur changeait toutes les heures voire toutes les 30 minutes. Paradoxalement on peut tenir très longtemps comme cela.
Le sommeil fonctionne comme un compte bancaire : il y a un solde ou une dette. Autrement dit si vous resté éveillé longtemps il faudra combler ce retard de sommeil en dormant beaucoup plus par la suite. J’avais estimé après la traversée de Jacaré à Grenade, 15 jours à deux, qu’il m’avait fallu cinq semaines pour retrouver un rythme de sommeil de terrien. A contrario, bien reposé vous pouvez rester éveillé et vigilant beaucoup plus longtemps dans des conditions difficiles.
A bord de PretAixte nous étions trois pendant les traversées, hors Panama/Galapagos et l’Indien. Le Chef qui nous régalait aux fourneaux était hors quart, nous étions donc deux à prendre les quarts de nuit. Et sur les sept mille milles parcourus en couple le Chef n’était plus hors quart …
Voici comment nous étions organisés la nuit à deux par quart de 3 et 4 heures.
Quart B : 18h-21h : Dîner, une heure de groupe électrogène pour l’énergie avant la nuit
Quart A : 21h-24h : Table à carte (météo, stratégie).
Quart B : 00h-04h : le quart le plus dur
Quart A : 04h-08h : Une heure de groupe électrogène, énergie et dessalinisateur après la nuit. Table à carte.
C’est tout pour la nuit : il est temps de dormir dans la journée, quel confort !!