Faut-il accorder la personnalité juridique aux mers et océans ?
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La personnification des éléments naturels peut surprendre. En droit français, ils entrent pour le moment dans la catégorie d'objets de droit et non de sujets de droit.
La personnalité juridique, corollaire du sujet de droit, est une création fondée sur le principe d’égalité civile entre tous les êtres humains. N’étant pas définie par le code civil, elle est traditionnellement considérée comme « une aptitude à être titulaire de droits et d’obligations ».
Le paradigme de la domination de l'homme sur la nature est très fort et exclut ainsi toute idée de personnification juridique de la nature, comme le montre le refus d'accorder la qualité de sujet de droit aux animaux (même si cette conception est depuis peu sujet à de fortes évolutions notamment par l'article 514-14 de notre Code civil qui reconnaît que les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité et plus étonnant le fait qu'en 2016 un Tribunal argentin ait reconnu la qualité de « sujet de droit non humain » à un chimpanzé).
Le renforcement de la protection de l'environnement passe par la reconnaissance de droits et devoirs environnementaux humains et non par la création de nouveaux sujets de droit. Au mieux, comme le montre la réparation du préjudice écologique, la nature est un intérêt digne de protection.
La question est donc de savoir s'il est opportun d'accorder une personnalité juridique aux mers et océans et si un tel paradigme a des chances de prospérer ?
L'Assemblée Générale des Nations Unies a consacré, par le biais d'une résolution de 2015, le réseau harmonie avec la nature pour promouvoir les droits de la nature. En ce sens, il n'est pas absurde de plaider pour la reconnaissance de la « Mer nourricière » pour veiller, ainsi que le préconise l'Accord sur le climat de Paris, à l'intégrité des écosystèmes, y compris les océans, et à la protection de la biodiversité.
Le frein ne semble pas juridique mais surtout sociétal. Les Etats sont-ils prêts à reconnaître cette nouvelle idéologie et à redéfinir le rapport homme/nature ?
Quel intérêt à reconnaître cette personnalité juridique ?
L'intérêt de cette reconnaissance est de permettre à la mer et aux océans d'agir en justice pour défendre et rétablir ses droits. Bien entendu, il convient de désigner des instances pour représenter les éléments devant le Tribunal comme une sorte d'actio popularis, autrement dit, tout citoyen pourrait défendre les droits des mers et océans et ainsi renforcer l'effectivité de ses droits.
Reste un frein non négligeable : comment démontrer une atteinte aux fonctions des mers et océans ? Comme déterminer le contenu des droits subjectifs qui seraient nouvellement accordées ?
La réflexion est ouverte...