La Transat Jacques Vabre, c'est un peu fort de café !
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De l’Histoire, tout d’abord. On peut rappeler qu’au 18e siècle il ne s’agissait pas d’aller directement au Brésil pour y acheter le café issu de plants que les colons Portugais avaient piqué quelques années plus tôt à la Guyane Française. La coutume de l’époque consistait à passer par l’Afrique pour y échanger des esclaves contre quelques-unes de nos pacotilles, de les emmener sur le continent d’en face pour les vendre au service des plantations, et de revenir vers Le Havre, les soutes chargées du précieux Arabica destiné à émoustiller nos papilles gustatives. Evidemment, la route de nos vaillants skippers s’affranchit de ces souvenirs peu reluisants et on oublie le commerce triangulaire pour ne garder que le goût de l’aventure, défi économique autrefois, défi sportif aujourd’hui, et le plaisir de l’arrivée à bon port.
De la Géographie ensuite, ou plus exactement de la route météorologique. Le triangle de l’époque répondait à des exigences météorologiques autant que commerciales. Les magnifiques trois-mâts, à la voilure carrée et à la coque plus effilée qu’un sabre, se laissait porter par les alizés le long du Portugal et des côtes africaines, jusqu’aux pays bordant le golfe de Guinée. De là, après avoir embarqué les esclaves, ils repartaient vers les côtes brésiliennes. Les conditions de vie au cours de cette étape était terriblement inhumaine parce qu’il fallait, avant de retrouver l’alizé de l’Atlantique Sud, traverser le Pot-au-Noir, cette affreuse zone aux calmes aléatoires et durables qui doit son nom au jeu du colin-maillard. Naviguer les yeux bandés en tentant d’éviter des obstacles dangereux, c’est ce qu’impose cette zone où l’on voudrait ne tomber ni dans les calmes ni sous les grains trop violents. Les grands voiliers pouvaient rester immobilisés des jours, peut-être des semaines, dans la chaleur et la moiteur tropicale. La traversée pouvait alors durer deux mois.
Aujourd’hui les performances des bateaux de course permettent de ne pas rester englué trop longtemps dans les « pétoles » et la route directe vers Salvador de Bahia permet de couper le Pot-au-Noir là où il est le plus étroit. La traversée ne dure alors que rarement plus de deux jours.
Le retour des « cargos sous voile » vers Le Havre, véritable route du café, passait par le nord des Açores pour récupérer des vents portants. Aujourd’hui les rôles sont inversés et nos fiers destriers sont eux-mêmes chargés à bord de cargo pour un retour sous cocon.
La Transat Jacques Vabre est une course fabuleuse… mais elle n’a que de lointains rapports avec la réalité des courses du 19e qui devaient transporter au plus vite des denrées périssables.