
Bientôt, les 15 skippers affronteront un temps aussi instable que le soleil breton. Nous retrouvons Yann Eliès au bureau des skippers, une petite pièce rapidement ensoleillée dans laquelle les concurrents étudient les derniers fichiers météo.
Comment voyez-vous le départ ?
Nous allons être cueillis à froid par des conditions difficiles mais l’avantage c’est que nous serons tous logés à la même enseigne ! Et puis généralement cela ne dure pas. Au bout de 24 heures, nous serons amarinés et nous pourrons commencer à savourer. Côté parcours, la rade de Brest devrait être assez physique et technique avec un cocktail "courant et rase-cailloux" à négocier. On va transpirer, on va avoir chaud... Et une fois arrivés au large, la mer va prendre le relais et il va falloir se changer, passer les polaires, les cirés, les combinaisons étanches. Ce sera le bon moment pour s’alimenter, peut-être dormir un peu, même si nous croiserons rapidement les premiers cargos.
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Vous connaissez-bien la rade de Brest. Est-ce un avantage ?
Oui, c’est un petit avantage mais je ne suis pas le seul. Dans les mecs qui connaissent bien Brest, il y a quand même Anthony Marchand et Gildas Morvan. Lorsque j’étais en sport-études à Kérichen, j’ai sillonné la rade en long, en large et en travers et elle me paraissait immense. Il faut dire qu’on naviguait sur des petits bateaux de 4,20 mètres. Maintenant elle me paraît plus petite: on la traverse assez rapidement finalement.
Que s’est-il passé pendant le prologue (dimanche 10 mars) ?
Avant de partir, je savais que je ne le gagnerai pas car je voulais reproduire le scénario de la Solitaire qui m’avait plutôt bien réussi. En 2012, j’étais en mesure de gagner le prologue mais comme je ne connais pas un seul skipper à avoir remporté cette course et son prologue, j’ai choisi de passer mon tour. Cela m’a plutôt bien réussi ! (ndlr : Yann Elies est le vainqueur de la Solitaire 2012). J’ai donc décidé de faire pareil sans que cela m’empêche de faire les choses correctement : partir devant pour montrer aux autres qu’on est en forme. Mon objectif est donc atteint. Bien sûr, cela serait emmerdant d’avoir 15 concurrents qui refusent de passer cette ligne d’arrivée en premier… Cela arrivera peut-être un jour ! (rire)
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Que vous reste-t-il à faire avant le départ ?
Je vais étudier la météo et vérifier tous les petits détails à bord. Parce qu’avec le vent qu’on va avoir lors la première nuit, il faudra tout avoir à portée de main. Ce ne sera pas le bon moment pour passer un quart d’heure à chercher les lingettes ou la lampe frontale ! Ce serait se fatiguer pour rien.
Arrivez-vous à trouver facilement le sommeil la veille du départ ?
Non, et le plus dur c’est de sortir du lit le matin ! Mon astuce c’est d’écouter la radio – je suis accro - et de mettre en place les différents trucs d’imagerie mentale que j’ai appris pour évacuer le stress. Et puis si l’on se couche finalement à minuit, on peut avoir l’impression d’être fatigué au réveil mais ce ne sera rien par rapport à ce que l’on va vivre ensuite !
Comment se passe le matin du départ ?
C’est la course. Le stress c’est de ne rien oublier de primordial comme la clef USB avec les données météo ou le sac de polaires. J’essaye de quitter les pontons dans les premiers pour laisser derrière moi les sollicitations médiatiques et l’émotion avec les proches. Je veux prendre mes marques et rentrer dans ma course tranquillement, tout seul. Je ne comprends pas les coureurs qui veulent partir avec leur préparateur ou avec des journalistes à bord. Pour moi c’est hors de question.
Sentez-vous monter la concurrence sur les pontons ?
Pas tellement. On sait qu’on va vers des conditions un peu velues, difficiles, et qu’on va les affronter côte à côte. Je vis cette course comme une belle histoire que nous allons vivre en commun. Après, c’est vrai qu’on y va pour la gagne mais cela se jouera sur l’eau, pas sur les pontons.
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Comment tenez-vous lors de coups durs sur l’eau ?
Je pense à la gagne et je veux pouvoir me dire en passant la ligne d’arrivée : je n’ai rien lâché. Ce qui est intéressant dans la course en solitaire c’est qu’on est face à ses propres qualités et défauts. A l’arrivée, on sait à 90 % pourquoi cela a marché ou échoué. Je crois que l’un de mes atouts est de ne rien lâcher, malgré les difficultés que j’ai pu rencontrer.
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