
Au petit matin trois bateaux se tenaient en une poignée de milles et bien malin qui aurait pu alors désigner un favori pour la victoire finale dans cette deuxième étape sur sept de The Ocean Race. Jusqu’au passage de la ligne en milieu de journée la tension a été à son maximum à bord de tous les bateaux. Car derrière le trio de tête qui naviguaient à vue, Malizia réussissait à reprendre 10 milles en deux heures, et le cinquième, Guyot Environnement était le plus rapide de la flotte. Comme souvent en mer dans le petit temps, « ça revenait par derrière ». Si vers 08h00 Team Malizia prenait officiellement la tête du classement, la position stratégique plus au Nord de ses trois opposants était en réalité plus avantageuse. Vers 11h00 c’est d’ailleurs le bateau le plus haut en latitude, Holcim-PRB, qui prenait l’avantage pour ne plus jamais lâcher la première place. Pourtant il reste encore une quinzaine de miles avant la ligne d’arrivée, le vent est faible, inférieur à 8 nœuds, la vitesse des bateaux est du même ordre, très faible pour des foilers capables de voler mais redevenus archimédiens dans cette brise anémique.

Le doublé pour Holcim-PRB
Alors que le vent monte à une douzaine de nœuds sur le coup de midi, Kevin Escoffier et son équipage font preuve d’une grande maîtrise tactique en restant toujours entre leurs adversaires et la ligne. Lorsqu’ils déclenchent leur dernier empannage ils ont réussi à de bâtir un petit matelas d’avance de deux milles sur 11th Hour et Biotherm. Il n’y aura pas de renversement de situation et Holcim-PRB passe la ligne en tête à 13h11 UTC. C’est une deuxième victoire pour le bateau battant pavillon Suisse dont l’équipage très international toujours mené par Kevin Escoffier, était sur cette étape, composé du Britannique Sam Goodchild, de l’Allemande Suzann Beucke, du Français Tom Laperche et de la Néo-Zélandaise Georgia Schofield en reporter embarquée. L’ayant déjà emporté à Mindelo au Cap-Vert, le bateau vert et bleu conforte son avance au classement général avec dix points marqués sur dix possibles avant de s’attaquer au Grand Sud.

Un rythme de Figaro planétaire
D’autant plus que derrière, après un mano à mano incessant jusqu’au pied de Table Mountain, c’est finalement Biotherm qui s’est emparé de la deuxième place. Et si Paul Meilhat et ses équipiers arrivent moins de 17 minutes derrière le vainqueur, ils devancent les Américains d’11th Hour Racing Team de seulement 9 minutes sur la ligne. Ce n’est pas l’épaisseur du trait à l’échelle d’une course autour du monde. Team Malizia termine quatrième, à moins de deux heures des deux premiers bateaux, et Guyot Environnement Team Europe ferme la marche une heure et quarante minutes derrière les Allemands. Il est à noter que ces deux derniers bateaux naviguaient sur cette étape sans leurs skippers titulaires, Boris Hermann et Benjamin Dutreux. Leurs équipages n’ont pas démérité loin de là pourtant. L’audacieuse option Est à l’équateur de Guyot Environnement l’a porté un temps en tête du classement et Team Malizia a tenté jusqu’au bout de passer le trio de tête. Mais cette course autour du monde semble être partie pour se jouer avec l’intensité d’une solitaire du Figaro et aucune erreur n’est permise à ce niveau. Cela promet pour la prochaine étape qui verra les cinq Imoca quitter l’Afrique du Sud pour rallier directement Itajai au Brésil sans s’arrêter en Australie ou en Nouvelle-Zélande comme cela a pu être le cas par le passé. Non, arrivés au Sud de l’Océanie ils fonceront directement vers le mythique et redouté Cap Horn, pour au final parcourir plus de 12 750 milles nautiques (distance théorique) sans escale, plus longue étape jamais disputée. Un véritable marathon qui pourrait bien se courir au rythme d’un sprint. Pour gagner le Vendée Globe Titouan Lamazou disait qu’il fallait « partir vite, accélérer au milieu et sprinter sur la fin », Kevin Escoffier semble appliquer le conseil à la lettre sur The Ocean Race. Menés à fond en équipage, jusqu’ici les Imoca tiennent, et si cela se confirme arrivés au Brésil, on a hâte de voir un plateau encore plus conséquent lors de la prochaine édition.