America’s Cup, une réglementation extrêmement complexe qui tient en une seule page…

1851 : Le bateau américain nommée America remporte la coupe des 100 guinées en Angleterre. A peine rentrés aux pays, les armateurs du bateau vainqueur offrent la coupe au Yacht Club de New York assortie d’un acte de donation sous la forme d’une simple lettre : le Deed of gift. C’est, aujourd’hui encore, ce document qui régit la coupe de l’America…

1851 : une victoire et un don…

Cinq membres du New York Yacht Club, dont le Commodore John Cox Stevens en personne, décident de faire construire un bateau pour afficher le savoir-faire américain lors d’une régate organisée en Angleterre par le Royal Yacht Squadron à l’occasion de la première exposition universelle de Londres. Vainqueurs, ils empochent la récompense, une coupe en argent dénommée « Coupe des 100 guinées ». De retour à New York, les copropriétaires du bateau organisent un grand dîner pour fêter leur victoire. Le 1er octobre 1851, tout le gratin new-yorkais se retrouve donc à l’Astor House. C’est là que Stevens annonce officiellement faire don de la coupe au New York Yacht Club…

L’acte de donation original perdu !

Il faut pourtant attendre mai 1852 pour que l’acte de donation officiel, sous la forme d’une simple lettre signée par George Lee Schuyler, un des copropriétaires d’America, soit enfin envoyé au Yacht Club et à son commodore. Mais, quand en 1857 ce dernier décède, les recherches pour retrouver la fameuse lettre restent infructueuses. L’acte de donation original est perdu !

Heureusement, Schuyler a conservé une copie de sa lettre. Le 9 juillet 1857, il remet donc une copie de l’acte de donation qui est acceptée par le New York Yacht Club. La coupe prend alors officiellement le nom de « coupe de l’America », en souvenir du bateau vainqueur. Le dépositaire de la coupe invite tous les yachts clubs à venir tenter de leur ravir le trophée : ils répondront à tous les défis, comme spécifié dans l’acte de donation…

Une seule règle prévaut, la compétition entre les nations se doit d’être « amicale » et le vainqueur accepte de remettre la coupe en jeu au moindre défi…

Deed of gift n°2 : en mer et contre les Canadiens…

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George Lee Schuyler, l’un des cinq copropriétaires de la goélette America est le rédacteur principal des trois versions de l’acte de donation.

Le quatrième défi de 1881 a été sans intérêt. Le bateau Canadien Atalanta dirigé par Alexander Cuthbert, est arrivé sur la ligne de départ alors qu’il n’était quasiment pas fini et absolument pas préparé pour la compétition. Le « defender » avait dépensé, lui, des fortunes pour armer un bateau et garder « sa » cup à New York. Pour éviter que cela ne se reproduise, le Yacht Club de New York demande à George Lee Schuyler, le dernier des copropriétaires originaux d’America encore en vie, d’amender le « Deed of Gift », l’acte de donation. Daté du 2 janvier 1882, de « Deed of Gift » n°2 propose donc de nouvelles règles, dont une de nationalité – le bateau « compétitif » doit être construit dans le pays du yacht club lançant le défi – ce même yacht club devant organiser tous les ans une régate en mer ou sur un bras de mer, donc sujet aux marées… Le défi doit être lancé au moins six mois avant la régate et un navire ayant déjà échoué dans sa tentative de remporter la coupe de l’America n’a plus le droit de concourir à nouveau pendant deux ans ! De son côté, le New York Yacht Club doit maintenant nommer un seul et unique bateau en tant que « defender ».

Cet acte numéro deux ne perdurera que pour trois défis.

Un troisième “Deed of Gift”

1887 : panique du côté de New York. Le « challenger a conçu et construit son bateau Thistle dans le plus grand secret. Il est de plus dessiné par un architecte réputé à l’époque, Scotsman George Lennox Watson et il est bien plus grand, et donc potentiellement plus rapide que le « defender » américain. La « Cup » pourrait bien être perdue à l’issue de ce défi. Pour éviter tout risque, le New York Yacht Club ressort George Schuyler qui d’un trait de plume et après avoir mesuré le « defender » lui assène un handicap supplémentaire. La coupe reste à New York, mais une troisième version du « Deed of Gift » est rédigée – toujours sous la supervision de Schuyler, cette fois-ci en termes légaux, reprenant toutes les dispositions précédentes et en ajoutant l’obligation pour le « challenger » de fournir de nombreuses informations sur son bateau… au moins dix mois avant la compétition. Il y est aussi précisé que le bateau « challenger » ne peut avoir une taille plus grande que celle du « defender ».

La colère gronde du côté des « challengers » potentiels qui contestent les nouvelles règles trop avantageuses pour le « defender ».

Il faudra attendre la médiation du comte de Dunraven entre le New York Yacht Club et le Royal Yacht Squadron anglais pour calmer les esprits. Une médiation qui durera de 1889 à 1892, la compétition reprenant finalement en 1893. C’est encore sur les bases de cet accord que la coupe de l’America est gérée aujourd’hui.

Des amendements mineurs

Après la seconde guerre mondiale, le coût des bateaux de la « classe J » est devenu tellement exorbitant que même les plus grandes fortunes de l’époque n’osent plus lancer de défi au New York Yacht Club. En 1956, soit 19 ans après la dernière « Cup » de 1937, un amendement est ajouté au « Deed of Gift » et validé par la cour suprême de New York pour autoriser la compétition à des bateaux plus petits, les fameux 12m JI. Et surtout, il n’est plus nécessaire d’arriver sur le lieu de la compétition par la mer, en navigant. Une nouvelle règle qui permet, notamment, aux Australiens de lancer un premier défi en 1962 et de revenir et revenir encore jusqu’à leur victoire de 1983…

Avec cette victoire, le « Deed of Gift » est à nouveau modifié, puis validé par la cour suprême de New York, pour autoriser la compétition pendant l’été austral de l’hémisphère sud.

Des questions et un recours à la cour suprême de New York

Rédigée en termes juridiques en 1887, la troisième version de l’acte de donation reste floue sur de nombreux points, laissant place à des interprétations et des conflits – réglés devant les tribunaux - qui ont émaillés l’histoire de l’America’s Cup depuis 1851. Le document étant enregistré à la New York Supreme Court à Manhattan, c’est cette juridiction qui doit, à chaque fois, donner son interprétation et valider, ou pas, un défi, une victoire, une contestation…

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Une question sur le « Deed of Gift » ? La cour suprême de New York est la seule à pouvoir interpréter le document original… (© NYC

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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