Quelle stratégie pour la suite ?

Par Figaronautisme.com/Vendée Globe

Alors que débute la 5e semaine de ce Vendée Globe, les défis qui s’annoncent sont nombreux. En tête de course, Charlie Dalin (APIVIA) et Thomas Ruyant (LinkedOut) doivent décider de leur stratégie avant d’affronter un front conséquent à partir de demain. D’autres, comme Louis Burton, sont déjà face à un autre front ce lundi matin. Loin de là, quatre skippers ont passé le Cap de Bonne-Espérance hier et savent que la suite s’annonce particulièrement corsée.

Il n’y a pas que l’aventure qui fascine à suivre ces marins traverser les mers du globe. Il y a aussi l’obligation à faire face seul à l’adversité, à devoir s’adapter en permanence et à faire des choix. C’est l’une des plus belles allégories que peuvent offrir les femmes et les hommes de mer. Comme de nombreuses personnes qui se réveillent en ce lundi matin : le salarié face à ces tâches, le chef d’entreprise face à ces décisions, l’étudiant face à sa copie et l’artiste face à la feuille blanche… En course au large, la décision s’appuie sur le concret - des fichiers météorologiques à télécharger à intervalles réguliers – et sur ce qui est moins perceptible mais tout aussi déterminant : l’expérience et le fameux « sens marin ». Ça tombe bien, tous vont devoir en faire preuve dans les prochaines heures.

"Trouver la trajectoire la plus ‘safe’ possible" (Ruyant)

Chez les leaders d’abord. Sur le papier, la situation est inchangée : ce matin, Charlie Dalin mène de plus de 200 milles sur Thomas Ruyant. Les deux hommes progressent actuellement devant un front. Et ça va vite : 21 nœuds pour APIVIA dans les dernières quatre heures, 16,6 nœuds pour LinkedOut puis plus de 25 nœuds à 5h pour LinkedOut. C’est dans ces conditions que Thomas Ruyant a répondu aux vacations ce matin. "Ce sont des navigations assez ‘sport’ et il faut réussir à vivre à ces vitesses-là". Mais Thomas se réjouissait, malgré les conditions "assez toniques" de ne plus être "dans un temps à grain" et dans une mer chaotique comme ces derniers jours.

Pour les hommes de tête, il y a donc un choix qui s’impose. Thomas Ruyant explique : "cela fait plusieurs jours qu’on voit qu’une dépression se creuse au long du front et qu’elle se renforce. J’essaie de trouver la trajectoire la plus ‘safe’ possible, d’adapter ma vitesse en fonction de l’endroit où je veux passer". Sa stratégie ? Prendre une option conservatrice en "passant au nord pour éviter le noyau de houle le plus fort". Les prévisions météorologiques font en effet état de plus de 35 nœuds au cœur de cette dépression qui devrait balayer l’île Amsterdam, un caillou français de 55 m2 au cœur de l’océan Indien.

Avant même de s’interroger sur la façon de gérer ce front, certains bataillent actuellement dans du vent très fort, à l’image de Louis Burton situé plus au sud que Charlie Dalin et Thomas Ruyant. Bureau Vallée 2 progressait en effet dans 30 nœuds de vent au petit matin, tout comme Maître CoQ IV (Yannick Bestaven). Derrière le premier groupe de tête composé de 11 skippers, le duo Romain Attanasio (PURE-Best Westernâ Hotels & Resort) – Clarisse Crémer (Banque Populaire X) a retrouvé depuis hier des conditions bien plus propices avec 15 à 20 nœuds de vent (ce qui leur a permis de parcours près de 390 milles durant les dernières 24 heures).

Un quatuor, un cap et des questions

Plus loin, quatre mousquetaires ont franchi le cap de Bonne-Espérance hier : Alan Roura (La Fabrique), Armel Tripon (L’Occitane en Provence), Stéphane Le Diraison (Time for Oceans) et Arnaud Boissières (La Mie Câline - Artisans Artipôle). Mais le vent manque cruellement et aucun des quatre ne parvenait à avancer à plus de dix nœuds. "Avoir autant de démêlés avec un anticyclone, c’est incroyable", soupirait Stéphane Le Diraison à la vacation. Il en a profité pour faire quelques réparations (notamment pour résoudre un problème de hook), recharger les batteries et surveiller une dépression venue de Port-Elizabeth. "Elle ne me plait pas du tout : les prévisions font état de plus de 50 nœuds en rafale avec des vagues de plus de 6 mètres".

Encore une fois, il faudra faire un choix et ce n’est pas le plus évident, d’autant que la marge de manœuvre, en longeant la ’ZEA’, est particulièrement ténue. Stéphane Le Diraison dresse le tableau en trois scénarios : "soit on ralentit pour laisser passer la dépression, soit on se décale au nord, soit on file dedans si le vent est plus maniable". Le skipper de Time for Oceans s’est déjà positionné un peu plus nord qu’Alan Roura et Armel Tripon. "Ce sont vraiment des décisions très délicates. Le compétiteur en toi te dis de ne rien lâcher, mais le marin préconise d’attendre pour ne pas casser le bateau… C’est un sacré duel dans mon cerveau !"

Beyou, le choix de la résistance

Pendant ce temps, à plus de 900 milles de là dans l’Atlantique sud, le 3e et dernier groupe s’accroche. Les vitesses sont disparates à l’image ce matin de Fabrice Amedeo (17 nœuds, Newrest - Art & Fenêtres), d’Alexia Barrier (8 nœuds, TSE – 4myplanet) ou encore de Jérémie Beyou (15 nœuds). Pour le skipper de Charal, il est aussi question de choix. Il y a celui qu’il vient de faire, à savoir de filer plus au sud malgré une route plus longue. Et il y a celui qu’il a déjà fait : reprendre la route après un demi-tour aux Sables-d’Olonne, accepter d’être loin de la bataille pour la gagne et d’être toujours englué dans l’Atlantique Sud.

"Je ne le cache pas, ça n’a pas été évident", confie-t-il au petit matin. Les mots sont simples, l’émotion prégnante, la clairvoyance toujours là. "Au début, je n’arrivais pas à manger, c’était dur mais jour après jour, j’essaie de ne pas trop angoisser, de me concentrer sur la glisse du bateau". Le déclic ? "Quand je suis reparti, la fenêtre météo qui paraissait favorable s’est bouchée devant moi, la route est devenue compliquée. Là, c’est mieux, je me rapproche de ceux qui sont devant, ça fait du bien au moral". Ainsi donc face aux choix sur l’océan, il y a toujours un juge de paix : la météo et ses turpitudes. De quoi offrir une autre allégorie, celle de la place forcément modeste que l’Homme doit avoir face à la Nature.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…