Le Vendée Globe : véritable Everest des mers

Le Vendée Globe est l’un des plus difficiles défis que l’on puisse tenter et surtout réussir. Ils ne sont que 200 concurrents à s’y être risqués jusqu’à présent et seuls 114 ont réussi à faire le tour du monde par les trois caps en course, en solitaire, sans escale et sans assistance. D’où le surnom de la course : L’Everest des mers…

Le Vendée Globe, plus difficile que de gravir l’Everest ?

L’Everest est le plus haut sommet sur terre : 8848m. Plus de 28 000 alpinistes l’ont gravi depuis la première en 1953. La plupart de ces réussites date du boum du tourisme de montagne au début des années 2000, avec un taux de réussite des deux tiers. On est très loin du Vendée Globe et de ses 114 « finishers » avec un taux de succès de 57% seulement… Oui, escalader l’Everest est donc, plus facile que de se lancer dans un Vendée Globe ! Tout du moins en termes de statistiques. Et pour finir de vous convaincre de la difficulté de ce challenge, il faut se rappeler qu’à la fin des années 60, 12 hommes avaient marché sur la Lune tandis qu’un seul avait fait le tour du monde en solitaire et sans escale. Quant aux humains qui sont allés dans l’espace (680), ils sont bien plus nombreux que ceux qui ont osé se frotter au parcours du Vendée Globe, définitivement une course extrême…

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Pour venir à bout d’un Vendée Globe, il faut accepter l’idée de partir… longtemps. Le record de l’épreuve est, depuis 2017 de 74 jours. © Olivier Blanchet / DPPI / Vendée Globe

Un règlement qui explique la difficulté du Vendée Globe

Pour quelles raisons est-il si difficile de venir à bout du Vendée Globe ? Les causes sont multiples, bien sûr. Le parcours emmène les marins dans les coins les plus reculés, 40° rugissants, 50° hurlants, 60° mugissants. Ces seuls noms font froid dans le dos. La durée de course est tout aussi hors normes : 74 jours pour le record de l’épreuve, 100 à 150 jours pour la plupart des concurrents. Et que dire de la météo ? Les systèmes rencontrés pendant la course sont complexes et entrainent des conditions particulièrement compliquées.

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Au départ, comme à l’arrivée, le Golfe de Gascogne est particulièrement redouté par les marins du Vendée Globe. © Marine Nationale / Nefertiti / Vendee Globe

Mais la première raison de la difficulté de cette course est à chercher dans son règlement. Les marins doivent faire le tour du monde en passant par les trois caps (Cap de Bonne-Espérance, Cap Leeuwin, Cap Horn) qu’ils doivent laisser à bâbord au départ des Sables d’Olonne. Un parcours à réaliser en solitaire, sans escale et sans assistance. C’est l’ADN de la course. Un marin, un bateau et le tour du monde. Il peut bien sûr y avoir des exceptions à ces règles : notamment en cas de naufrage d’un navigateur dont la survie dépend alors exclusivement des autres concurrents. Des sauvetages entre coureurs, c’est arrivé plusieurs fois dans l’histoire de la course. Pete Goss a recueilli Raphaël Dinelli lors de la troisième édition et l’a déposé en Nouvelle-Zélande. En 2009, Jean Le Cam a embarqué sur le bateau de Vincent Riou après avoir chaviré au large du Cap-Horn. Lors de la dernière édition (2020/2021), c’est le même Jean Le Cam qui a retrouvé Kévin Escoffier dans son radeau de survie et l’a pris à son bord avant d’être récupérer par un bateau de la Marine Nationale. Mais à ces rares exceptions, il faut donc être seul à bord pendant la totalité de la course !

Toute escale est interdite. La seule étant autorisée est de revenir aux Sables d’Olonne dans les 10 jours suivant le départ. Michel Desjoyeaux avait pris cette décision en 2008. Il était reparti avec près de deux jours de retard sur ses concurrents avant… de l’emporter ! Les navigateurs n’ont pas le droit de faire escale dans un port mais sont autorisés à s’arrêter et à mouiller dans une crique à condition de ne pas mettre pied à terre au-delà de la limite de l’estran (la limite de la marée haute). C’est ainsi qu’Yves Parlier a reconstruit son mât en 2000. Plusieurs marins ont ainsi pu faire une pause de quelques heures pour réparer et – par exemple – monter en tête de mât comme Marc Guillemot en 2008/2009.

Sans assistance : une règle claire ?

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« Il ne peut y en avoir qu’un »… à bord, sauf dans le cas, bien spécifique, du sauvetage d’un concurrent (Kevin Escoffier) par un autre (Jean Le Cam), comme ici lors de l’édition 2020/2021. © Kevin Escoffier / PRB

Le dernier point du règlement est le plus compliqué à contrôler aujourd’hui. En 1989, au moment de la création de l’épreuve, cela semblait clair dans l’esprit de tous : on ne doit compter que sur soi pendant toute la course. Chaque marin s’engage solennellement avant le départ à ne pas déroger à cette règle constitutive de la course. Le routage météo est interdit : chaque navigateur reçoit des fichiers permettant d’établir – seul – la meilleure route possible en fonction des conditions météos. En cas d’avaries ou de problèmes sur le bateau, les marins ont le droit de consulter l’architecte du bateau ou l’équipe technique pour trouver le meilleur moyen de réparer. Mais ils doivent mettre cette réparation en œuvre seuls et avec les moyens du bord. Ils n’ont pas le droit d’accoster un autre bateau, personne ne peut monter à bord. Ils ne peuvent évidemment pas recevoir des pièces ou même de la nourriture s’ils viennent à en manquer. Ce serait assimilé à de l’assistance et elle est interdite. Yves Parlier, après sa réparation de fortune en 2000/2001, a ainsi fini la course… en mangeant des algues, car il était à court de nourriture ! Vous avez dit extrême ?

Le souci est que les communications ont très largement évolué depuis 1989. Les marins peuvent appeler à terre en toute discrétion et envoyer et recevoir de nombreux messages et fichiers. Comment être certain qu’ils n’en profitent pas pour se faire aider au-delà de ce qui est permis ? Clarisse Crémer s’est ainsi vue accusée d’avoir reçu l’aide de son mari – Tanguy Le Turquais, lui-même coureur au large – lors de l’édition 2020/2021. Elle a été blanchie de ces accusations (voir ici). Il n’en reste pas moins que le règlement va forcément devoir évoluer sur ce sujet épineux pour les prochaines éditions pour éviter les accusations (et les recours inévitables).

Vendée Globe : un parcours littéralement en dehors des normes

24 300 milles, soit 45 000 kilomètres : c’est la distance à parcourir en théorie partant des Sables d’Olonne pour y revenir en passant par les trois caps. La réalité est bien sûr différente et certains concurrents ont dû, pour boucler le parcours, naviguer près de 52 000 km. Mais la distance à couvrir n’est pas la seule difficulté. Le parcours passe par les coins les plus malfamés de la planète, à commencer par le golfe de Gascogne. A peine partis, en plein automne (le départ de la dixième édition a lieu le 10 novembre), les marins se jettent dans l’un des bassins de navigation les plus dangereux au monde. Les dépressions s’y succèdent les unes après les autres et entraînent des vagues monstrueuses pouvant atteindre 6 à 8 mètres. Le vent tempétueux et la remontée rapide des fonds marins font de la zone à cette période un véritable danger pour la navigation. Et c’est dans ce chaudron que les navigateurs solitaires sont cueillis à froid dès le départ. Une zone qui est en plus très fréquentée par de nombreux navires avec un risque de collision important. Et le tout, après plusieurs semaines de sollicitations importantes sur le village de la course. Cela explique les nombreux abandons constatés dès le départ sur la plupart des éditions mais aussi pourquoi le règlement permet de revenir aux Sables d’Olonne pour réparer… La suite du parcours n’est pas beaucoup plus reposante, puisqu’il faut en passer par le Pot au Noir où alternent les grains violents et les calmes absolus. Un passage épuisant. Après avoir contourné l’anticyclone de Sainte Hélène, les solitaires plongent dans le Sud et les fameux 40° rugissants, 50° hurlants voire 60° mugissants. Les vagues gigantesques – elles ne rencontrent aucune terre autour de l’Antarctique – et les vents violents poussent les bateaux dans les zones les plus inhospitalières pour des bateaux à voile de seulement 18 mètres de longueur. Atlantique Sud, Indien, Pacifique ; caps de Bonne Espérance, Leeuwin puis Horn, la longue route dans le froid, l’humidité et l’inconfort des bateaux de course est la partie la plus difficile psychologiquement et humainement. Les plus rapides passent un mois complet dans les mers du Sud, les plus hostiles et sauvages que l’on puise rencontrer. Le passage du Horn par 55° Sud est une libération. La remontée de l’Atlantique n’est pas sans danger ni risque de coups de vent, mais on rentre vers la maison, enfin !

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Lors d’un Vendée Globe, les avaries se cumulent sur les bateaux, comme ici sur le Seaexplorer de Boris Hermann. Il faut pouvoir réparer et continuer, seul et sans assistance. © Olivier Blanchet/Alea

Une course qui dure… plusieurs mois !

Le règlement et le parcours ont une conséquence simple et… terrible : la course dure longtemps. Le record de l’épreuve est de 74 jours. Il est détenu par Armel Le Cléac’h sur la 8e édition en 2016/2017. Le plus lent à avoir fini la course est, à ce jour, Jean-François Coste, en 163 jours lors de la première édition du Vendée Globe. Ce qui fait quand même 5 mois et demi en mer… Sur les dernières éditions, les marins restent autour d’une centaine de jours en mer soit pratiquement trois mois et demi à quatre mois, seuls dans les mers les plus difficiles et avec une météo infernale et – la plupart du temps – dans un froid quasi polaire.

La météo, une difficulté supplémentaire pour les skippers du Vendée Globe

Si le parcours est aussi difficile, c’est aussi – et peut-être sûrement - en fonction des systèmes météos rencontrés par les marins. On l’a vu, la course commence en automne et par la traversée du Golfe de Gascogne où les dépressions succèdent aux dépressions en cette période de l’année. C’est peut-être la zone la plus redoutée par les marins d’autant plus qu’elle les cueille juste après le départ. Les vents dépassent fréquemment les 30 nœuds et les rafales à plus de 40 y sont fréquentes. Les fonds remontant rapidement de 4000 en plein Atlantique à 500 puis à 200 mètres entrainent la formation chaotique de vagues dont certaines dépassent les 8 mètres et qui sont… désordonnées et explosives ! Combinées à des vents tempétueux - les masses d'air chaud venues des Tropiques rencontrent les masses d'air froid venues du Nord créées des dépressions – il faut s’extirper sans dommage de Gascogne et, ce n’est pas simple.

Le piège météo suivant est le Pot au Noir : situé entre les alizés des hémisphères Nord et Sud, la zone de convergence intertropicale (c’est son nom) est une véritable roulette russe alternant des grains violents et des calmes absolus. C’est un premier « passage à niveau » qui va laisser passer certains concurrents et en bloquer d’autres. Il est important d’être dans le bon wagon pour ne pas laisser partir devant les plus chanceux (ou les plus malins), même si la course est encore très longue.

Autre passage piégeux, le fameux anticyclone de Sainte Hélène qui va, lui aussi, être un vrai casse-tête stratégique et météo. Il est souvent indispensable de rallonger la route et d’aller jusqu’à longer les côtes du Brésil avant de pouvoir plonger au Sud et de prendre le train des dépressions des 40° ou 50°.

Une fois dans l’Atlantique Sud, l’océan Indien puis le Pacifique, il faut jouer avec les systèmes météos pour essayer de rester devant les dépressions qui « poussent » les bateaux sur une mer plus maniable (selon les critères de la zone). La tentation d’aller le plus Sud possible pour réduire la distance à parcourir est parfois grande pour les compétiteurs. Lors de la première édition du Vendée Globe, il n’y avait pas de limites Sud. Philippe Jeantot, organisateur et concurrent en 1989 avait vécu les navigations au milieu des growlers et des icebergs. Un risque trop grand qui le poussera à imposer des « portes des glaces » ou « zone d’exclusion antarctique » qui interdit aux marins de descendre trop au Sud en fonction du repérage des glaces dérivantes, véritables mines pour les solitaires.

Les trois caps s’enchaînent dans une mer froide et hostile jusqu’au Horn qui marque la porte de sortie du grand sud et la remontée vers l’arrivée avec, encore une fois, les pièges de l’anticyclone de Sainte Hélène, le Pot au Noir et… le Golfe de Gascogne à repasser, en plein hiver cette fois, avant – enfin - de passer la ligne d’arrivée aux Sables d’Olonne.

Une sacrée aventure !

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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