Vendée Globe : Christopher Pratt « une fantastique bataille des architectes »

Par Figaronautisme.com / Imoca Globes Series - Ed Gorman

Alors que cette 10ème édition du Vendée Globe captive les passionnés de voile, le marin français Christopher Pratt suit lui aussi avec attention la course palpitante, marquée par une lutte acharnée en tête de flotte. Les bateaux leaders filent actuellement à vive allure en direction du cap de Bonne-Espérance, profitant de conditions météorologiques quasi idéales.

Originaire de Marseille et âgé de 43 ans, Christopher Pratt, a notamment navigué aux côtés du Team Holcim-PRB, de V and B-Monbana-Mayenne, de Team Malizia sur The Ocean Race 2023 ou encore de Jérémie Beyou sur Charal (actuellement cinquième) en 2021. Selon lui, les conditions dans l’Atlantique Sud ont favorisé des performances exceptionnelles :

« Ils bénéficient d’un angle de vent parfait, d’une vitesse idéale et d’une mer relativement calme, même si cela commence à se dégrader. Ces conditions ont permis à six bateaux de battre le record de distance parcourue en 24 heures », explique Christopher Pratt à la Classe IMOCA.

L’exploit le plus marquant de la journée revient à Sébastien Simon, à bord de Groupe Dubreuil, actuellement troisième à 52 milles du leader. Il a établi un nouveau record officieux de distance parcourue en solitaire sur 24 heures, avec une incroyable performance de 615,33 milles nautiques à une vitesse moyenne de 25,56 nœuds. Une prouesse qui reflète l’intensité de cette édition déjà légendaire.

Christopher Pratt, qui a atteint le podium lors des éditions 2019 et 2021 de la Transat Jacques Vabre aux côtés de Jérémie Beyou, ne cache pas son admiration pour les performances des bateaux de cette édition du Vendée Globe. « Ces bateaux sont absolument impressionnants dans ce type de conditions », déclare-t-il. « Si l’on considère qu’ils atteignent une vitesse moyenne de 23-24 nœuds, cela signifie qu’ils dépassent fréquemment les 30 nœuds de pointe. »

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© Sam Goodchild / VG 2024

Il souligne également que les deux designs signés Antoine Koch/Finot Conq, menés par Thomas Ruyant (actuellement deuxième avec VULNERABLE) et Yoann Richomme (quatrième avec Paprec Arkéa), semblent offrir un confort supérieur à leurs skippers lorsqu'ils atteignent ces vitesses élevées, comparés aux autres bateaux de la flotte. Les bateaux de la génération du dernier Vendée Globe actuellement dans le top 15, comme VULNERABLE de Sam Goodchild (actuellement septième, à +180 milles du leader) et TeamWork-Team SNEF de Justine Mettraux (treizième à +584 milles), ne peuvent suivre le rythme imposé par les nouvelles générations de foilers dans ces conditions.

« Lorsque les bateaux accélèrent, il devient difficile pour les plus anciens de suivre la cadence. Cela dépend vraiment de la capacité à gérer ces conditions extrêmes, de l’ajustement du trim du bateau et de sa capacité à rester performant, même lorsque l’état de la mer n’est pas idéal », ajoute-t-il.

Christopher Pratt suit de près la bataille entre les plus récents designs de bateaux dans ce Vendée Globe, notamment entre le leader de la course, Charlie Dalin, et les deux Koch/Finot Conq de Yoann Richomme et Thomas Ruyant. Selon lui, la philosophie de conception des trois équipes diffère grandement.

« Ce qui est intéressant du point de vue de la philosophie de design, c'est que l'approche d'Antoine Koch pour Yoann et Thomas était de créer un bateau spécialement conçu pour les mers du Sud », explique le skipper marseillais. « En revanche, la philosophie de Guillaume Verdier pour Charlie Dalin était de concevoir un bateau polyvalent, capable de tout bien faire – sans lacunes dans le spectre de performances, même dans des vents faibles. »

Pour Chris Pratt, si l’on faisait un bilan à la fin de l'Océan Atlantique, il estime que Guillaume Verdier et Charlie Dalin ont gagné leur pari, car leur bateau est conçu pour affronter les systèmes dépressionnaires et entrer dans l’Océan Indien avec un certain avantage. « En revanche, Yoann et Thomas ne seront qu’à moins de 100 milles derrière, et leurs bateaux sont probablement plus adaptés pour l’Océan Austral dans les quatre ou cinq semaines à venir. »

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© Charlie Dalin #VG2024

Chris Pratt mentionne également la surprise de cette édition : Sébastien Simon, qui navigue à un excellent niveau depuis le départ. « Il fait une très bonne course, il a quasiment été dans le top 3 ou top 5 depuis le début, quelles que soient les conditions. Il est toujours rapide et prend de très bonnes décisions de routage. Il est vraiment au meilleur de sa forme, et c'est agréable à voir. »

À l’opposé, Chris Pratt admet que le début de course a été plus difficile pour le skipper allemand Boris Herrmann, dont le bateau Malizia-Seaexplorer occupe actuellement la 11ème place, à 507 milles du leader. Selon lui, Boris Herrmann devrait rapidement combler cet écart une fois entré dans l’Océan Austral. « Je suis un peu déçu pour Boris, car je pense qu’il devrait être dans le groupe des six ou sept premiers. Il a eu des difficultés dans le système de faible pression autour de Madère et des Canaries. Mais je pense que le bateau et Boris ont une très bonne capacité à naviguer vite dans le Grand Sud et je ne serais pas surpris s’il prenait la tête de la course d’ici le Cap Horn. Cependant, il risque d’atteindre le cap de Bonne-Espérance avec un retard de 800 à 1 000 milles sur le leader. »

En ce qui concerne la suite de la course, le routage reste incertain, notamment quant au moment où les leaders perdront enfin le contact avec le système dépressionnaire qui les a conduits de la côte brésilienne à travers l'Atlantique Sud.

« Il est vraiment difficile de prévoir le moment où le système dépressionnaire va passer », explique-t-il. « C’est compliqué car, s’ils vont un ou deux nœuds plus vite, ils peuvent rester avec ce système pendant encore de nombreux milles. Même pour les skippers, il est difficile de savoir quand ils devront empanner pour partir au sud après ce système de basse pression. »

Actuellement en course, la Classe IMOCA a également échangé avec Benjamin Dutreux, skipper de Guyot Environnement-Water Family, qui est quatorzième, à environ 720 milles de Charlie Dalin et 135 milles derrière Justine Mettraux.

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© Sam Davies

Le skipper français de 34 ans, qui participe à sa deuxième édition du Vendée Globe, indique qu'il prend plaisir à cette nouvelle aventure, mais qu’il préférerait ne pas être isolé de la flotte. « Je préfère être en contact avec les autres – c’est toujours un peu plus sympa – mais sinon, la course se passe bien. Nous progressons bien en direction du cap de Bonne-Espérance. »

Pour lui, voir le groupe de tête s'éloigner du groupe dans lequel il se situe n'est pas simple. « La dépression est en train de nous quitter et l’écart avec les bateaux de devant va se creuser dans les prochains jours. Cette frustration ne va pas être facile à gérer. Je sais que pour moi, c'est ça qui va être le plus difficile », ajoute-t-il.Cependant, Benjamin Dutreux reste confiant dans sa capacité à finir dans le top 10, un objectif qu’il s’était fixé avant le départ. « Pour l’instant, je suis à la place où je devrais être avec mon bateau », indique le skipper sablais. « Donc, la course se déroule sans accroc. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, donc je dois continuer à bien naviguer, et j’espère que les choses viendront naturellement. »

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© Benjamin Dutreux / VG 2024

Il explique également qu'il n’est jamais facile de trouver le bon équilibre entre la vitesse et la préservation du bateau. « Ici, on veut toujours pousser plus fort et plus vite, mais il faut aussi gérer le bateau avec soin. J’essaie parfois de ralentir et de ne pas trop le pousser à son maximum, en me rappelant que tous les bateaux ne sont pas les mêmes et que, si je pousse le mien au même rythme, il souffre beaucoup plus. »

Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe.

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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