Vendée Globe : ultime tempête en Atlantique Nord

Par Figaronautisme.com

Une dernière épreuve de taille attend le groupe de skippers s’étendant de Jérémie Beyou (Charal) à Samantha Davies (Initiatives-Cœur). Une dépression spectaculaire, affichant une pression de 950 hectopascals, s’est invitée sur leur route. Ce colosse météorologique, peut-être le plus puissant rencontré durant tout ce Vendée Globe, déchaîne des vents de 50 nœuds et des vagues culminant à dix mètres.

Un tel scénario, les marins l’auraient volontiers évité. À l’approche de l’arrivée, cette dépression colossale s’impose comme un obstacle redoutable, un ultime rappel que l’Atlantique Nord peut se montrer impitoyable. Ce schéma météorologique n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui qui, il y a quatre ans, avait surpris Maxime Sorel et Clarisse Crémer dans des conditions similaires, rendant leurs derniers milles particulièrement éprouvants. « Je dois avouer, avec un soupir, que j’aurais aimé que cette fois ce soit plus simple, mais c’est comme ça. J’aurais bien rêvé d’une petite arrivée peinarde, mais ce n’est clairement pas ce qui se profile. La dépression a ralenti, et maintenant, c’est nous qu’elle vient emmerder ! », a déploré la skipper de l’Occitane en Provence. Elle imaginait que cette énorme tâche violette sur la cartographie, bien visible, n’allait concerner que le petit groupe de six bateaux situé 350 milles devant elle. Mais cette "grosse Bertha", comme l’aurait sans doute surnommée Benjamin Ferré (Monnoyeur – Duo for a Job) —aux prises avec un nouveau problème de hook de FR0, ce samedi —, semble bien décidée à secouer également tous ceux qui se trouvent actuellement dans l’Ouest du Cap Vert. « Dans ce contexte, c’est d’autant plus difficile de ne pas être jaloux des trois premiers. Je ne sais pas s’ils savent la chance qu’ils ont eue à partir de l’Indien ! », a ajouté la navigatrice.

Prévisions inquiétantes, solutions complexes
« Tout va en fait un peu dépendre du passage de la dorsale et du moment où nous en sortirons. La dépression est très creuse. Est-ce qu’on va se retrouver devant, au milieu ou derrière le front ? C’est hyper dur à dire », a expliqué Jérémie Beyou (Charal). Le skipper ne cache pas son appréhension face à la complexité de la situation, d’autant plus que les prévisions ne laissent guère de marge de manœuvre. "Ça continue à être compliqué en termes de météo. On regarde avec attention ce qui va se passer devant, et c’est pas mal stressant. Tout le monde aimerait bien trouver un chemin qui soit praticable. "
Mais entre la force du vent et la hauteur des vagues, les options se réduisent : « C’est tout le problème. Même en analysant la situation sous tous les angles, c’est compliqué. La dépression est particulièrement costaude et la mer annoncée très forte. On parle de vagues de 8 à 10 mètres, voire davantage. C’est inquiétant. Tout le monde est un peu dans l’expectative », a ajouté le Finistérien, habitué aux situations difficiles et pas vraiment adepte du demi-tour à la première bosse, malgré des problèmes de pilote automatique qui compliquent déjà son quotidien et risquent de rendre la suite encore plus ardue.

Route incertaine et choc inévitable
« Hier, j’arrivais à faire des routes vers Madère, en restant un peu au sud-est. Ça atténuait pas mal la force du vent mais surtout la mer. Aujourd’hui cette route ressort moins viable. Le nouveau problème qui se pose c’est que la dépression progresse plus vite et plus dans l’Est. L’un d’entre nous va se l’emplafonner, c’est sûr. Reste à savoir qui : Sam (Goodchild) et moi à l’avant, ceux au milieu, ou ceux à l’arrière… Pour l’heure, je n’en ai aucune idée. Tout va se jouer à quelques heures ou à quelques dizaines de milles près. C’est très difficile à prévoir », a détaillé Jérémie, prêt à plonger dans le ring, même si le cœur bat un peu fort.

Un coup de massue météo avant l’arrivée
Cette dépression s’annonce, de fait, comme l’un des phénomènes les plus violents de ce Vendée Globe. Avec des vents à décoiffer un cachalot et des vagues à donner le vertige à un alpiniste, elle impose une pression supplémentaire sur des marins déjà épuisés et des bateaux marqués par des semaines de navigation intense. « Ça arrive à un moment où tout est déjà bien usé, aussi bien les bonhommes que le matériel », a confirmé le triple vainqueur de la Solitaire du Figaro. Pour lui, comme pour les autres, il s’agit désormais d’avancer avec précaution et de faire les bons choix, car le moindre faux pas pourrait avoir des conséquences lourdes. « Dans des conditions aussi fortes, il ne faut pas faire d’erreurs. On sait que ça va être un peu chargé. Cela fait trois semaines que chaque journée est marquée par des chocs incessants. On navigue sur des angles serrés, avec une mer formée. Les bateaux commencent à montrer des signes de fatigue, et nous aussi. Il faut rester vigilant sur cette dernière ligne droite, bien préserver le matériel pour s’assurer d’aller au bout », a commenté de son côté Justine Mettraux (TeamWork – Groupe Snef), actuellement pointée à une remarquable 8e position.

Gérer l’usure
Elle et les autres solitaires concernés vont bientôt buter contre une dorsale anticyclonique. Un ralentissement est d’ailleurs déjà perceptible pour les bateaux en tête. Ce passage promet une transition délicate avant d’entrer dans le dur lundi, lorsque les vents se renforceront et que la mer deviendra plus exigeante. « On va avoir 24 heures un peu engagées pour aller vers le cap Finisterre et le golfe de Gascogne. C’est pour ça qu’il est important d’emmagasiner de l’énergie et de bien se reposer maintenant », a précisé la Suissesse. En attendant cette bascule météo, recharger les batteries au maximum – si tant est que ce soit encore possible après un tel marathon – fait partie des priorités. À cela s’ajoute une vérification minutieuse du bateau et le renforcement des zones sensibles. À titre d’exemple, Paul Meilhat (Biotherm) s’est lancé hier dans une ascension de son mât, bricolant un ingénieux mélange de câbles et d’estropes pour pallier la perte de son étai. Une intervention délicate mais indispensable avant de faire face à des conditions plus musclées. Car, au final, l’objectif de tous reste le même : franchir la ligne d’arrivée. Peu importe la fatigue ou les imprévus, chaque marin se bat pour aller au bout de ce tour du monde, avec encore davantage de volonté qu'un randonneur face à une montagne sans fin.

Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe et suivez les skippers en direct grâce à la cartographie.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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