Vendée Globe : Là où les éléments dictent leur loi

Par Figaronautisme.com

Entre froid polaire et chaleur tropicale, vents hurlants et calmes plats, le tour du monde à la voile est une aventure où chaque mille impose son lot de défis. Au cœur de cette épreuve hors normes, les marins jonglent entre émerveillement et concentration, puisant dans leurs ressources physiques et mentales pour s’adapter à un environnement en perpétuelle mutation. Une plongée fascinante dans le quotidien de ces héros des mers.


Lors d’un tour du monde à la voile, tout change à une vitesse vertigineuse, et les marins se retrouvent au cœur d’un voyage où la seule constante est l’adaptation. Les journées s’allongent ou raccourcissent au gré des latitudes, modifiant le rythme naturel et exigeant une réorganisation permanente. Les températures, elles, basculent entre extrêmes : on passe des morsures glaciales du Grand Sud aux chaleurs écrasantes des tropiques en l’espace de quelques jours. Les conditions météo, toujours imprévisibles, ajoutent une couche supplémentaire de complexité. Des vents hurlants et des mers déchaînées laissent soudain place à des calmes plats étouffants, forçant les marins à un équilibre constant entre patience et réactivité. Cette cadence effrénée de changements est aussi fascinante qu’exigeante. Elle force chaque skipper à puiser dans ses réserves mentales et physiques, tout en offrant des instants magiques, comme un lever de soleil dans le froid polaire ou une nuit étoilée sous un ciel tropical. Gérer ces transitions, c’est jongler entre émerveillement et concentration.

Naviguer entre les extrêmes

« Chaque jour, tout change : l’heure solaire évolue avec le décalage horaire, et les températures varient constamment. Plus on remonte vers le Nord, plus il fait chaud, et à l’approche de l’équateur, la chaleur devient carrément écrasante. Ensuite, en entrant dans l’hémisphère Nord, le phénomène s’inverse. C’est fascinant, car ces changements se ressentent vraiment au quotidien, et ça me surprend à chaque fois. Ce n’est pas comme en avion, où l’on passe de -10°C à 40°C en quelques heures. Ici, tout est progressif, mais cela n’en reste pas moins impressionnant. C’est magique de pouvoir observer ces transformations », a commenté Louis Duc (Five Group – Lantana Environnement) qui a partagé ses impressions après avoir franchi le fameux front froid du cap Frio. Désormais, il s’apprête à entrer dans une dorsale qui ralentit sa progression, avec des vents très faibles prévus dès ce soir. « Tout l’enjeu sera de choisir le bon moment entre la rotation et la pression du vent : à cet endroit, c’est toujours ça le débat », a expliqué le Normand, évoquant la fameuse aile de mouette, cette trajectoire courbée que les marins suivent pour contourner une zone sans vent, comme, dans ce cas, l’anticyclone de Sainte-Hélène.

Une vie à ciel ouvert

« C’est assez incroyable de voir comme les choses basculent vite. J’avais froid, puis soudain, je me suis retrouvée en t-shirt, et peu après, j’avais vraiment trop chaud. Je dois dire que c’est un "problème de riche" : il fait tellement lourd que je n’arrive pas à dormir. Malgré tout, c’est un réconfort », a assuré de son côté Isabelle Josckhe (MACSF). « On passe d’un extrême à l’autre. Les températures modérées ne durent même pas une semaine sur l’ensemble du tour du monde Hier, le thermomètre du bord a atteint 34° à l’intérieur du bateau, mais je dois avouer que retrouver de la chaleur après les Mers du Sud, ça fait du bien. Quand elle devient fatigante, je relativise en me souvenant des longues journées passées porte fermée dans le froid glacial du Grand Sud. Maintenant, il fait chaud, je peux naviguer porte ouverte, avec de la lumière. C’est une tout autre vie quand même ! », a relaté Giancarlo Pedote, alors rejoint par Arnaud Boissières :

« Honnêtement, passer du froid au chaud est plutôt agréable. En revanche, l’inverse l’est nettement moins. Pour l’instant, les conditions sont vraiment idéales, et je prends le temps de les savourer. Je m’accorde de longs moments sur le pont, café à la main, pour admirer le spectacle. Après tout, je suis en course sur le Vendée Globe, une aventure qui n’a lieu que tous les quatre ans, et c’est un privilège incroyable d’être en mer.» Arnaud Boissières, LA MIE CÂLINE.

Chaque mille une bataille
Pendant ce temps, à l’avant de la flotte, les marins qui naviguent dans l’Atlantique Nord font face à des conditions bien différentes. Là où les skippers de Prysmian, de la Mie Câline et une poignée d’autres profitent encore de la douceur des alizés et de températures agréables, les solitaires les plus en avant de la flotte affrontent une dépression particulièrement musclée. Sous des vents soufflant jusqu’à 55 nœuds et une mer chaotique, leur navigation est tout sauf confortable. « Il y a des montagnes de vagues. Ce serait presque mieux de nuit, au moins on ne les verrait pas ! On essaie de contrôler le bateau pour qu’il ne parte pas trop vite dans les surfs, sinon ça peut très mal finir en bas. C’est vraiment chaud. Je pense, ou du moins j’espère, être dans le pire de la dépression. Si ça se renforce encore, ça pourrait devenir vraiment compliqué. Il faut que le matériel tienne », a commenté Jérémie Beyou, en grimaçant et lâchant même des « oh putain » ou des « oh là là » à chaque impact de son IMOCA contre les rouleaux géants. Son but, dans ces conditions extrêmes où chaque mille parcouru est un exercice d’équilibre délicat entre vitesse et préservation du matériel, est de viser le cœur du système pour ensuite récupérer des vents plus favorables en direction de l’arrivée. Le hic ? Les derniers milles risquent malgré tout d’être délicats, notamment aux abords du cap Finisterre, où des conditions de près pourraient compliquer la navigation. Cela explique pourquoi les estimations d’arrivée (ETA) ont été légèrement révisées : le groupe emmené par le skipper de Charal est désormais attendu non plus mercredi soir, mais plutôt jeudi matin.

L’adaptabilité, clé du tour du monde
Ces contrastes entre la douceur des alizés pour certains et les déchaînements de l’Atlantique Nord pour d’autres illustrent parfaitement la réalité de l’épreuve. Chaque marin, où qu’il se trouve sur la planète, doit composer avec des défis uniques, dictés par les caprices de la météo et l’usure de son bateau. Dans cette course où rien n’est jamais acquis, chaque mille parcouru devient une victoire. Face aux éléments imprévisibles, aux pépins mécaniques et à la fatigue, l’adaptabilité et la résilience sont des qualités indispensables pour espérer franchir la ligne d’arrivée. Et c’est bien cette intensité, entre prouesses techniques et exploits humains, qui fait toute la grandeur du Vendée Globe.

Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe.
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L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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