Vendée Globe : une course à la merci des caprices du vent

Depuis le début de l’aventure, on a parfois en effet cette curieuse impression qu’un petit malin a la main sur les interrupteurs, et s’amuse à les déclencher avec un peu trop de velléité ! « Allumé », et voilà la tête de flotte qui s’emballe dans plus de 40 nœuds de vent, cherchant désespérément la pédale de frein pour ne pas jouer les IMOCA bêliers… Le malheureux Sam Goodchild (VULNERABLE, 5e) en a fait les frais, et continue de naviguer sous voile d’avant seulement, privé de sa grand-voile déchirée comme un vulgaire papier. Il n’est pas loin de se faire reprendre par Paul Meilhat (Biotherm, 6e) et Nicolas Lunven (Holcim – PRB, 7e), respectivement lésés par un gréement qui a connu des jours plus cléments, et des aériens arrachés en tête de mât qui ne permet plus franchement de s’y retrouver. Décidément, dans ce groupe, il y a désormais un petit air de combat de boiteux, pour savoir à qui claudiquera le mieux vers la ligne d’arrivée !
J’avais l’impression de tirer sur un animal blessé, ça fait partie du jeu mais j’ai pas fait grand-chose pour le passer parce qu’il était lent avec son foil ! Mais sinon, c’est toujours bien la bataille avec Clarisse, elle lâche pas le morceau et moi non plus, donc on se bat bien et on se marre bien, ça nous aide à avancer ensemble vers l’arrivée et de mettre de l’intensité dans notre avancée ! Benjamin Dutreux, GUYOT ENVIRONNEMENT - WATER FAMILY.Il faut dire que ça peut aider, car leur morceau actuel n’est pas facile à avaler ! L’interrupteur est bien enclenché, mais le potentiomètre semble s’être un peu enrayé, avec d’importantes variations du vent qui ne rendent pas la navigation aisée. Et pourtant, l’enjeu de rester dans le bon tempo est plus que jamais dans leur cerveau, car s’ils ratent ce train, celui d’après est un TGV un peu trop zélé qui pourrait les obliger à freiner pour ne pas arriver aux Sables d’Olonne dans une tempête carabinée ! Rendus si près de la maison, on peut comprendre qu’ils n’aient pas très envie de rester à poireauter avec les poissons…
Avec notre groupe on essaie d’enchaîner sur la dépression suivante, on chope les miettes à chaque fois ce qui devrait nous permettre de grimper vers le Nord, avec pas mal de phases de transition donc il va falloir quand même être bien réveillés ! Jusqu’à l’arrivée, ça va pas être de tout repos… Faut pas être trop en retard parce que celle qu’il y a derrière est vraiment solide ! J’espère que tout mon petit groupe, on arrivera avant ça, normalement sur les routages ça passe, mais entre la réalité et les routages il y a souvent un monde, donc on croise les doigts un peu… mon maître mot c’est de ne rien regretter à l’arrivée, et pour ça il faut que j’arrive sur les genoux, épuisé, avec l’impression d’avoir tout donné ! Benjamin Dutreux, GUYOT ENVIRONNEMENT - WATER FAMILY.
« Les journées sont longues… »Eviter la douche froide, ou la rechercher… Pour Damien Seguin (Groupe Apicil, 15e) en ce moment, c’est plutôt au moins deux fois par jour, à grands coups de seaux d’eau de mer versés directement sur un corps soumis à l’intense chaleur des tropiques. Lui qui va passer dans les prochaines heures le fameux équateur bout littéralement, sous l’effet du soleil mais aussi du manque de vent ! Une cuisson à point, à qui sait attendre, dans cette zone de convergence tropicale qui n’en finit pas de le cuisiner…
C’est pas évident d’avancer vite, il n’y a pas forcément des gros grains, mais il y a beaucoup de zones avec du vent très aléatoire, difficile de faire de la ligne droite, ça zigzague beaucoup et on ne fait pas des grosses moyennes, mais on continue d’avancer ! Je me dis que chaque mille gagné, c’est un mille de moins vers l’arrivée, et je passe le temps comme ça mais les journées sont longues… Damien Seguin, GROUPE APICIL.Lui aussi voit la différence par rapport à son Vendée Globe précédent, où « les situations météo étaient plus simples, c’était un peu plus lissé sur le temps, alors que là j’ai l’impression de galérer à tous les étages de cette course ! ». Et voilà, l’interrupteur a encore été éteint, pourriez-vous rallumer s’il vous plaît ? Oui oui, plus au Sud aussi pour le groupe mené par Kojiro Shiraishi (DMG Mori Global One, 24e) flashé cette nuit à 4,1 nœuds, ou encore plus loin par le trio désormais sous patronage d’Antoine Cornic (Human Immobilier, 29e), 3,5 nœuds de moyenne sur les quatre dernières heures… Au moins, ça lui laisse le temps de bricoler, lui qui s’est lancé dans une jolie rénovation sur une cloison… Seul hic : à force d’avoir des pépins, le stock de résine est réduit à peau de chagrin ! En aura-t-il assez pour achever son chantier ?
Décidément, il ne fait pas bon se poser trop de questions sur cette 10e édition du Vendée Globe, alors que les trois derniers concurrents devraient bientôt déborder le Cap Horn. Pour tous, chaque Nouvelle Vague n’est pas du cinéma, alors « surtout, j’essaie de ne pas trop me faire de films », nous disait ainsi cette nuit Alan Roura, qui essaie tout simplement de continuer à composer avec ce qu’il a :
Plus de 400 milles en 24 heures ça fait du bien, je suis content de voir les alarmes sonner, et d’être en mode course, même si on n’a jamais lâché quoi que ce soit… Je suis focus sur le bateau, sur les nuages, ça fait du bien au moral ! Alan Roura, HUBLOT.