Vendée Globe : une course à la merci des caprices du vent

Par Figaronautisme.com

Naviguer le Vendée Globe, c’est affronter bien plus que l’immensité des océans. Cette 10e édition s’impose comme un véritable jeu d’équilibriste entre les vents capricieux, les avaries en cascade et les défis mentaux. Retour sur une course où chaque instant semble orchestré par un invisible interrupteur météo.


A ceux qui ont déjà expérimenté un ou plusieurs Vendée Globe pour le passé, on aime souvent leur poser la question : qu’est ce qui change dans cette édition ? Qu’est-ce qu’ils trouvent plus facile, ou au contraire, plus engagé ? Cette nuit, Alan Roura (Hublot, 20e) qui cravache comme un dératé pour rattraper son retard sur le groupe à l’Ouest déjà bien établi dans le Pot-au-Noir, était très clair dans sa réponse, lui qui réalise, à 31 ans seulement, son troisième looping planétaire : « c’est le fait de naviguer avec des escales de molle ! T’avances, tu t’arrêtes, t’attends les autres, et tu repars. Mentalement, c’est dur ! »

Depuis le début de l’aventure, on a parfois en effet cette curieuse impression qu’un petit malin a la main sur les interrupteurs, et s’amuse à les déclencher avec un peu trop de velléité ! « Allumé », et voilà la tête de flotte qui s’emballe dans plus de 40 nœuds de vent, cherchant désespérément la pédale de frein pour ne pas jouer les IMOCA bêliers… Le malheureux Sam Goodchild (VULNERABLE, 5e) en a fait les frais, et continue de naviguer sous voile d’avant seulement, privé de sa grand-voile déchirée comme un vulgaire papier. Il n’est pas loin de se faire reprendre par Paul Meilhat (Biotherm, 6e) et Nicolas Lunven (Holcim – PRB, 7e), respectivement lésés par un gréement qui a connu des jours plus cléments, et des aériens arrachés en tête de mât qui ne permet plus franchement de s’y retrouver. Décidément, dans ce groupe, il y a désormais un petit air de combat de boiteux, pour savoir à qui claudiquera le mieux vers la ligne d’arrivée !

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Photo envoyée depuis le bateau VULNERABLE SG lors de la course à la voile du Vendée Globe le 20 janvier 2025© Photo du skipper Sam Goodchild / Vendée Globe



« J’avais l’impression de tirer sur un animal blessé »

C’est d’ailleurs comme cela que Benjamin Dutreux (Guyot Environnement – Water Family, 10e) a vécu son doublement de Boris Herrmann (Malizia – Seaexplorer, 13e), fortement ralenti par son avarie de foil.

J’avais l’impression de tirer sur un animal blessé, ça fait partie du jeu mais j’ai pas fait grand-chose pour le passer parce qu’il était lent avec son foil ! Mais sinon, c’est toujours bien la bataille avec Clarisse, elle lâche pas le morceau et moi non plus, donc on se bat bien et on se marre bien, ça nous aide à avancer ensemble vers l’arrivée et de mettre de l’intensité dans notre avancée ! Benjamin Dutreux, GUYOT ENVIRONNEMENT - WATER FAMILY.

Il faut dire que ça peut aider, car leur morceau actuel n’est pas facile à avaler ! L’interrupteur est bien enclenché, mais le potentiomètre semble s’être un peu enrayé, avec d’importantes variations du vent qui ne rendent pas la navigation aisée. Et pourtant, l’enjeu de rester dans le bon tempo est plus que jamais dans leur cerveau, car s’ils ratent ce train, celui d’après est un TGV un peu trop zélé qui pourrait les obliger à freiner pour ne pas arriver aux Sables d’Olonne dans une tempête carabinée ! Rendus si près de la maison, on peut comprendre qu’ils n’aient pas très envie de rester à poireauter avec les poissons…

Avec notre groupe on essaie d’enchaîner sur la dépression suivante, on chope les miettes à chaque fois ce qui devrait nous permettre de grimper vers le Nord, avec pas mal de phases de transition donc il va falloir quand même être bien réveillés ! Jusqu’à l’arrivée, ça va pas être de tout repos… Faut pas être trop en retard parce que celle qu’il y a derrière est vraiment solide ! J’espère que tout mon petit groupe, on arrivera avant ça, normalement sur les routages ça passe, mais entre la réalité et les routages il y a souvent un monde, donc on croise les doigts un peu… mon maître mot c’est de ne rien regretter à l’arrivée, et pour ça il faut que j’arrive sur les genoux, épuisé, avec l’impression d’avoir tout donné ! Benjamin Dutreux, GUYOT ENVIRONNEMENT - WATER FAMILY.

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Photo envoyée depuis le bateau Initiatives-Coeur lors de la course à la voile du Vendée Globe le 20 janvier 2025© Photo du skipper Sam Davies / Vendée Globe


« Les journées sont longues… »

Eviter la douche froide, ou la rechercher… Pour Damien Seguin (Groupe Apicil, 15e) en ce moment, c’est plutôt au moins deux fois par jour, à grands coups de seaux d’eau de mer versés directement sur un corps soumis à l’intense chaleur des tropiques. Lui qui va passer dans les prochaines heures le fameux équateur bout littéralement, sous l’effet du soleil mais aussi du manque de vent ! Une cuisson à point, à qui sait attendre, dans cette zone de convergence tropicale qui n’en finit pas de le cuisiner…

C’est pas évident d’avancer vite, il n’y a pas forcément des gros grains, mais il y a beaucoup de zones avec du vent très aléatoire, difficile de faire de la ligne droite, ça zigzague beaucoup et on ne fait pas des grosses moyennes, mais on continue d’avancer ! Je me dis que chaque mille gagné, c’est un mille de moins vers l’arrivée, et je passe le temps comme ça mais les journées sont longues… Damien Seguin, GROUPE APICIL.

Lui aussi voit la différence par rapport à son Vendée Globe précédent, où « les situations météo étaient plus simples, c’était un peu plus lissé sur le temps, alors que là j’ai l’impression de galérer à tous les étages de cette course ! ». Et voilà, l’interrupteur a encore été éteint, pourriez-vous rallumer s’il vous plaît ? Oui oui, plus au Sud aussi pour le groupe mené par Kojiro Shiraishi (DMG Mori Global One, 24e) flashé cette nuit à 4,1 nœuds, ou encore plus loin par le trio désormais sous patronage d’Antoine Cornic (Human Immobilier, 29e), 3,5 nœuds de moyenne sur les quatre dernières heures… Au moins, ça lui laisse le temps de bricoler, lui qui s’est lancé dans une jolie rénovation sur une cloison… Seul hic : à force d’avoir des pépins, le stock de résine est réduit à peau de chagrin ! En aura-t-il assez pour achever son chantier ?

Décidément, il ne fait pas bon se poser trop de questions sur cette 10e édition du Vendée Globe, alors que les trois derniers concurrents devraient bientôt déborder le Cap Horn. Pour tous, chaque Nouvelle Vague n’est pas du cinéma, alors « surtout, j’essaie de ne pas trop me faire de films », nous disait ainsi cette nuit Alan Roura, qui essaie tout simplement de continuer à composer avec ce qu’il a :

Plus de 400 milles en 24 heures ça fait du bien, je suis content de voir les alarmes sonner, et d’être en mode course, même si on n’a jamais lâché quoi que ce soit… Je suis focus sur le bateau, sur les nuages, ça fait du bien au moral ! Alan Roura, HUBLOT.

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Photo envoyée depuis le bateau HUMAN Immobilier lors de la course à la voile du Vendée Globe le 21 janvier 2025© Photo du skipper Antoine Cornic / Vendée Globe


Et par rapport aux éditions précédentes du coup, qu’est-ce qu’il en retient, le navigateur suisse toujours plein d'entrain ? « C’est qu’il y a du niveau partout, la préparation des marins et des bateaux a vraiment augmenté, on sera tous content de s’être autant battus les uns les autres. C’est un super Vendée ! » On n’aurait pas dit mieux…

Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe.
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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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