Halte à l'orque : blessés et vexés, troisième partie

Culture nautique

Puerto Soto Grande est une de ces nombreuses marinas qui se sont échouées sur fond européen en Méditerranée dans les années 80/90. Celle-ci est vaste, très privative, inspirée de Port Grimaud. Les imposants motoryachts côtoient de très grands voiliers. C’est chic, cher, britannique, scandinave, germanique, et aussi espagnol. En 2004 nous y avons fait escale directement depuis La Rochelle avec Thalamège, nous avions assisté à un match de polo, le vrai, avec des chevaux. Magnifique.

©Denis Chabassière
Puerto Soto Grande est une de ces nombreuses marinas qui se sont échouées sur fond européen en Méditerranée dans les années 80/90. Celle-ci est vaste, très privative, inspirée de Port Grimaud. Les imposants motoryachts côtoient de très grands voiliers. C’est chic, cher, britannique, scandinave, germanique, et aussi espagnol. En 2004 nous y avons fait escale directement depuis La Rochelle avec Thalamège, nous avions assisté à un match de polo, le vrai, avec des chevaux. Magnifique.

Ce jour à presque quatre mètres au-dessus du terre-plein du chantier, le rocher de Gibraltar s’inscrit dans notre arrière, il est à dix milles, et plus loin encore les côtes africaines. Dans deux jours le nuage orographique chapeautera le célèbre et majestueux rocher, ce sera avec la renverse d’Est. C’est un signe immanquable. On ne peut s’empêcher en contemplant la montagne aux singes, de revoir l’arrière-plan de PretAixte, au sec, en chantier à Tahiti en avril 2018. « Gib » a remplacé Moorea.

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Ce mardi 29 mai en fin de matinée, sur ce tarmac déjà écrasé de chaleur et dans une atmosphère assourdissante qui mêle ponceuses et rap à fond, nous sommes loin, trés loin des douceurs Polynésiennes. Nous sommes blessés et vexés.

Après l’attaque des orques, Jacques avait repris son quart, le bateau sa vitesse, et moi ma couchette. Transi de froid et pas vraiment serein. « A nice cup of tea » m’attendait juste avant le passage de Tarifa à 07h45, avec le courant. Nous décidons de faire halte dans la baie d’Algésiras pour évaluer les dégâts avant de poursuivre notre route.

Nous mettons en panne, à l’abri du vent et du courant, protégé par la Pointe Carnero. Jacques, courageusement, l’eau est à 17°, se propose d’inspecter le safran et de prendre des photos. Il enfile ma shorty et se met à l’eau. Pas de doute le bas du safran est atteint. Slalomant entre les tankers aux mouillages nous traversons la baie d’Algeciras en route vers Marina Alcaidesa. C’est juste au nord de l’aéroport et de la frontière de Gibraltar, nous avons choisi de rester en Espagne. La marina de Gibraltar est encombrée, la ville envahie de touriste a perdu son inimitable charme d’il y a quarante ans, et cela nous dispense de hisser notre Q dans les barres de flèche puis de poireauter à la clearance.

A l’accueil de la marina espagnole les formalités sont tout aussi longues que dans une douane britannique. Peu importe, nous les avions contactés par VHF et ils assuraient pouvoir nous gruter. Bien, on a montré nos papiers, remplit tout un tas de trucs inutiles, payé. « Quand pouvez-vous mettre le bateau à terre ? ». La secrétaire consulte gravement son agenda : « Le 15 juin ». « Le 15 juin ? Mais il faut lever le bateau rapidement ». « Je peux vous mettre sur une liste d’attente… »

Alors à bord commence un rallye téléphonique. Moi à la table à carte à la recherche des numéros des marinas et des chantiers, et Jacques au téléphone en espagnol et en anglais. La sixième demande : « On vous rappelle ». Et ils rappellent, ils nous lèvent demain matin à Soto Grande.

A midi et quart nous repartons dans le vent forcissant entre les cargos pour passer la pointe Europa et son minaret en route vers Soto Grande.

Comme promis le lendemain matin le travel lift de 60 tonnes nous sort de l’eau. Nous sommes le cinquième bateau de la saison qui arrive au chantier après une attaque d’orques, le sixième a coulé. Les sangles extraient PretAixte de son élément : il manque 50 cm au safran, et le reste est délaminé sur plus de 90 cm…Sur l’antifouling la signature des ailerons des orques est bien visible.

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Commence alors une course contre la montre. Nous rencontrons le directeur, le chef de chantier, le stratifieur français. Le safran peut être refait en 12 jours, attendre un neuf porterait le délai à plus de deux mois…Les plans de l’appendice sont récupérés, nous avions déposé le safran au chantier Grassi l’année dernière. Les assurances de Lassée s’affairent elles aussi : l’expert vient valider le devis dans les meilleurs délais. Le safran est tombé sans effort le lendemain matin.

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Maintenant il nous faut attendre. PretAixte est blessé, et moi vexé. J’avais pris toutes les précautions, je croyais avoir pris toutes les précautions pour éviter une attaque : passage de nuit, à raser les pêcheries, pinger, procédure de lutte. Tout cela a été inutile. A  presque quatre mètres au-dessus du terre-plein du chantier de Soto grande avec le rocher de Gibraltar en arrière-plan, je m’interroge : comment en sommes-nous arrivés là ?

A suivre…

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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