
On se félicite à l’idée de faire une magnifique sortie en bateau et puis, l’entrée du port à peine dépassée, les sensations désagréables surviennent et s’installent : nausées, vertiges, vomissements, fatigue intense, voilà le mal de mer. Le sujet, peu glamour il est vrai, se fait plutôt discret dans les récits épiques et sur les pontons où l’on préfère évoquer la majesté du vent, les sensations de vitesse, de liberté et d’infini. Le désagrément est pourtant extrêmement répandu. « Cela fait partie du “jeu“, il faut l’accepter, relativise le médecin et grand navigateur François Gouin. Dès qu’il y a un peu de mauvais temps, j’estime qu’au moins 50 % des gens le ressentent ». Si les plaisanciers occasionnels y sont plus facilement sujets, ce mal être peut aussi survenir chez les plus aguerris, les marins professionnels comme les champions des courses au large. « Il n’y a pas de règles, juste des terrains plus ou moins favorables. Voilà pourquoi il faut décomplexer les usagers touchés par le problème et gênés de déranger leurs partenaires de sortie. Il faut accepter d’en souffrir pendant quelques jours et généralement ça finit par passer », souligne le passionné qui s’estime très chanceux de n’avoir jamais subi ce désagrément, « sauf une fois en bricolant mon moteur dans les émanations de gasoil ».
Les facteurs déclencheurs du mal de mer
Ce mal des transports, ou cinétose, résulte d’une désynchronisation des messages transmis au cerveau par les capteurs du corps. Le roulis enregistré par les yeux notamment et les informations perçues par l’oreille interne se contredisent. Si une houle prononcée prépare le terrain, des facteurs additionnels peuvent venir le déclencher : les odeurs agressives comme celle de carburant, de cigarette ou de parfum, le fait de quitter le pont pour s’enfermer dans la cabine... Par ailleurs, la plupart des marins connait la règle mémotechnique des 5 F : froid, faim, fatigue, frousse et… foif. « En mer, on est exposé à l’humidité ambiante. Il faut penser à se couvrir avant d’avoir froid, tout comme il faut boire avant d’avoir soif, on s’hydrate peu à bord c’est bien connu. » Même si cela parait contre intuitif pour lutter contre la nausée, le navigateur averti s’alimente régulièrement, on dépense de l’énergie au large. « Les facteurs psychologiques peuvent aussi jouer un rôle. » L’anxiété, le fait de se retrouver en milieu confiné sans possibilité de retour immédiat contribue à fragiliser le plaisancier occasionnel. Repérer les lieux, le port, le bateau en amont prépare le voyageur. Et mieux vaut s’embarquer dans une assez bonne forme physique. Des conseils préventifs à prendre en compte pour éviter “d’attraper“ le mal de mer « car une fois qu’il est là difficile de s’en défaire avant plusieurs heures. »
Du banal aux conséquences problématiques
En tant que directeur du Centre de consultation médicale maritime (le CCMM, joint au 196), Patrick Roux est régulièrement confronté aux problèmes du mal de mer. Si ses symptômes ne présentent pas de gravité a priori, ils ne sont pas à négliger pour autant. « Tout le problème consiste pour nous, soignants, à comprendre le terrain sur lequel il intervient, savoir si le sujet est par ailleurs en bonne santé », explique l’urgentiste chargé d’assurer la prise en charge médicale, à distance, des bateaux français sur toutes les mers du globe. Pour la personne en pleine forme, le désagrément n’ira pas au-delà du moment inconfortable. Tout rentrera dans l’ordre dès qu’il sera amariné ou qu’il aura posé le pied à terre. « Mais suivant le statut médical de la victime, l’installation des symptômes peut avoir des conséquences sur des pathologies sous-jacentes. » Le CCMM intervient aussi pour les navires qui transportent de nombreux passagers comme les ferries. « Nous sommes particulièrement attentifs aux jeunes enfants et aux personnes âgées plus à risque de complications en matière d’hydratation. »
L’autre question à prendre en compte est celle de la durée. Le mal de mer n’est pas une maladie, mais si on vomit pendant un à deux jours sans pouvoir compenser, on va finir par s’affaiblir sévèrement. « J’ai eu le cas récemment d’un jeune homme sans antécédent médical, parti en mission quelques jours sur un bateau de pêche. Il s’est dit qu’il allait finir par s’habituer, que le mal allait passer, mais après cinq jours, il a fallu aller le chercher en hélicoptère et l’hospitaliser pendant une semaine pour le réhydrater. »
Chimie, kiné, lunettes spéciales…
Au-delà des conseils préventifs de base, certains médicaments pris en amont des sorties peuvent aider. Les molécules les plus connues sont le Mercalm, un antihistaminique disponible sans ordonnance et la Scopolamine qui s’applique en patch par exemple… « Mais comme tout médicament, ils peuvent avoir des effets secondaires sur la vigilance en l’occurrence », rappellent les médecins. « Il faut essayer différents “trucs“, certains marchent sur les uns, pas sur les autres ». Le bracelet anti-mal de mer (Sea band) utilise les techniques d’acupression, les lunettes Boarding ring transmettent des informations de mouvement au cerveau et l’aide à se resynchroniser avec les perceptions de l’oreille interne. L’Agence d’innovation de la Défense a participé à la mise au point d’un système de colonnes lumineuses, le Boarding light, pour le personnel de la Marine nationale… La kinésithérapie vestibulaire, qui agit sur la sensation de vertige, aide certains sujets.
Les usagers de la mer peuvent trouver du réconfort en se disant qu’ils ne sont pas les seuls à souffrir de cinétose. Les concurrents des rallyes automobiles, comme le Paris-Dakar, subissent ce même désagrément qu’ils appellent le mal des dunes ; de même que les astronautes de retour à terre…
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