
Gigantesque, insaisissable, redouté. Le Kraken est sans doute l’un des monstres marins les plus célèbres de l’histoire. Avec ses tentacules capables d’enserrer un navire, cette créature mythique hante depuis des siècles les récits des marins et les pages de la littérature fantastique. Mais derrière la légende, se cache une histoire riche, entre mythologie antique, récits nordiques et science.
La première mention du Kraken remonte à 1180, dans un rapport du roi Sverre de Norvège. Il faudra attendre 1250 pour que le terme soit popularisé dans des récits nordiques comme Konungs skuggsjá, le « miroir du roi ». Le Kraken y est décrit comme un animal marin si gigantesque qu’il était souvent confondu avec une île. Sa silhouette faisait frémir les équipages, car il suffisait qu’il se réveille pour engloutir des bateaux entiers.
Les légendes norvégiennes le décrivent comme une bête monstrueuse, vivant au large des côtes norvégiennes et islandaises. Il ne remonte à la surface que rarement, mais quand il le fait, les conséquences sont dramatiques : remous, vortex, navires disloqués.
Une créature antique revisitée
Si la mythologie scandinave a forgé l’image la plus connue du Kraken, certaines versions du mythe le rattachent à la mythologie grecque. On le confond alors avec le monstre marin envoyé par Poséidon pour punir Cassiopée, mère d’Andromède. Selon le mythe, Cassiopée avait osé se prétendre plus belle que la déesse Héra. Pour expier son arrogance, sa fille fut enchaînée à un rocher et offerte au monstre. C’est Persée qui, muni de la tête de Méduse, parvint à le vaincre en le pétrifiant.
Même si le terme Kraken n’existait pas dans la Grèce antique, cette association avec un monstre marin gigantesque s’est imposée au fil du temps, notamment à travers les adaptations modernes.

Des récits marins à la réalité scientifique
Longtemps, les marins ont nourri les légendes du Kraken à travers leurs témoignages. Ils décrivaient d’immenses tentacules, des becs capables de broyer du bois, et des remous si puissants qu’ils avalaient les navires.
Ces récits trouvent peut-être un fond de vérité. Car dans les profondeurs de l’océan vit bel et bien un animal méconnu et impressionnant : le calamar géant (Architeuthis dux). Ce mollusque peut atteindre plus de 10 mètres de long, voire 13 mètres pour les plus grands spécimens jamais observés. Il n’a été photographié vivant pour la première fois qu’en 2004, au large du Japon, confirmant que les abysses abritent encore bien des mystères.
Certains scientifiques pensent que les attaques de Kraken évoquées par les marins pourraient être des rencontres exagérées avec ces céphalopodes, notamment lorsqu’ils se battent avec des cachalots - leurs prédateurs naturels.
Un monstre star de la culture populaire
Le Kraken n’a pas fini de hanter notre imaginaire. On le retrouve dans le cinéma, bien sûr, avec sa célèbre apparition dans Pirates des Caraïbes : Le Secret du coffre maudit (2006), où il dévore les navires au service de Davy Jones. Il surgit aussi dans Le Choc des Titans (1981 puis 2010), où il reprend son rôle de monstre antique, avec la fameuse injonction : « Release the Kraken! »
La littérature n’est pas en reste. Jules Verne évoque un duel spectaculaire entre un calamar géant et le Nautilus dans Vingt Mille Lieues sous les mers (1870), popularisant encore un peu plus cette créature mi-réelle, mi-fantasmée.
Le Kraken est aussi omniprésent dans les jeux vidéo, les séries, les BD, les cartes Pokémon ou Magic, et jusque dans les campagnes marketing de marques de rhum. Il symbolise désormais la force brute, le mystère et la puissance des océans.
Alors, mythe ou réalité ?
Le Kraken incarne cette frontière trouble entre l’imaginaire et le réel. Si la science a depuis identifié les calmars géants, les légendes nordiques ont su en faire un emblème du mystère marin. Et c’est sans doute pour cela qu’il continue, encore aujourd’hui, à nous captiver.