Les coutumes nautiques d’hier à aujourd’hui : superstitions et traditions à bord

Culture nautique
Par Le Figaro Nautisme

De la peur des esprits à la transmission des rites marins, le monde de la mer a toujours entretenu un lien particulier avec les croyances et les traditions. Certaines paraissent aujourd’hui insolites, d’autres se perpétuent discrètement sur les pontons ou lors des grandes traversées.

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De la peur des esprits à la transmission des rites marins, le monde de la mer a toujours entretenu un lien particulier avec les croyances et les traditions. Certaines paraissent aujourd’hui insolites, d’autres se perpétuent discrètement sur les pontons ou lors des grandes traversées.

Monter à bord d’un bateau n’a jamais été un geste anodin. Depuis l’Antiquité, les marins s’entourent de rites, parfois mystérieux, souvent empreints de superstition, pour conjurer la peur de l’inconnu et affronter l’immensité de la mer. Ces traditions, profondément ancrées dans la culture maritime, se sont transformées au fil du temps mais n’ont jamais totalement disparu. Elles racontent autant l’histoire de la navigation que l’imaginaire des hommes qui ont choisi la mer comme horizon.


Les interdits qui marquent encore les esprits

Dans l’univers marin, certains interdits sont restés célèbres. Le plus connu : bannir le mot « lapin » à bord, synonyme de mauvais présage depuis que ces animaux rongeaient jadis cordages et coques en bois, provoquant parfois le naufrage. La simple évocation du mot suffisait à faire frémir les équipages. Autre tabou : siffler sur le pont, car le son était censé attirer la tempête ou provoquer la colère du vent. Ces croyances trouvaient un écho pratique : siffler pouvait couvrir les ordres du capitaine, et mettre en danger la manœuvre collective. Quant à embarquer une femme, cela fut longtemps jugé dangereux, accusé de détourner l’attention des marins et d’attirer la foudre des dieux marins. En réalité, ces interdits traduisaient surtout la crainte face à l’imprévisible et les tensions propres à la vie en mer.


Des rituels pour s’attirer la chance

À côté des interdits, les marins ont inventé des gestes protecteurs. Briser une bouteille de vin ou de champagne sur la coque lors d’un baptême de navire fait partie des rituels les plus connus, un héritage qui perdure dans la marine moderne comme symbole de prospérité et de bonne fortune. Autre habitude : placer une pièce sous le mât ou dans la quille pour protéger le navire et son équipage, une tradition encore observée lors de la mise à l’eau de voiliers neufs. Dans certaines cultures maritimes, il était coutume de sacrifier quelques gouttes de rhum ou de vin à la mer, offrande symbolique destinée à calmer les esprits marins et à favoriser une traversée sereine.


Entre tradition et folklore

Ces coutumes dépassaient largement le cadre de la superstition. Elles avaient aussi une fonction sociale et identitaire. Chanter ensemble des chants de travail, les fameux sea shanties, permettait de coordonner les efforts tout en renforçant l’esprit de groupe. Les passages symboliques, comme celui de l’équateur, donnaient lieu à des cérémonies hautes en couleur : déguisements, rites de « baptême » menés par un marin incarnant Neptune, gages et jeux collectifs. Ces moments, à la frontière entre folklore et tradition, créaient un ciment au sein de l’équipage, essentiel lors de longs mois en mer où la monotonie et l’isolement pesaient.


Des superstitions toujours vivantes

La navigation moderne, avec ses GPS, ses prévisions météo et ses équipements de sécurité, a fait reculer la peur des malédictions. Pourtant, certaines habitudes persistent. Dans de nombreux ports, il reste mal vu de prendre la mer un vendredi, héritage du Vendredi saint associé au malheur. Les courses au large ou les grandes expéditions en témoignent encore : certains skippers préfèrent retarder leur départ plutôt que de braver la superstition. De même, beaucoup de marins affichent encore dans leur cockpit une médaille de la Vierge, un gris-gris ou un porte-bonheur transmis par leur famille. Ces petits gestes traduisent un besoin universel : sentir que la mer, malgré sa force et son mystère, peut être apprivoisée par un rituel protecteur.

Héritage et transmission

Aujourd’hui, ces croyances font partie intégrante du patrimoine maritime. Elles sont racontées dans les écoles de voile, rappelées lors des baptêmes de navires et transmises comme autant d’anecdotes savoureuses. Dans les courses au large, certaines traditions trouvent même un nouveau souffle : le rituel du passage de l’équateur, par exemple, continue d’être pratiqué, et reste un moment fort partagé par les équipages. Pour les plaisanciers, ces coutumes sont devenues une manière d’entrer dans la grande famille des gens de mer, d’adopter un langage et des gestes hérités des siècles passés.
Car au-delà de leur dimension symbolique, ces traditions rappellent une évidence : naviguer reste une aventure où l’homme, malgré la technologie, ne maîtrise pas tout. Respecter une superstition, perpétuer un rite ou accrocher un talisman, c’est une façon d’assumer l’incertitude de la mer, mais aussi de se sentir relié à des générations entières de marins. Hier comme aujourd’hui, c’est cette transmission qui donne à la vie à bord son supplément d’âme.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
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Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.