Haliotis Turboculata ou l'ormeau : l’oreille de mer

Culture nautique

L’ormeau a été utilisé dans la construction navale à l’époque de la marine en bois, et dans la construction de casiers à homard par les pêcheurs locaux. Nous ne parlerons pas ici de l’arbre, mais du coquillage, l’ormeau, qui d’ailleurs s’appelle aussi abalone, haliotide, et en France dans le passé, oreille de mer.

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L’ormeau a été utilisé dans la construction navale à l’époque de la marine en bois, et dans la construction de casiers à homard par les pêcheurs locaux. Nous ne parlerons pas ici de l’arbre, mais du coquillage, l’ormeau, qui d’ailleurs s’appelle aussi abalone, haliotide, et en France dans le passé, oreille de mer.

J’ai rencontré l’ormeau pour la première fois durant mon long séjour en Australie. D’abord en Tasmanie, lors de plusieurs expéditions maritimes au sud d’Hobart le long de la côte échancrée, à bord d’un semi-rigide qui nous amenait au pied des très hautes aiguilles de schiste et dans des grottes marines où nous entrions sur la crête de la vague. Notre skipper nous montrait à chaque fois à partir du bord du bateau, un gisement d’ormeaux sous une profondeur de cinq/six mètres d’une eau très transparente. J’appris alors que c’était rare et que la pêche était absolument interdite, sauf pour quelques professionnels ayant une licence très restrictive et rigoureusement contrôlée. Il existe d’ailleurs un organisme administratif australien de supervision et de police spécifique visant à combattre la contrebande.

On peut remonter au néolithique, plus ancienne période où l’on trouve trace de l’utilisation de l’ormeau par les hommes pour leur alimentation, mais aussi comme coupelle pour la préparation des pigments de peintures rupestres, et signaler les nombreuses mentions dans les relations de voyage et journaux de bord des expéditions maritimes des 17eme, 18eme et 19eme siècles évoquant la découverte d’ormeaux par les navigateurs tout autour de la planète.

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Ormeaux apres quelques semaines

Les scientifiques aussi se sont intéressés à ce gastéropode marin et pour l’anecdote, nous retenons ce qui était écrit dans un traité d’histoire naturelle en 1800 :

« L’Oreille de mer, nommée ainsi à cause de sa ressemblance avec le cartilage de l’oreille humaine, est une coquille oblongue, un peu bombée et légèrement contournée en spirale. Elle a une rangée de trous ronds disposés sur une ligne courbe : ces trous sont au nombre de sept ; à mesure que l’animal grandit, il fait un nouveau trou sur le bord de la partie antérieure de sa coquille, et en ferme un dans la partie supérieure.
Dargenville prétend que ces trous servent à l’animal pour expulser ses excréments. Si j’osais combattre l’opinion de ce naturaliste, je dirais qu’il est bien plus probable de penser que ces trous lui servent pour recevoir l’eau, l’air et les particules de plantes qui lui sont apportées par les flots, lorsque ce coquillage est collé au rocher ; car il s’y attache comme le lépas, mais toujours à fleur-d’eau. Ce qui me ferait croire que l’oreille de mer tient de l’amphibie, c’est qu’elle se détache souvent de son rocher pour aller, surtout pendant les belles nuits d’été, paître l’herbe fraîche qui croit près le rivage.

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Coquille d'ormeau


Les trous dont nous venons de parler, servent aussi à connaitre l’âge de la coquille.
L’Oreille de mer est toujours couverte d’un drap marin terreux et fort épais, sous lequel elle cache l’éclat d’une nacre qui brille de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.
Cette riche coquille donne quelquefois des perles ; mais elles sont petites, et par conséquent de peu de valeur.
On divise cette famille en deux espèces, qui sont l’Oreille de mer percée et nacrée, et celle qui n’est ni l’un ni l’autre.
Les plus remarquables de la première espèce, sont l’Oreille de mer des grandes Indes ; le vert, le jaune, le rouge et le violet sont fondus de la manière la plus agréable dans cette coquille, qui est d’un éclat éblouissant.
La grande Oreille arrondie, dont la partie intérieure réunit toutes les espèces de nacre, azurées, brunes, pourprées, joue les couleurs changeantes de l’iris et de la gorge du pigeon ; et cette coquille, la plus brillante sans doute de cette famille, cache l’éclat de sa robe sous une enveloppe pierreuse, qu’il est difficile d’enlever.
Une coquille de la seconde espèce de cette famille, et connue depuis fort peu de temps, mérite aussi d’être citée. Elle n’est point percée et sa robe ne brille point de l’éclat des orients, comme la précédente ; mais l’élégance de sa forme lui a mérité le nom d’Oreille de Vénus : elle est petite, agréablement tournée, d’un beu blanc en dehors et légèrement teinte de couleur de rose dans son intérieur.
L’animal renfermé dans l’Oreille de mer a une tête très distincte ; elle est garnie de quatre cornes ; ses yeux sont placés au sommet des deux plus petites ; lorsqu’il marche sur terre, sa plaque ou la partie charnue sur laquelle il porte, déborde de beaucoup la circonférence de sa coquille.
Ce coquillage, médiocrement bon à manger, est destiné à faire des ornements ou à parer nos cabinets. »

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Tete d'ormeau et son fascinant regard

Depuis cette date, et les descriptions scientifiques pleines de l’emphase littéraire de l’époque, de nombreuses recherches ont été réalisées et on peut citer les travaux menés au sein des équipes de l’Université de Bretagne Occidentale, mais aussi en Australie, Nouvelle Zélande, Afrique du Sud pour mieux connaitre l’animal, et bien sûr pour définir les pratiques en vue de développer un élevage commercial, plus durable qu’une extraction sauvage du milieu naturel.

L’ormeau fascine ! On le trouve accueilli dans la haute couture, Jodie Foster s’en est parée lors du festival de Cannes, ainsi que la joaillerie, et même lors de pratiques ésotériques avec l’utilisation des coquilles d’ormeau comme réceptacle de brûlage de substances par les chamans... L’homme a souvent reconnu une dimension mystique à l’ormeau...

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Jodie Foster au Festival de Cannes

Bien que l’expérience culinaire des premiers européens au contact des aborigènes d’Australie, redoutables pêcheurs d’abalone et très friands de ce coquillage qui composait leur alimentation, n’ait pas été convaincante, Bruny d’Entrecasteaux et son équipage lors de leur voyage à la recherche de La Pérouse, ont pu observer en 1792/1793 dans les parages d’Hobart au sud de la Tasmanie, leur pêche par les femmes plongeant pour un repas autour de ce mets cuit sur le feu avec sa coquille.

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Planches de l'atlas Beautemps-Beaupre (1793)

Cette pratique de la pêche des ormeaux par les femmes existe aussi en Corée du sud où elles plongent à l’intersection du détroit de Corée, de la mer Jaune et du sud de la mer de Chine, au péril de leur vie depuis des centaines d’années. Elles affrontent le danger des requins et des roches acérées des rives volcaniques. On dit qu’elles portent leur cercueil sur leur dos...

On trouve depuis des millénaires des gisements d’ormeaux (abalone en Asie) le long des côtes de Chine, du Japon, de Californie, d’Australie, d’Afrique du Sud et d’Europe. Il y avait une certaine abondance de coquillages. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas et, malgré la production d’élevage, l’ormeau est devenu un coquillage rare et coûteux. Il existe en France, France Haliotis, situé à Plouguerneau dans le Finistère. C’est tout à la fois une nurserie et un élevage, créés et dirigés par un spécialiste entouré d’une équipe de passionnés et fournisseur de la cuisine gastronomique française. Alexandre Couillon, chef *** du restaurant La Marine à Noirmoutier, est l’un des brillants adeptes de l’ormeau en le mettant en bonne place sur sa carte.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
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Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.