Quand les îles les plus petites redessinent la carte du monde et des océans

Culture nautique
Par Le Figaro Nautisme

Elles sont souvent à peine repérables sur une carte, réduites à quelques kilomètres carrés ou quelques milliers d’habitants. Pourtant, ces micro-territoires insulaires exercent une influence disproportionnée, non pas en raison de leur taille terrestre, mais grâce à ce qui les entoure : l’océan, la mer, et les vastes domaines maritimes qu’ils contrôlent. Ils remodèlent subtilement la géopolitique, l’économie, l’environnement, et par extension notre conception même de la « carte du monde ».

Elles sont souvent à peine repérables sur une carte, réduites à quelques kilomètres carrés ou quelques milliers d’habitants. Pourtant, ces micro-territoires insulaires exercent une influence disproportionnée, non pas en raison de leur taille terrestre, mais grâce à ce qui les entoure : l’océan, la mer, et les vastes domaines maritimes qu’ils contrôlent. Ils remodèlent subtilement la géopolitique, l’économie, l’environnement, et par extension notre conception même de la « carte du monde ».
© AdobeStock

Petites terres, grands espaces maritimes

La géographie a ses paradoxes : Nauru, 21 km2 de superficie pour 12 000 habitants, possède une zone économique exclusive (ZEE) de plus de 320 000 km2. Tuvalu, à peine 26 km2 de terres émergées, contrôle un espace maritime de près de 750 000 km2. Quant aux États fédérés de Micronésie, leur ZEE s’étend sur près de 3 millions de km2, soit la taille de l’Inde.
Ce contraste saisissant découle du droit international : la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer permet à tout État de revendiquer jusqu’à 200 milles nautiques (environ 370 km) autour de ses côtes. Pour les micro-États, cet océan devient un atout stratégique.
Dans ces ZEE immenses se concentrent des ressources halieutiques considérables, parfois des gisements miniers sous-marins, mais aussi une influence politique que beaucoup de grandes puissances leur envient. Tuvalu, par exemple, vend des licences de pêche à des flottes étrangères, générant une part majeure de ses revenus nationaux.

Une souveraineté fragile mais assumée

Être un État minuscule ne signifie pas être effacé. Ces nations affirment leur indépendance tout en s’appuyant sur un réseau d’alliances et de partenariats. La souveraineté, ici, s’exerce autrement : plus flexible, plus négociée.
Nauru en est un symbole. Après l’exploitation massive de ses gisements de phosphate, l’île s’est retrouvée dévastée et dépendante économiquement. Mais au lieu de s’effacer, elle a réinvesti la scène diplomatique, en siégeant à l’ONU et en attirant des accords régionaux avec l’Australie ou la Nouvelle-Zélande.
Ces micro-territoires ont appris à jouer sur d’autres registres : environnement, climat, diplomatie numérique ou droit maritime. Leur petite taille devient un argument moral dans les négociations internationales. Quand le Premier ministre de Tuvalu prend la parole à la COP, il parle au nom d’une humanité menacée, et son message porte.

Carte des ZEE en Oceanie
Carte des ZEE en Oceanie© Wikipedia

L’océan comme monnaie d’échange

L’eau est leur territoire, mais aussi leur richesse. Dans un monde où la pêche, l’énergie marine et les métaux rares prennent une importance stratégique, ces États disposent de vastes domaines à valoriser.
Palau, par exemple, a transformé son immense espace maritime en sanctuaire écologique : plus de 80 % de ses eaux sont désormais protégées. Interdiction d’y pêcher industriellement ou d’y exploiter les fonds marins. Ce choix audacieux a séduit les écotouristes et fait de Palau un modèle mondial de conservation marine.
À l’inverse, d’autres États, comme Kiribati ou les Fidji, négocient des droits de pêche ou de transit maritime. Ces accords deviennent leur principale source de revenus, mais les exposent à une forte dépendance vis-à-vis des grandes flottes asiatiques.

Des économies aussi fragiles qu’inventives

La survie de ces nations repose sur des modèles économiques singuliers. Les chercheurs parlent de modèle « MIRAB », pour Migration, Remittances, Aid, Bureaucracy. L’économie fonctionne grâce aux envois de fonds de la diaspora, à l’aide internationale et à une fonction publique gonflée, souvent seule source d’emploi stable.
Mais certains ont trouvé des niches originales : Tuvalu tire des millions de dollars chaque année de la vente de son extension internet « .tv », utilisée par les plateformes audiovisuelles du monde entier. Niue fait de même avec le domaine « .nu », prisé dans les pays nordiques.
Ces revenus, bien que modestes à l’échelle mondiale, permettent d’assurer des budgets nationaux, de financer des infrastructures et de maintenir une présence internationale.

© Marine Regions

L’urgence climatique comme ligne de front

Les micro-territoires sont les sentinelles du réchauffement climatique. À Tuvalu, le point culminant n’excède pas cinq mètres au-dessus du niveau de la mer. L’érosion grignote chaque année un peu plus de terre. La montée du niveau marin ne menace pas seulement leurs maisons, mais aussi leur existence juridique. Si une île disparaît, qu’advient-il de sa ZEE ?
Les juristes et diplomates s’activent : certains États envisagent de numériser leurs registres, leurs frontières, voire leurs symboles nationaux pour exister « en ligne » si leur territoire venait à être submergé. Une nouvelle forme de souveraineté, virtuelle mais bien réelle.
Dans ce combat, ces îles sont devenues la conscience écologique du monde. Leur vulnérabilité met en lumière la responsabilité collective face au dérèglement climatique.

Une leçon de géopolitique planétaire

Derrière leur fragilité apparente, ces micro-territoires offrent une autre lecture du monde :
o Géographique, parce qu’ils prouvent que la puissance ne dépend pas de la surface terrestre mais du contrôle des espaces maritimes.
o Économique, car ils expérimentent des modèles innovants fondés sur la niche et la résilience.
o Environnementale, puisque leur destin incarne celui de toutes les zones côtières vulnérables.
o Géopolitique, enfin, parce qu’ils obligent les grandes puissances à composer avec eux dans les instances internationales.

Les îles minuscules sont devenues les aiguilles sensibles du baromètre planétaire. Elles nous rappellent que la puissance, aujourd’hui, ne se mesure plus en kilomètres carrés, mais en intelligence stratégique, en adaptabilité et en gestion durable de l’espace marin.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
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Cyrille Duchesne
Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
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Irwin Sonigo
Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.