
Depuis qu'il a racheté Oman Air Majan, Marc Thiercelin cherche les fonds nécessaires pour remettre le bateau en état et mener à bien son programme prévisionnel de courses et records tout en gardant un objectif en tête : donner du sens à son projet. Rencontre.
Figaro Nautisme : Vous avez racheté Oman Air Majan il y a deux ans. Où en êtes vous aujourd’hui ?
Marc Thiercelin : Je cherche des fonds depuis fin 2011 pour réparer ce trimaran exceptionnel (4e plus grand trimaran de course au monde, ndlr). En fait, j’ai racheté la plateforme et les moules, mais le bateau n’avait plus ni mât, ni voiles ... C’est un géant à qui il faut redonner une vie en lui remettant entre autres un gréement complet. Toutefois la période est très compliquée, la plus difficile depuis que j’ai commencé ma carrière pro. Le contexte économique n’est pas favorable du tout. Lors de mes 25 années de carrière, j’ai déjà connu tous les types de situations. Mais là, avec un bateau géant en kit dans un hangar, ce n’est pas simple. Néanmoins le jeu en vaut largement la chandelle. Je veux reconstruire le bateau pour tenter plein de records en solitaire, en double et en équipage, mais aussi des courses. À commencer par la Route du Rhum 2014, que je n’ai jamais eu l’occasion de courir. Il faut entre huit et dix mois pour remettre le bateau en état. Si je suis pessimiste et que le bateau entre en chantier en septembre, il sera remis à l’eau début de l’été 2014. Le temps de mise au point avec la Route du Rhum sera court mais jouable.
Combien cherchez-vous concrètement ?
Il me manque 2 M€ pour remettre complétement le bateau en état. Il a été construit en 2010 en Australie et à Oman et n’a navigué que dix mois avec Sidney Gavignet. Neuf, il avait coûté 5 M€. 2 M€ est donc un prix très attractif pour un trimaran géant de 31 mètres de cette qualité avec aussi peu de milles au compteur. J’insiste sur le fait que je ferai appel aux fournisseurs adhérent à la Sailing Valley de l’association Eurolarge, la filière d’exception française. C’est important de faire travailler l’économie locale. Les entreprises qui m’apporteront des fonds contribueront directement à soutenir 100% de cette filière de réputation mondiale (filière qui a notamment construit Groupama 4, vainqueur de la Volvo Ocean Race). Ensuite, concernant le budget de fonctionnement du bateau, je recherche 1,8 M€ pour la période allant de 2013 à 2015. Cependant la première priorité est que le bateau navigue de nouveau.
Avez-vous des pistes ?
J’ai passé 90% de ces 16 derniers mois à chercher des moyens pour faire revivre un trimaran unique et des idées fortes. J’ai des pistes, j’ai même trouvé un partenaire Opcalia, qui, via un fonds de dotation et une opération de crowdfunding, est prêt à me soutenir à condition qu’un partenaire privé se joigne à l’aventure en apportant un petit tiers du budget. Le bateau, pourrait s’appeler le « trimaran de l’alternance » et être au service de la cause comme mode pédagogique pertinent, bénéfique à la fois au candidat et à l’entreprise. L’alternance sera au cœur de toutes les actions autour du trimaran, de la reconstruction à la navigation. Opcalia veut mobiliser son réseau de 95.000 adhérents pour participer à la promotion de l’alternance en France. En première contrepartie, chaque donateur aura son logo sur le bateau, mais aussi des actions à bord du bateau. J’ai toujours préféré lier mes projets à des idées fortes et si possible sociétales. C’est important de sonner du sens à un projet de sponsoring, comme je l’ai défendu aux côtés de DCNS de 2008 à 2011.
En attendant, vous allez naviguer en Multi50 avec Lalou Roucayrol…
Je le remercie déjà de me faire confiance et de m’intégrer à son projet. Je vais naviguer avec lui sur la Route des Princes et sur les autres grands prix de la saison, hormis sur la Transat Jacques Vabre qu’il va courir avec son jeune « alternant » de 20 ans. Lalou aussi aime le concept de transmission de l’expérience. D’ici là, j’espère que mon bateau sera remis à l’eau. Naviguer avec Lalou me donne l’occasion de faire du multicoque. Je vais observer ce qui s’y passe, les forces en présence…Je m’intéresse au multicoque, et cela fait longtemps que je voulais en faire. Le Multi50 est vivant et accessible.
Et votre fondation dans tout ça ?
C’est une idée que j’ai en tête depuis 2001 et j’ai pris du temps pour aller à la pêche aux infos, aux forces en présences et aux initiatives déjà existantes. Jusqu’en 2005, il n’existait rien. Aujourd’hui, enfin, cela bouge autour du monde maritime. Je vais mener le projet de la Fondation de l’Or Bleu en étant l’ambassadeur mais en parallèle, tant que ma carrière de coureur n’est pas terminée. Six grands chantiers sont nés dans les années 60/70 (nucléaire, télécoms, TGV, spatial, aéronautique, plan de calcul, ndlr), dont les bénéfices perdurent aujourd’hui pour l’industrie française. L’Or Bleu veut encourager l’Etat à lancer un septième chantier stratégique, celui de l’économie maritime et des métiers de la mer autour de trois grands thèmes : la déconstruction navale, les biotechnologies bleues et la R&D ainsi que les énergies marines renouvelables et offshore. Le but est d’identifier et de promouvoir les projets porteurs d’emploi dans l’univers des métiers liés au monde de la mer ; éveiller, faire connaître à tous les publics l’ensemble de l’économie maritime, et enfin accompagner et soutenir les filières innovantes ainsi que la création de nouveaux métiers liés au monde de la mer.
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